Luther et l'expérience sexuelle. Sexe, célibat, mariage chez le Réformateur

R. Grimm
Ecumenismo - reviewer : Albert Chapelle s.j.
L'A., né en 1923, «aime Luther» (p. 19), avec l'intelligence de la fraternité chrétienne. Le chapitre de conclusion (p. 187) est intitulé d'un mot de Luther: «Mon expérience me l'a appris». Il trahit superbement la sympathie qui commande la rédaction d'un ouvrage destiné à laisser parler Luther, longuement cité. La postface méthodologique (p. 413) thématise cette éthique de voyageur et son interprétation à la lumière de la Theologia crucis.
L'A. ne systématise donc pas ce que Luther appelait le «chaos rude et confus» (cf. p. 418) de son oeuvre. Son exposition commence tout de même délibérément par le péché, la «frénésie du désir» (cf. p. 53) et l'épreuve de l'«impérialisme du sexe» (p. 54). Sans complaisance, l'A. rapporte les propos et confidences de Luther où trivialité et grossièreté ne cachent pas le pathétique des «terreurs de l'âme» et la découverte de la miséricorde. Les considérations sur Ève et Marie sont celles de l'époque, quand l'imaginaire masculin n'est pas éduqué par la parole de la femme (cf. p. 126-129).
Les pages sur l'«impur» et «déplorable» célibat (p. 131-212), c'est-à-dire «obligatoire» pour les prêtres et «perpétuel» pour moines et nonnes, cadrent le propos théologique sur l'Évangile de la liberté chrétienne. Elles sont résumées p. 210-212. Mais, à titre de recenseur, au long de quarante ans de ministère sacerdotal, «l'expérience m'a appris» que le don de chasteté, pour «miraculeux» qu'il puisse être dit, n'a pas cette exceptionnelle rareté imaginée par Luther. La «surabondance de l'Esprit» (p. 161) en accorde les fruits. Le génie luthérien ne dissocie pas éthique sexuelle et théologie de la justification des oeuvres et du mérite: chacune de ces pages laisse entrevoir l'expérience affective et spirituelle d'où jaillit une parole pétrie de vie, à la manière d'Augustin et de Thérèse de Lisieux. Mais y fallait-il tant d'agressivité?
La troisième partie Luther et le mariage (p. 213-318, résumée p. 316-320) nous montre un Luther plus augustinien qu'Augustin. «Dans un climat polémique contre l'enseignement doctrinal et disciplinaire de son Église» (p. 318), l'esquisse d'une anthropologie des sexes appuyée surtout sur la Genèse (même si elle n'est pas exempte de partialités machistes) s'accompagne d'un refus profond du sacrement de mariage. Libéré de la captivité babylonienne, celui-ci est une réalité profane (p. 319) soumise au droit public, certes créée mais ne relevant pas des gestes du Christ et de l'Esprit dans l'Église. L'ouvrage de Grimm fait saisir à vif la «différence fondamentale» (p. 385) des morales catholique et protestante (cf. v. g. 250-263; 285-287; 375), celle-ci moins attentive que celle-là à l'insertion des gestes et institutions humaines dans l'économie de la grâce salvifique. Le chapitre IV raconte avec pudeur et précision les rencontres et le mariage de Luther avec Catherine de Bara en 1525 (p. 321-372). Le chapitre V expose la «réaction historique catholique romaine aux thèses du Réformateur», les définitions, déclarations et décrets du Concile de Trente (p. 373-386). Les dernières pages (p. 387-421) sont plus enlevées. Elle sont portées par l'affection chrétienne et la charité pastorale. La bibliographie des auteurs cités est instructive, notamment pour le lecteur catholique. Pour moralistes, historiens et confesseurs de métier. - A. Chapelle, S.J.

newsletter


the review


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80