L'ouvrage est magistral, déjà par son ampleur - ce n'est pas peu de
choses de rappeler à la théologie qu'il est sage d'être fou, en
montrant la voie de la «folie sainte» propre au christianisme, par
différence des anciens (première partie) et dans la ligne de la
folie biblique (deuxième partie). On nous pardonnera de nous être
surtout intéressée, dans cette somme, à ce que la troisième partie
nomme «la tradition de la folie sainte», du martyre à la vie
religieuse, de l'ascète au béat, en passant par le mime sacré. Il
existe cependant un autre langage de la folie (quatrième partie):
théâtralisée chez Érasme, raisonnée chez Descartes, la «folie
sainte» est désormais à l'épreuve du discours rationnel - n'était
la figure superbe de Jean-Joseph Surin, qui permet d'ouvrir, en
finale, sur «le combat apocalyptique entre deux folies», celle de
Nietzsche et celle de Thérèse de l'Enfant-Jésus, «deux monstres
sacrés des temps modernes» (471), qui réactualisent les anciennes
promesses de Dieu proférées par Paul. Retour à l'irrationnal grec
chez l'un, jeu du désir où s'exténue la souffrance chez l'autre,
cette folie a sans doute pour analogue premier, comme l'avait vu
Przywara, le Dieu toujours plus grand, devenu, «un certain jour»,
le Très-Bas (498s.). Culminant dans cette finale, l'immense
traversée de l'auteur est soutenue par un dialogue constant avec M.
Foucault et J. Lacan, M. de Certeau et P.H. Kolvenbach, mais aussi
avec la multitude d'auteurs que révèle l'abondante bibliographie.
Un monument sans doute, pour la spiritualité des temps à venir. -
N. Hausman, S.C.M.