Psychologie et spiritualité. Enjeux pastoraux
Dominique Struyf Bernard PottierPsicología - reviewer : Joseph-Marie Verlinde
Un 1er chap. définit les niveaux psychique et spirituel (1) sur l'horizon de l'anthropologie biblique qui constitue le cadre de référence de la réflexion pour notre jésuite, et (2) sur l'horizon de l'acquis des sciences humaines auquel se réfère notre pédopsychiatre et psychothérapeute. D'emblée les positions épistémologiques sont clairement définies, ainsi que les conditions du dialogue et le domaine propre des acteurs - père spirituel ou thérapeute. Cette distinction des domaines sera rigoureusement respectée tout au long des 300 pages que compte l'ouvrage, qui acquiert par le fait même une authentique valeur scientifique.
Le 2e chap. nous fait toucher du doigt combien les péripéties de notre vie psychique et de notre vie spirituelle sont étroitement imbriquées. Le p. Pottier éclaire l'incidence des étapes de la psychogenèse - magistralement décrites par Mme Struyf - sur les premières représentations de Dieu que se fait l'enfant, ainsi que l'action «thérapeutique» des récits bibliques, qui «en tant que matériel symbolique, constituent une nourriture pour la vie psychique et spirituelle» (p. 86).
Le 3e chap. aborde la délicate question du mal, que nos auteurs prennent le temps de définir par rapport aux 4 niveaux anthropologiques (physique-biologique, psychique, rationnel-moral, spirituel). Les distinctions proposées par la psychothérapeute (mal «normal», «extérieur», «contagieux») sont ensuite confrontées avec la notion de péché par le théologien. De même, des sentiments complexes, comme la culpabilité et la contrition, sont différenciés et situés sur leur horizon respectif, conduisant à une vision très claire des niveaux de constitution de la conscience. La réflexion s'achemine très naturellement vers le pardon, considéré tant dans ses bénéfices psychothérapiques que dans sa dimension spirituelle et sacramentelle.
Les bases de la vie psychique et spirituelle étant ainsi posées, le chap. 4 peut aborder la vie affective, ainsi que le concept de sublimation. Ce dernier fait l'objet d'un important et très riche développement à la lumière des travaux du prof. Antoine Vergote. L'exposé des étapes de la sublimation dans une vie consacrée dans le célibat (B. Pottier) constitue un véritable petit traité de vie ascétique et de réalisme spirituel. La vie de couple n'est pas pour autant oubliée: D. Struyf nous introduit dans les subtilités des enjeux inconscients dans le choix amoureux, et nous éclaire sur les impasses d'une sexualité immature, qui n'a pas consenti aux renoncements qui auraient permis de passer du narcissisme à la construction d'un lien d'attachement, basé sur la confiance réciproque.
Le lecteur sera sans doute surpris de déboucher sur un chapitre traitant de l'eucharistie. Notre psychothérapeute et notre jésuite nous y présentent, chacun à partir de son propre angle d'approche, «une réflexion sur la manière dont les sacrements proposés par l'Église peuvent aider au développement spirituel de la personne, moyennant un certain travail psychique» (p. 247). Une claire distinction entre les «signes», qui représentent de manière univoque autre chose qu'eux-mêmes, et les «symboles», qui ouvrent un monde de significations, permet de nous acheminer vers l'espace spécifique de la liturgie et des sacrements, dont nos auteurs nous font découvrir la fonction structurante non seulement pour notre vie spirituelle, mais aussi psychique.
Le parcours se poursuit logiquement par une réflexion - toujours à deux voix - sur la place des croyances dans notre cheminement de croissance personnelle, celles-ci «faisant partie intégrante du psychisme de tout individu, qu'il croie en Dieu ou non» (p. 273). Selon leur habitude, nos auteurs clarifient la terminologie pour éviter toute confusion: ils distinguent entre «les croyances» - les convictions que nous nous forgeons dans le registre cognitif - et «la Croyance» - l'interprétation de la réalité que nous élaborons afin de lui donner cohérence et sens. Les croyances font appel à la rationalité; la Croyance est davantage dans le registre émotionnel. Les deux sont nécessaires au développement psychique - à condition de garder le lien à la réalité et au matériel symbolique collectif dont elles s'inspirent.
L'ouvrage se termine par une analyse très fine du cheminement spirituel de S. Ignace de Loyola, proposée par son disciple, le p. Pottier, comme illustration d'une réflexion sur la place des expériences hallucinatoires non pathologiques dans la vie psychique et spirituelle.
Que les A. me pardonnent: je suis bien conscient que ces quelques lignes de recension trahissent - plus qu'elles ne reflètent - le contenu très riche de cette étude, qu'une seule lecture ne saurait épuiser. Un grand merci à D. Struyf et B. Pottier d'avoir relevé ce défi et de nous proposer cet ouvrage «à deux voix», qui permet de sortir des positions manichéennes ou de la confusion entre les domaines psychologique et spirituel. - J.-M. Verlinde fsj