Un moment de feu qui bouleverse toute une existence : voilà ce qu’a connu Thibault de Montaigu, l’auteur de ce roman, en large part autobiographique. Alors qu’il menait une enquête pour son prochain livre, ce qu’il nomme « la grâce » vient le terrasser lors d’un office monastique : comment croire et que faire de ce qui vient de lui advenir ?

C’est la figure de son oncle Christian, frère franciscain, qui meurt peu de temps après ce moment brûlant, à laquelle il veut désormais s’attacher pour comprendre. En effet, l’A. découvre que Christian a, comme lui, connu une brusque conversion après une vie plus que dissolue, notamment dans les plaisirs nocturnes, là encore comme lui. Alors qu’on pourrait prévoir un roman fait d’un simple changement de vie soudain, il n’en est rien : c’est ici un récit de vie qui s’écrit dans les sinuosités de l’existence, qui parle de Dieu et de la joie, certes, mais aussi des anfractuosités sombres où l’on peine parfois à le retrouver. Ainsi, pas à pas, nous suivons Christian dans son changement de vie, sa décision de devenir franciscain et puis toute la manière d’incarner ensuite cette grâce jusque dans les crises rugueuses de sa vie, même quand le ciel semble lui tomber sur la tête. Cette vie sert de vis-à-vis à celle de son neveu l’écrivain qui cherche à toucher les ressorts spirituels de cette existence qui pouvait sembler si ordinairement donnée dans la vie religieuse.

Un grand roman de la rentrée 2020, touchant d’authenticité et de pages délicatement fines, car « combien de fois dans la vie on tombe à côté, et combien de fois dans la vie on ne fait pas attention et l’on commence à jouer de travers. Mais aucune de ces fausses notes n’est grave si l’on sait. Si l’on en revient au visage tendre et sérieux de l’enfant sous les traits duquel, à chaque instant, la grâce attend de surgir » (p. 310). — I. Payen de La Garanderie