La politique de la vertu. Post-libéralisme et avenir humain, trad. J.-F. Delannoy

John Milbank Adrian Pabst
Moral y derecho - reviewer : Matthieu Bernard

C’est un ouvrage de combat, critique du libéralisme et plaidoyer pour une autre voie : ni la démocratie libérale actuelle, ni les populismes néofascistes. L’ouvrage comporte 5 sections, respectivement consacrées au libéralisme en tant que tel, puis à ses déclinaisons en économie, politique, dans la culture et enfin les relations internationales. Chaque section dresse d’abord un diagnostic de la « métacrise » – pas simplement une crise conjoncturelle, mais une mise en cause des principes mêmes du modèle libéral – puis propose des pistes, parfois très concrètes, pour une politique de la vertu, finalisée par la recherche d’un bien commun et ouverte à la transcendance.

L’anthropologie libérale est pessimiste (violence ontologique, égoïsme de l’individu, pénurie des biens présentée comme inévitable, ceci renforcé par le mimétisme du désir). Il en résulte une oscillation instable entre exaltation de l’individu et exaltation de l’État, oscillation entre l’homme-singe naturalisé et l’homme-robot technicisé – et, finalement, oscillation entre le naturel et le culturel.

Les modèles contractualistes échouant à réunir des individus atomisés, il convient d’être « moderne autrement » (p. 393). S’inspirant d’une grande variété de penseurs, notamment E. Burke mais aussi J.-C. Michéa, les A. proposent ainsi un corporatisme renouvelé, qui échapperait aux écueils du népotisme par une réelle éducation à la vertu. Politiquement, le régime de « constitution mixte » est privilégié car il évite l’opposition frontale entre l’un (de l’État ou du marché) et la multitude atomisée. Économiquement, des modèles associatifs accordant une place au don sont donnés en exemple. Le monde « néo-médiéval » contemporain (résurgence des empires, importance des villes) s’avère propice à une redécouverte du « social » (non réductible à l’économique ou au politique) comme alliance autour d’un bien commun partagé.

Un tel projet n’est pas « utopique », mais nécessite certes « la formation d’un habitus culturel totalement différent » (p. 262). Les A. soulignent les atouts du christianisme pour œuvrer à cette nécessaire révolution anthropologique. Les différentes thèses de l’ouvrage ouvrent à la discussion. Sa lecture est plus que bienvenue, pour éclairer la transition culturelle que nous vivons. — M. Bernard

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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