Voici une excellente introduction à Nietzsche, écrite de manière alerte, très proche des textes, qui ne cache nullement de sérieuses réserves, avec une bonne connaissance de la littérature secondaire (mais les travaux de Paul Valadier sont ignorés). C'est un plaisir que de le lire. L'A. est professeur de philosophie de la religion à l'Université de Trieste. Il a déjà publié plusieurs ouvrages sur la pensée antique. Dans le livre recensé ici, la considération de la religion est essentielle dans la perspective de la crise contemporaine qui remonte à Nietzsche, ou du moins que Nietzsche aide à comprendre et à interpréter.
Le livre se divise en deux grandes parties. La première suit pas à pas les aventures intellectuelles de Nietzsche pour y mettre en évidence leur articulation essentielle dans leur suite temporelle. On part donc de l'héritage philologique reçu à l'époque et on aboutit à la critique du christianisme. Selon l'A., Nietzsche n'a pas été vraiment athée; il a voulu plutôt purifier la pensée religieuse des incohérences qu'elle porte en elle et qui manifestent l'état actuel de l'homme, sa situation en attente de salut. La réflexion sur le mal tient à ce propos un rôle essentiel; elle fait voir l'immoralité de nombreux discours qui se croient moraux. Le chapitre sur la «mort de Dieu» analyse dans la même foulée les différents passages que Nietzsche consacre à ce thème.
La seconde partie du livre reprend l'ensemble des points déjà éclaircis auparavant, mais en les regardant à partir des dernières pensées du philosophe mort silencieux. La pensée grecque de l'amor fati serait fondamentale pour Nietzsche, tandis que le christianisme aurait marqué la culture postérieure d'un signe négatif, d'une tension impossible à apaiser et d'une espérance impossible à combler. Le thème du «retour éternel», qui est selon l'A. au coeur de toute l'oeuvre nietzschéenne, renouvelle la perspective grecque sur le destin. Le retour éternel du même signifie que le temps n'est plus linéaire, que le passé ne passe pas, que le futur ne vient jamais, parce qu'ils sont là de toujours et pour toujours, dans le passage du fini. Le héro moderne adhère à ce passage sans origine ni but, le veut destructeur de toute oeuvre terminée, de toute valeur a priori imposée; il se fait ainsi créateur, jeune et beau comme la vie, puissant comme la volonté pure, plus radical que toute substance et que tout sujet. - P. Gilbert sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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