Pour une éthique de la procréation. Éléments d'anthropologie patristique

Jean-Claude Larchet
Moral y derecho - reviewer : Philippe Caspar
L'acuité toujours plus grande des questions bioéthiques - ne sommes-nous pas au bord de ce désir extrême de maîtrise extrême sur l'être humain avec le clonage? - mobilise toutes les ressources dans les différentes familles d'esprit. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre l'enjeu du dernier livre de Jean-Claude Larchet: «Il nous apparaît cependant que la réflexion patristique, pourtant ancienne, offre un intérêt considérable par rapport à ces problèmes très modernes et très évolutifs» (8). Il est en effet clair que toutes les réponses apportées aux problématiques liées à la transmission de la vie engagent une vision globale de la sexualité, de l'amour et de l'homme.
L'ouvrage est divisé en cinq chapitres qui traitent successivement de la stérilité, de la contraception, de l'avortement, du statut de l'embryon, des concepts de nature humaine et de personne. Disons-le d'entrée de jeu, l'érudition de l'auteur est remarquable. Nous voulons bien croire qu'aucune texte patristique se référant de près ou de loin à ces problématiques ne lui a échappé. Sous ce rapport, le livre de Larchet rendra d'éminents services.
Quelques lignes de force méritent d'être épinglées. Jean Chrysostome refuse de considérer la stérilité comme «l'effet du péché ou la marque d'un châtiment divin» (22), faisant observer que la plupart des hommes et des femmes stériles de l'Ancien Testament étaient des justes. En pensant le mariage comme le symbole de l'union du Christ et de son Église, les Pères établissent un principe qui exclut toute participation d'un tiers à la conception d'un embryon. En matière de contraception, les Pères tant grecs que latins sont dans leur quasi totalité opposés jusqu'au IVe siècle à toute pratique visant à limiter les naissances. Leur insistance «sur la procréation comme finalité exclusive du mariage» (52) s'explique par leur volonté de «contrer les courants gnostiques ou manichéens qui excluaient cette finalité» (id.) et par leur opposition aux moeurs païennes qui réduisaient souvent la sexualité à une source égoïste de plaisir. Le IVe siècle voit l'émergence d'un courant plus tolérant en cette matière. On notera en particulier l'originalité de la position de Jean Chrysostome qui, s'appuyant paradoxalement sur les Épîtres pauliniennes, admet la légitimité des relations sexuelles non orientées vers la conception dans le mariage (par exemple, lorsque l'épouse est ménopausée) et va dans certains textes jusqu'à considérer le mariage comme une communauté de personnes. En ce qui concerne l'avortement, l'A. rappelle tout d'abord la condamnation unanime de cette pratique (souvent associée à l'exposition des nouveau-nés), la raison invoquée étant l'assimilation à un meurtre (76-77). Il pointe ensuite un paradoxe dans l'évolution des Latins et des Orientaux, les premiers s'étant davantage ralliés que les seconds à l'embryologie aristotélicienne, selon laquelle le «nous», l'esprit, ne saisit le produit embryonnaire pour en faire un être humain qu'après un certain temps de développement (cette thèse est passée dans l'histoire sous le nom d'animation médiate). Curieusement, les Latins plus souples sur les principes que leurs homologues grecs, se sont montrés beaucoup plus intransigeants en pratique (91-92). - Ph. Caspar

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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