Paru en 1997, ici publié en format de poche, ce livre témoigne du lien entre travail d'écriture et désir de vivre. L'A., romancière et poète connue sous son nom de plume pris à 17 ans (cf. p. 81), évoque dans un parcours autobiographique l'histoire de son rapport essentiel au langage, oral et écrit; l'aventure de son amour des mots, de la prime jeunesse aux difficiles débuts littéraires. Réchappée d'un accouchement périlleux, elle voit dans la vitalité qu'atteste son activité langagière un dépassement de son angoisse native. Très tôt, le culte des mots lui vint de «leur magie agissante, guérisseuse» (15); «Instinct de célébration, par instinct de conservation, voilà mon lot, mon destin» (23); après une rude épreuve, voici, confie-t-elle, que «les mots, leur saoulerie, leur capacité, en les exprimant, de domestiquer l'angoisse originelle, me remontent à la gorge» (74).Son expressivité verbale précoce lui «aura fait office de prière, car la prière, ne serait-ce pas ce jaillissement hors de soi, des limons étouffants d'une solitude enfin parlante et qui cesserait du même coup de vous empêcher de respirer?» (23). Conviction dont l'intuition et la teneur religieuse va s'approfondissant au fil des pages, dans les évocations de son rapport à Dieu et à son Verbe (p. 83-84, p. ex.) et tout autant par le récit d'un mûrissement humain nourri, à travers la souffrance, par l'obstination à exister et la soif de relations vraies. Si C.P. dit son besoin de «se gaver de mots», de «jongler avec eux comme une bateleuse», c'est aussi en voyant, dans son activité poétique, celle qui lui «tient lieu d'offices de matines» (76). «La prière parallèle» nous signifie que «l'amour des mots, de leur oralité explosive, incantatoire, était depuis toujours état de grâce. Profession de foi» (114). Prière du poème, de la chanson; et de la composition romanesque, cette «écriture au long cours» (118), «persévérance de la prière» (119). Vivement évocateur, riche en vocabulaire chatoyant, audacieux par ses phrases labyrinthiques, le style, d'une exubérance effrontément baroque, suppose une belle palette lexicale et un goût prononcé de l'énigme syntaxique. Dynamique, l'expression confirme le propos, en attestant sa vérité en acte: l'écriture pour survivre, dans la force des amitiés et la connivence avec la nature; pour rebondir, vaincre le repli sur soi, par images et personnages interposés.
Suggérant entre les lignes aussi la portée de son titre, ce livre fortifie l'espérance: «Oui, trente-cinq ans d'écriture déjà. De parcours du combattant (…), de prière parallèle qui perdure. De réconciliation avec l'aventure terrestre dans l'attente du passage de la maison du corps dans celle du Père» (139). - Ph. Wargnies sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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