Les 4 sens de la nature. De l’émerveillement à l’espérance. Pour une écologie enracinée dans la grande histoire de la création

Pascal Ide
Moral y derecho - reviewer : Xavier Dijon s.j.

Pascal Ide mobilise ses diverses compétences (médecine, philosophie, théologie) pour filer le plus loin possible la comparaison entre la nature et l’Écriture. Dans la mesure en effet où, avec l’apparition du christianisme, la nature se laisse lire comme un livre, il doit être possible d’appliquer à la nature elle-même, la doctrine des quatre sens que l’exégèse médiévale pratiquait dans sa lecture des Écritures, et que, par ailleurs, les lecteurs de la NRT connaissent bien (voir p. ex. P. Piret, « Les quatre sens de l’Écriture sainte et les quatre semaines des Exercices spirituels », NRT, 2017, p. 44-59). Non pas que les deux réalités – Bible et nature – seraient univoques, mais elles ne sont pas équivoques non plus, d’où le recours philosophique à l’analogie. L’exposé ainsi quadrillé permet de faire correspondre le sens littéral de l’Écriture au donné-là de la nature qui surprend par sa beauté, et qui appelle l’homme à exercer – sens allégorique – son intelligence pour en dire la vérité, puis – sens tropologique – son action pour en révéler la bonté, enfin – sens eschatologique – son espérance de lire l’unité finale : homme-nature, en Dieu. À ce propos, on notera l’inversion que fait l’A. dans la présentation traditionnelle des transcendantaux de l’être : tout en gardant l’attribution classique du vrai au sens allégorique et du bon au sens tropologique, Pascal Ide déplace le transcendantal du beau vers le premier sens (littéral) pour entamer son parcours par l’émerveillement de l’homme dans et devant la nature, déplaçant donc vers le quatrième sens (eschatologique) le transcendantal de l’un qui unifie l’homme et la nature dans le don de Dieu lui-même.

La première partie du livre, placée sous l’intitulé de la Création, permet de situer les quatre excès de la Décréation qui ont chacun le tort d’absolutiser un des sens retenus, au détriment des trois autres. Ainsi fait d’abord l’écocentrisme qui adopte une lecture quasi fondamentaliste de la nature en la laissant se déployer, être humain compris, selon une logique qui n’a son sens qu’en elle-même ; puis la technocratie qui, au contraire, fait oublier à l’homme son enracinement dans la nature, et dont les ravages sont particulièrement dénoncés à notre époque ; ensuite l’écologisme adopte une attitude seulement moralisante qui, faute de vision globale, peut aboutir au désespoir ; enfin le transhumanisme pousse à bout les ressources de la technocratie pour se donner comme but l’avènement désespéré du posthumain.

Pour remédier à de tels excès, il restait alors à l’A. à’expliquer, sous le titre de la Recréation comment l’être humain peut se lire lui-même ainsi que la nature dans un juste rapport asymétrique, en montrant comment l’Incarnation du Fils de Dieu éclaire de l’intérieur ce rapport : si la nature se donne à lire analogiquement comme un livre, c’est parce que Dieu lui-même s’y est livré pour que l’homme la lise en Lui.

Émaillé de diverses expériences concrètes et de nombreuses références bibliographiques (à retrouver selon l’ordre des chapitres sur le site de l’A., <www.pascalide.fr>), le livre se lit aisément. Même si l’application systématique de la grille des quatre sens à l’objet nature peut s’avérer, à certains endroits, quelque peu artificielle, elle offre au lecteur une clé de lecture intéressante pour se dégager des approches trop unilatérales du rapport homme-nature et y trouver sa juste place. On corrigera, à la p. 127 note 51, la nationalité du philosophe Gilbert Hottois (1946-2019) : il était belge. — X.D.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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