Le phénomène de l'entre-deux. Pour une métaxologie

Emmanuel Gabellieri
Filosofía - reviewer : Markus Kneer

Le sous-titre montre d’où cet ouvrage tire son inspiration : le terme « métaxologie » est dérivé du terme grec « metaxu » (« entre-deux »), thème cher à Platon et concept-clé de la pensée de Simone Weil. Mais cet ouvrage n’est ni un livre sur la pensée platonicienne ni seulement un livre sur la philosophie weilienne, même si cette dernière, dont l’A. est un des meilleurs connaisseurs, joue un rôle important. Il est un vrai dialogue avec la philosophie contemporaine, et avant tout avec la phénoménologie. En effet, la première partie est dédiée à la reconstruction d’un problème qui accompagne ce courant philosophique depuis ses débuts avec Husserl et Heidegger jusqu’à son présent avec Marion et Falque : la décomposition du réel « tel qu’il se donne » à une structure polaire des « essences » et des « données ». Dans la deuxième partie, l’A. essaie de construire à partir des « phénoménologies alternatives » (Bergson, Marcel, Blondel, Weil) une pensée de médiation qui évite les oppositions absolues et circonscrit un espace où se montre le phénomène dans toute sa complexité, en deçà de toute polarisation. Enfin, dans la troisième partie, la « métaxologie » prend forme à partir des œuvres de Romano Guardini (pour penser la « polarité » [den Gegensatz] dans le vivant concret), de Hans Urs von Balthasar (pour penser la polarité dans sa réalité onto-phénoménologique) et d’Edith Stein (pour penser la polarité dans sa réalité anthropologique). Toutes ces polarités (philosophiques, théologiques, anthropologiques) sont tenues par une médiation ou une tension, par laquelle elles sont des polarités nécessaires, mais non-absolues. En confrontation avec un auteur contemporain comme François Jullien, l’A. développe l’envergure d’une pensée qui insiste sur l’« entre-deux » en montrant (en s’appuyant sur François Cheng et Simone Weil) qu’il y a plus des ressemblances entre une pensée nn-européenne (p. ex. chinoise) et la pensée occidentale que p. ex. l’interprétation jullienne avoue. Et dans les discussions sur le phénomène du « don » (Derrida, Marion) l’A. voit aussi une solution « métaxologique ». Même si on a pu avoir l’impression que cette approche passionnante est présentée comme un passe-partout pour beaucoup de portes philosophiques encore fermées, elle ouvre – c’est le moins qu’on puisse dire – une perspective très originale et éclairante sur la plupart des problèmes philosophiques contemporains (p. ex. aussi ce qui touche la vieille querelle entre la phénoménologie et la métaphysique). — M. Kneer

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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