La gnose, une question philosophique. Pour une phénoménologie de l'invisible. Actes du Colloque «Phénoménologie, gnose, métaphysique» des 16-17 oct. 1997, à Paris-IV-Sorbonne, éd. N. Depraz et J.-Fr. Marquet
Col.
Filosofía
-
reviewer :
Debrun
Est-il possible de faire une place rigoureuse à la gnose?, demande
la présentation du livre. De quelle gnose s'agit-il? Le titre de
l'ouvrage la définit «une phénoménologie de l'invisible» et veut
«réinsuffler la qualité de vérité, de rigueur philosophique dont
(la gnose) est porteuse» explique N. Depraz et, dans son
avant-propos, elle voit la gnose entre phénoménologie et
métaphysique. C'est dans ce sens qu'elle a orienté le Colloque de
la Sorbonne en 1997 et fait appel à 13 spécialistes, philosophes et
historiens non seulement de l'Occident mais encore de l'islam soufi
et du bouddhisme tibétain. Ce qui est en jeu ici, précise N.
Depraz, est la prétention de la gnose à exprimer l'expérience de
l'absolu, alors que la théologie mystique aboutit à l'inexprimable.
«En ce domaine où gnose et mystique se côtoient, la phénoménologie
apporte sa rigueur et sa méthode et ouvre un accès réglé à
l'expérience de l'absolu dans une réalité absolue et non-duelle».
Pareille expérience est partageable mais requiert une ascèse et
l'effort de toute une vie, car elle est une connaissance à
assimiler et à exercer. «Cette gnose a peu de chose à voir avec le
gnosticisme dualiste et opposé à la chair» où «les faux gnostiques
se disent dépositaires d'une science spirituelle qui apporte la
délivrance et vise le retour à l'unité première». Ce volume veut
donc «mesurer la portée proprement métaphysique de la gnose et en
offrir une description strictement phénoménologique, expériencielle
et méthodique» (N. Depraz).
Les 14 études présentées dans ces pages vont dans ce sens en trois
étapes: 1/- «Gnose et incarnation» emploie la méthode
phénoménologique pour réévaluer le gnosticisme et cerner sa
position face à la chair et au monde, ses limites et ses apports
(Henry, Vieillard-Baron, Falque, Detraz). 2/- «La gnose entre
idéalisme et empirisme: une expérience métaphysique» illustre la
tension interne à l'approche métaphysique de la gnose comme
connaissance par sa pratique et sa visée spéculative dans le
soufisme, le bouddhisme et l'idéalisme de Hegel et de Schelling
vieillissant (Zarcone, Varella, Vieillard-Baron, Franz). 3/-
«Phénoménologie et métaphysique» relève les articulations entre les
deux systèmes philosophiques sous l'angle de la connaissance chez
Husserl, Edith Stein, Fink et Nishida (Marquet, Keckel, Ferrer,
Sepp, Shin Nagai, Pinchard).
Nous avons apprécié particulièrement M. Henry: «La vérité de la
gnose»; Th. Zarcone: «Y a-t-il une gnose soufie?»; J.-L.
Vieillard-Baron: «Gnose et idéalisme allemand», qui précise bien
que cet idéalisme est gnostique au sens fort puisqu'il propose le
salut à la conscience philosophique; J.-Fr. Marquet: «Le pôle et le
flux» et surtout A.L. Kelkel: «Husserl et le problème de la
métaphysique». Ouvrage intéressant quand on a bien compris qu'il ne
s'agit pas ici de la gnose au sens fort, comme religion de salut
par la seule connaissance, mais de la gnose comme métaphysique et
connaissance de l'invisible. - J. Debrun.