Ce livre reprend d'une autre manière la préoccupation de notre A.,
mais ici il s'interroge sur l'opinion qui fait des évangiles la
source de l'antisémitisme chrétien. Question souvent rebattue
reprise ici à nouveaux frais. Partant de Vatican II (Nostra Aetate)
à la recherche de ses racines, il emprunte à Paul son image de
l'olivier des nations greffé sur le tronc d'Israël: la pérennité
d'Israël est pour l'Église un problème qui touche à sa nature
propre. Jésus, en Jn 4,22, n'assure-t-il pas que «le salut vient
des juifs»?Dès lors, ne s'agirait-il pas d'un arbre aux racines
diversifiées? L'A. discerne les premières pousses chrétiennes
bourgeonnant sur l'olivier avec l'incarnation du Fils de Dieu,
affirmée par Pierre et Paul dans une théologie paradoxale. Jésus
divise et unit tout ensemble juifs et chrétiens, comme signe de
contradiction. Les évangiles présentent quatre branches importantes
sur le tronc greffé: Matthieu écrit un évangile judéo-chrétien et
Luc parle de miséricorde en en soulignant les racines juives; Marc
porte à Rome l'évangile de Pierre et Jean élabore l'évangile
spirituel. Chemin faisant, l'A. analyse le prétendu antisémitisme
de ces écrivains, mais il ne s'interroge pas sur les origines
païennes de Luc. Venant à la christologie de l'Église primitive, il
montre que les Actes, comme les écrits johanniques ou les lettres
apostoliques, s'inspirent typiquement de la Bible avec la notion
d'accomplissement déjà présente dans le Livre des Antiquités
bibliques, apocryphe. Il montre aussi comment l'éthique juive se
trouve intégrée au NT avec ses trois piliers. Il déploie ensuite la
symbolique chrétienne d'inspiration juive présente dans les écrits.
Dès lors, si le salut vient des juifs, le mystère d'Israël demeure
et nous dépasse: la permanence d'Israël rappelle à l'Église qu'elle
n'a pas encore atteint son accomplissement: situation d'émulation
réciproque et signe d'espérance. Dans une annexe, il relit quelques
auteurs juifs parlant de Jésus et en cite des phrases suggestives;
Jésus est-il davantage qu'un prophète? Le dialogue reste ouvert; en
quel esprit le vivons-nous?
Ce livre reprend les vues traditionnelles depuis Paul, mais
celui-ci est souvent contesté, voire refusé par ses frères juifs;
sa théologie étant pour eux trop radicale. L'intérêt de ce volume
réside dans son exposition claire, textes à l'appui, de la
tradition chrétienne entée sur la juive, avec Jésus au centre:
pierre d'achoppement… indépassable? Un livre qui fait réfléchir et
rappelle au chrétien qu'il n'est pas le frère aîné, mais le cadet.
- J. Radermakers sj
