M. de Certeau (1925-1986) est un auteur difficile. L'étudier, dit
Monica Quirico, c'est le suivre dans sa recherche spirituelle sans
fin. L'A., mère de famille et docteur de théologie à Turin,
présente ici sa thèse de doctorat de théologie. Certeau est né dans
une famille savoyarde et connut une éducation assez stricte.
Baccalauréat à Grenoble en 1943 et entrée dans la Résistance.
Séminaire de Paris de 1944 à 1946, puis après un an de réflexion,
séminaire de Lyon en 1947, dans un milieu très ouvert à la
«théologie nouvelle». Il rencontre de Lubac et entre dans la
Compagnie de Jésus en 1948 pour devenir missionnaire en Chine, mais
l'arrivée des communistes à Pékin en 1949 lui coupe cette voie. Il
se passionne alors pour l'histoire religieuse. Prêtre en 1956, il
étudie la littérature mystique, participe à la fondation de l'École
freudienne de Paris avec J. Lacan, découvre Kant, Hegel, Marx. Dès
1956, il fait partie de la jeune équipe de la revue Christus et
dirige la collection qui lui est rattachée. En 1957-58, il suit à
Paris les cours d'Orcibal sur la mystique rhénane et flamande,
étudie le Mémorial de Pierre Favre sj et se passionne pour Surin en
qui il voit probablement son double. Surin est l'un des exorcistes
des fameuses possédées de Loudun (1632-1640) où Certeau repère
certaines modalités de la mystique moderne: la découverte de
l'Absent, la trace de cet Autre qui meut le désir humain, la
désappropriation de soi qui est une des marques de la science
expérimentale spirituelle. En 1963, il publie: le Mémorial de
Favre, La Guilde spirituelle et la Correspondance de Surin. En
1967, il publie un recueil d'articles coup sur coup, L'Étranger ou
l'union dans la différence et devient rédacteur aux Études.
En 1970, il sort La Possession de Loudun, son oeuvre la plus
importante et, en 1982, La Fable mystique, livres qui constituent
les deux pôles de sa pensée historique et mystique; dans le
premier, il élabore sa méthode de recherche et de récit qui fait
apparaître ce qui est caché et la possibilité risquée de l'Autre;
tandis que sa Fable mystique va à la recherche de l'Autre perdu dès
qu'il est entrevu et présent finalement en nous, dans la vie
quotidienne, dans le silence et la poésie. Ces deux livres montrent
aussi le passage douloureux d'une époque à une autre dans une
société qui se brise pour instaurer une nouveauté à construire.
En 1974, il publie Le Christianisme éclaté qui lui attire des
ennuis dans l'Église et la Compagnie. Si l'on parle beaucoup de
Certeau, il faut bien reconnaître qu'il n'a pas eu de continuateur,
note l'A. Dans sa post-face, P. Sequeri souligne que Certeau est
«une matière volcanique toujours en éruption» qui se laisse
difficilement saisir dans le cadre d'une discipline. M. Quirico a
le mérite de rendre le projet de Michel de Certeau accessible même
aux non-spécialistes, mais il reste que, à part le Mémorial,
l'écriture de Certeau, probablement contaminée par celle de Lacan,
ne facilite guère la lecture de son oeuvre si riche et en
consonance avec notre époque. - B.C.