Une des figures fondatrices de la société des Missions Étrangères
de Paris, P. Lambert de la Motte joua un rôle décisif dans la mise
en oeuvre de la volonté romaine de soustraire l'évangélisation de
l'Asie à l'emprise du Padroado portugais et de groupes
missionnaires (les jésuites, notamment) trop engagés dans des
manoeuvres politiques ou des entreprises commerciales. Basé la
plupart du temps au royaume de Siam, le vicaire apostolique eut
grand peine à faire reconnaître son autorité et sa juridiction en
Asie du Sud-Est. Il se heurta de front à des intérêts politiques et
religieux solidement retranchés et fut pris dans d'interminables
controverses entre missionnaires sur les méthodes et les moyens
d'évangélisation. Dans l'historiographie, il a été soit violemment
critiqué par des adversaires soit, jusque dans son propre camp, peu
compris et relativement ignoré, tandis que des personnalités plus
accommodantes, tel son compagnon François Pallu, étaient davantage
mises en lumière. Faut-il voir en Pierre Lambert une personnalité
austère, intransigeante, hantée par la recherche d'une pureté
illusoire, voire un névropathe? Fut-il plutôt un mystique, un
maître spirituel, un saint, totalement désintéressé, héroïque dans
l'épreuve et l'adversité, entièrement consacré à la mission
confiée? Par delà le récit affligeant des débats et des luttes
partisanes qui déchirèrent tant les milieux catholiques en Europe
que les maigres équipes missionnaires sur le terrain asiatique,
l'ouvrage tente de restituer la silhouette humaine et la
personnalité spirituelle du vicaire apostolique. Le plaidoyer est
passionné, enthousiaste, mais toujours intelligent et fondé sur une
familiarité avec le cadre culturel et spirituel dans lequel évolua,
en France puis dans les milieux missionnaires en Orient, la
personnalité puissante qu'il entend réhabiliter. - J. Scheuer sj