La naissance du Nouveau Testament. Préf. et inédits de Ph. Rolland

L. Houdry
Sagrada Escritura - reviewer : Jean Radermakers s.j.
Fort différent du précédent et cependant digne du plus haut intérêt est l'essai que le P. Lucien Houdry, exégète dominicain, consacre aux recherches menées depuis plus de vingt-cinq ans par Ph. Rolland, spécialiste de l'origine des évangiles. On connaît les études savantes de ce dernier, basées notamment sur la comparaison de l'emploi de vocables et d'expressions typiques dans les divers écrits du N.T. Nous avons déjà dit ici même la difficulté de manier pareil critère, car la dépendance d'un écrit par rapport à un autre ne peut être prouvée par la critique externe, et la pondération des éléments significatifs des textes est délicate.
Heureusement, L.H. nous mâche la besogne. Il reprend les articles et les essais de Ph.R. et en transmet la substantifique moelle avec des explications lumineuses; ce travail a été revu par l'A. qui y reconnaît sa pensée. En fait, L.H. tente de nous faire assister à la genèse du Nouveau Testament. Il débute avec le récit que Paul fait de sa conversion (Ga 1,13-21) et de sa rencontre avec Pierre et Jacques à Jérusalem, sans doute en 39, neuf ans après la mort de Jésus. Les Actes - considérés comme historiquement fondés - donnent l'essentiel du développement de «l'évangile oral» proclamé à ce moment, à Jérusalem d'abord, puis à Césarée et à Antioche. On peut en dégager une généalogie globale des évangiles synoptiques (p. 27). Les églises fondées par Paul reçoivent des lettres de l'apôtre: les deux aux Thessaloniciens dont la structure identique dit la commune authenticité, puis celles aux communautés de Corinthe, de Philippes et de Galatie (56/57). Entre Jacques et Paul s'instaure un dialogue repérable dans ces lettres et surtout en Romains (57/58), tandis que les évangiles s'élaborent grâce à des compléments (p. 77). Les épîtres à Tite et Timothée datent de 58, comme le discours de Milet (cf. Ac 20). Paul est arrêté et Pierre conclut le dialogue entre Paul et Jacques par sa première lettre (59); Paul rédige à Césarée les lettres aux Éphésiens, aux Colossiens et à Philémon, et l'on peut même y retrouver l'ordre de dictée des chapitres et l'influence de Pierre. L'épître aux Hébreux est écrite après la mort de Jacques (62), à l'époque où Mt et Lc-Ac sont rédigés, quelques années avant Mc (vers 66/67), dans un contexte d'opposition entre le judaïsme officiel et la prédication évangélique. La 2e lettre de Pierre vers 63 et l'épître de Jude vers 68/69 (qui font l'objet d'une synopse aux pp. 136-143) encadrent la mort de Pierre et de Paul (64 ou printemps 65). Après la guerre juive, la ruine de Jérusalem (70) et la restauration du judaïsme, il faut placer les écrits johanniques: l'Apocalypse vers 95, les épîtres vers 98, au moment où naissent les hérésies et le docétisme, et enfin le 4e évangile vers 99/100.
Aux Pères apostoliques (Clément, Ignace, Polycarpe et Irénée) est attribué un appendice évoquant la réception de l'héritage des apôtres jusqu'au milieu du IIe siècle. Un tableau chronologique et la justification de quelques dates clôturent ce beau livre qui reprend l'essentiel du travail de Ph.R. et en fait saisir la cohérence.
On est séduit par cette reconstruction qui paraît tellement bien agencée qu'on voudrait la croire vraie et authentiquement historique. L'effet est saisissant! Une question néanmoins vient à l'esprit: quelle en est la fiabilité objective? Car un nombre même imposant d'indices ne fait pas une preuve. On peut se demander si le corpus des écrits néotestamentaires est aussi exhaustif et chronologiquement établi que l'assure l'A.; ce serait un miracle que tous les écrits significatifs aient été conservés! Mais tenons-nous bien tous les maillons de la chaîne de transmission? Si c'était le cas, ce serait un atout précieux pour le dialogue oecuménique, car il démontrerait le souci des apôtres et de leurs successeurs de marquer peu à peu leur accord sur le rapport entre la foi (dogme) et les oeuvres (morale) et sur l'organisation hiérarchique de l'Église dès ses débuts. L'intérêt de cet essai est donc double: proposer une vision probable de la formation progressive du N.T. et aider les Églises séparées à retrouver leurs racines communes dans les textes fondateurs. Aussi recommandons-nous vivement ce petit livre aux étudiants en théologie et aux chrétiens soucieux de fonder leur foi sur les écrits canoniques, espérant que la concision et la clarté de l'A. convaincront ceux que rebutent les démonstrations plus techniques de Ph. Rolland. Nous les remercions tous les deux! - J. Radermakers, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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