En philosophie morale, on ne pourra plus négliger de considérer «à
nouveau» les éléments fondamentaux de l'éthique aristotélicienne
(nature humaine, téléologie, etc.) telle qu'elle a été revisitée
dans l'oeuvre de Robert Spaemann. On gagnera à fréquenter cet
auteur catholique engagé sur le front de vifs débats: autour de la
vie, de la participation de l'Église au système de laïcité ouverte,
de la légitimation de la démocratie par l'éthique
communicationnelle, autant de questions brûlantes pour notre
société occidentale fortement inféodée à Mammon. Les travaux de
Spaemann (cf. l'étude de Louis de Bonald) examinent la genèse de la
modernité et les enjeux de l'âge «postmoderne». Le titre de cette
suite d'entretiens suggèrerait-il une opposition irréductible? Y
aurait-il des pistes pour un «dépassement inclusif de la
modernité»? La tâche qui consiste à maintenir corrélée la
différenciation des sphères de la morale, de la religion et de la
quête du bonheur (eudémonisme) dans leur «distinction sans
séparation» ne suppose-t-elle pas que les personnes soient pensées
comme des «êtres qui ont une nature»? À lire ces entretiens,
véritable biographie intellectuelle, on aura, en tous cas, acquis
le recul nécessaire pour apprécier l'homme, son engagement et son
courage intellectuel. Peut-être posera-t-on mieux aussi les
questions cruciales d'aujourd'hui. - J. Burton sj