Préhistoire de la foi chrétienne. De l'animisme à l'Incarnation

J. Lartigolle
Teología - reviewer : Bruno Clarot s.j.
Comment l'idée de Dieu incarné, vivant parmi nous a-t-elle pu naître et s'imposer à des millions d'hommes? Quel parcours a-t-elle suivi avant d'y parvenir et en trouve-t-on des traces dans la Bible? C'est la question que s'est posée l'A., prêtre parisien, aidé de plusieurs groupes de travail biblique composés de personnes provenant de divers milieux. Sa conclusion reprend brièvement les données du problème tel qu'il leur est apparu en suivant la chronologie des auteurs inspirés.
Au départ, il y avait une tribu nomade où tous les individus étaient au service du groupe et disparaissaient totalement à leur mort. Cette tribu obéissait à un être invisible qui avait conclu une alliance avec elle. Les autres tribus avaient leurs propres dieux. Quand la tribu devint sédentaire et agricole en milieu polythéiste, elle risqua de suivre les dieux étrangers plus proches des réalités agricoles. Ce sont les prophètes qui ont sauvé leur idéal ancestral et lors de la déportation à Babylone; ils lui ont appris l'existence d'un Dieu universel pour lequel compte chaque être humain. Ce Dieu avait déjà parlé à Osée de sa tendresse pour les pécheurs que nous sommes. Les hommes de cette tribu commencent alors à comprendre que leur Dieu, appelé Yahvé, s'est révélé à eux pour se révéler à tous les hommes, quand les temps seraient venus, grâce à un «messie» suscité dans leur peuple.
Mais avec les difficultés du retour dans leur pays, ces hommes se replient sur leur groupe et leurs prêtres insistent sur le caractère redoutable de Dieu et sa transcendance, pour éloigner le danger de tout polythéisme. Dieu, disent-ils, ne peut se mélanger à l'humain. De cette mentalité naîtra l'incompréhension de la foi chrétienne chez les juifs. Paul, le pharisien, a cependant osé voir dans le crucifié-ressuscité le Messie promis, le sauveur des hommes et de la création. Depuis la période animiste, l'homme a toujours rêvé de marier l'humain et le divin. La foi chrétienne exauce donc l'intuition religieuse de l'humanité et couronne toutes les hiérophanies en sauvegardant l'immanence et la transcendance. L'union de l'homme et du divin en Jésus-Christ est la promesse de notre propre union à Dieu-Père.
Quoique sommet de notre quête du sacré, l'Incarnation était imprévisible sous cette forme. Après coup seulement on comprend que Jésus a exaucé l'attente obscure de toute la création. Pour les apôtres et tout le corps mystique, la résurrection du Christ prouve la victoire de la vie sur la mort. Mais Jésus a voulu partager notre sort humain jusque dans la souffrance et la mort pour attester que la vie continue après la mort. Aucune mythologie n'avait osé inventer des dieux prenant vraiment sur eux toute la vie humaine. «Finalement toute la difficulté vient de notre incapacité à penser la gratuité de Dieu» a écrit J.Moingt sj. Que Dieu soit Amour est une réalité insondable.
En post-face, Lartigolle ajoute quelques réflexions utiles. Notre société de consommation satisfait nos besoins superficiels et l'homme moderne n'a guère l'occasion de se poser des questions profondes sur la vie, Dieu et l'au-delà. Par ailleurs, l'Église s'est trop structurée par peur des déviations doctrinales et elle est devenue une religion trop rationnelle, pure et dure. La déchristianisation est son oeuvre au moins pour une bonne part. Par ailleurs, Bergson a écrit que l'univers est l'oeuvre d'une Intelligence supérieure. Dieu est immanent au créé, présent et agissant tout au long de la création. Enfin la Rédemption est une oeuvre non seulement terrestre, mais cosmique, comme l'a suggéré saint Paul dans Rm 8.
Cette nouvelle façon d'envisager l'apologétique pour les hommes de notre temps est originale et mérite d'être considérée de près; mais la foi restera toujours difficile et exigeante dans un monde de plus en plus éloigné de nos façons de penser et de parler de Dieu. - B. Clarot sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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