Guerrier héroïque, modèle de justice et de vertu, le roi Râma est
la figure centrale du Râmâyana, épopée indienne
rédigée il y a 2000 ans environ et considérée comme
1er chef-d'oeuvre et modèle des belles-lettres en
langue sanskrite. Les avis divergent sur l'importance de la
dimension divine de ce personnage épique. Avec le passage des
siècles et l'essor de la religion dévotionnelle (bhakti),
ce caractère divin s'affirme cependant toujours plus
franchement : Râma est vénéré comme manifestation du grand
Dieu Vishnou et le combat qu'il mène contre le mal apparaît comme
oeuvre de salut. Dans l'Inde du Sud, une communauté vishnouite
influente (les Śrîvaishnavas) ne se contentera pas de rédiger, en
sanskrit et en tamoul notamment, une immense littérature
théologique et spirituelle. Ses lettrés s'attacheront aussi à
développer des techniques linguistiques et littéraires qui
permettront de dégager, dans le texte de l'antique épopée, des
significations doctrinales et spirituelles insoupçonnées ainsi que
des modèles de la vertu suprême qu'est selon eux le total abandon
de soi au Seigneur. Dans cet ouvrage savant et parfois technique,
l'A. fournit de nombreux exemples de la virtuosité exégétique
déployée à cette fin par les commentateurs traditionnels, en
particulier
du xiiie au xvie s. Au
passage, il signale prudemment l'immense chantier de comparaisons
qui pourrait être ouvert avec les lectures typologiques ou
allégoriques de la Bible en honneur chez les Pères de l'Église et
par la suite (p. 92). Un dernier chap. tente de préciser les liens
avec la construction, vers la même époque, de temples royaux dédiés
à Râma, notamment dans l'empire de Vijayanagar : plutôt qu'une
réaction d'hostilité face à l'islam, il faudrait y voir une
puissante expression de la foi confiante en cette forme de la
Divinité. - J. Scheuer s.j.