Depuis l'indépendance politique et l'élaboration de la
Constitution, les lois et institutions de la République indienne
sont fondées sur le principe de la laïcité (ou sécularité) et de la
liberté religieuse. Cependant, dès la fin de l'époque coloniale
britannique et davantage encore ces dernières années, des
législations régionales visent à contrôler le phénomène des
conversions, au sens de passage d'une religion à une autre. Tout en
affichant leur intention de prévenir des abus (notamment
l'obtention de conversions par des avantages matériels), elles
relaient les intérêts de classes dominantes traditionnelles et
s'inspirent d'une idéologie nationaliste hindoue qui estime que
l'option pour l'islam ou le christianisme constitue une trahison de
l'identité nationale. Cela apparaît notamment dans le fait que la
(re)conversion de chrétiens ou de musulmans à l'hindouisme est
considérée comme un retour et une «purification» plutôt qu'une
conversion.
Alliant analyse culturelle et philosophie politique, cet essai
tente une déconstruction de certaines catégories du discours
nationaliste hindou mais aussi de la démocratie libérale. Au-delà
d'un sécularisme abstrait, qui risque de refléter les intérêts de
la majorité, l'A. s'interroge sur les conditions d'une véritable
défense des droits des minorités et d'une authentique liberté en
matière de religion. Se référant aux débats actuels en Inde mais
aussi en Occident, notamment autour de la notion de «souveraineté»
développée par Carl Schmitt et Giorgio Agamben, l'ouvrage exige une
lecture attentive. - J. Scheuer sj