Le dialogue pour surmonter la crise. Le pari réformateur du pape François, préf. A. Thomasset s.j., postf. F.-M. Léthel o.c.d.
Agnès DesmazièresTeología - reviewer : François Odinet
Fruit d’une thèse de doctorat sur travaux défendue au Centre Sèvres, cet ouvrage approfondit les enjeux du dialogue théologique tel que le pape François y invite. Pour cela, l’A. se fonde sur une analyse du concile Vatican ii – dont l’enseignement de François apparaît comme un déploiement simultanément fidèle et singulier – et sur une relecture des « quatre principes » développés dans Evangelii gaudium, qu’à la suite du Card. Schönborn, elle applique au travail théologique. Pour cela, l’A. étudie l’apparition et l’affermissement progressif de ces principes dans la pensée de J. M. Bergoglio. Ces quatre principes visent une unité d’ordre, qui accepte le conflit et sa dialectique, afin de parvenir à une unité qui respecte chaque moment ; c’est dans ce processus marqué par les conditionnements humains que le travail de l’Esprit, qui ordonne et surprend tout à la fois, peut être discerné.
Si l’ouvrage aborde des questions ecclésiologiques partout discutées, c’est en leur offrant un approfondissement éclairant et – notamment quant à la portée de la pensée de François – très enrichissant. Sa rédaction à la première personne peut surprendre car la distance critique ne s’y laisse pas immédiatement percevoir, mais elle a le mérite de restituer l’itinéraire de l’A., qui insiste sur le travail de conversion qu’opère la pratique du dialogue, et montre en acte comment elle s’y livre.
Parce qu’il identifie des enjeux du dialogue, l’ouvrage peut éveiller chez son lecteur au moins deux questionnements. D’une part, si l’on définit (avec François) le travail théologique comme un dialogue entre tradition et réalité, ceci n’invite-t-il pas à préciser – outre le concept de « réalité » – celui de « tradition » ? Le sens qui lui est donné par Dei Verbum ne s’en trouve-t-il pas approfondi ? Il serait intéressant, en particulier, de redéfinir la manière dont s’opère l’herméneutique scripturaire au sein de cette rencontre entre tradition et réalité. D’autre part, l’A. rappelle de plusieurs manières que les pauvres ont « une place spéciale dans le dialogue théologique » (p. 177) : comment mettre en œuvre leur inclusion réelle dans ce dialogue ? Par quels processus leur parole, pleine de sagesse mais aussi fragmentaire et possiblement déroutante, peut-elle authentiquement féconder le travail théologique ? — F. Odinet