Le livre de Muriel Gilbert est le fruit d'une recherche doctorale.
Il est centré sur le débat à instaurer entre le concept
philosophique de l'«identité narrative», mis en lumière par Paul
Ricoeur, et la perspective de la psychologie clinique et de la
psychanalyse où pareille conception narrative de l'identité
personnelle pose question. Après une introduction à la lecture de
Ricoeur, deux parties divisent l'ouvrage. La première, à propos de
Temps et récit, mesure le parcours qui va de saint Augustin à la
pensée ricoeurienne et, à partir de Soi-même comme un autre analyse
le cheminement qui va de Descartes à Ricoeur. Dans la deuxième
partie, sur l'horizon de Freud et de Lacan, sont proposés des
éléments pour une discussion critique. L'étude s'achève par des
«ouvertures cliniques», tant à propos de Ricoeur qu'à partir de
lui. Limpides et bien menées, les analyses de l'A. tentent de
montrer que l'approche ricoeurienne de l'identité doit être soumise
au crible de la critique, si l'on veut qu'elle soit signifiante
dans l'univers de la pratique et de la réflexion thérapeutiques. On
voit surtout se dessiner les limites d'une conception narrative de
l'identité à exprimer la dimension inconsciente de l'expérience.
L'A. se demande s'il ne faudrait pas appréhender l'approche
narrative de l'identité en terme de visée. Celle-ci dirait
l'intemporalité inhérente à la dimension inconsciente de
l'expérience, par opposition au caractère temporel de l'existence.
Ces critiques ne sont évidemment pas faites d'un point de vue
strictement philosophique. Elles veulent seulement se proposer à
partir de la perspective psychanalytique, et constituer le
préalable nécessaire à la reprise des vues ricoeuriennes dans le
champ de la psychologie clinique. - H. Jacobs, S.J.