Rendre possible l'impossible, éd. N. Rixhon

Père Léon
Espiritualidad - reviewer : Dupont omi
Noël Rixhon a réalisé un travail considérable et précieux dans cet ouvrage rassemblant des extraits des écrits et de la pensée du Père Léon Van Hoorde, fondateur de la Communauté de la Poudrière. Dès 1958, avec un confrère oblat et une famille, le P. Léon a été à l'origine, au coeur de Bruxelles et ensuite plus largement en Belgique, d'une communauté de vie, de partage, d'accueil, de service et de présence, qui donne écho au mouvement Emmaüs International fondé par l'abbé Pierre. Dès l'entrée, l'A. nous présente l'homme, «un homme de terrain, un mystique engagé» à la parole «forte et colorée». En parcourant les trois parties de l'ouvrage, on découvre la profondeur, l'originalité et la capacité d'évolution d'une pensée personnelle, enracinée dans une expérience concrète et servie par une expression qui sort souvent de l'ordinaire: c'est «tout l'homme qu'on réécoute autant avec les yeux qu'avec les oreilles. Il était un tout. Il était un» (p. 17). Dans une première partie, l'auteur «reprend … tous les messages de Noël, développés par thèmes avec le souci d'ordonner ceux-ci suivant une certaine dynamique, une certaine logique existentielle qui est le résultat d'un choix (qui) peut paraître arbitraire» (p. 27). Dans la 2e partie, il donne les textes intégraux des lettres de Nouvel An (ou de Noël?) de 1971 à 1995.
À travers les 14 chapitres de ces deux parties, il nous fait redécouvrir la pensée agissante de l'homme d'action qui a la «mystique de la rencontre» et qui affirmera sans ambages que «pour trouver Dieu, il faut chercher l'humain» (p. 19). Son souci est en effet de faire naître en chacun, dans l'épaisseur de son quotidien, «une Vie, une Force, une Présence, une Spiritualité» (p. 20).
Quand il s'explique sur la Spiritualité, il dira: c'est «une force de motivation permettant à nouveau d'espérer, … une vie, une conscience collective, un esprit qui éveille les hommes à une responsabilité commune sur notre avenir, sur le monde… Sans spiritualité, un peuple, une société s'effondre beaucoup plus que sous les coups de ses ennemis du dehors» (p. 127). Et il ajoutera «La crise ne peut se résoudre que par une humanisation, mais une humanisation n'est possible que par une spiritualité» (p. 46). «Mais pour que cela puisse germer … pousser … éclater … il faut que les hommes s'unissent … se rencontrent … partagent … s'aiment …! D'où l'urgence de lutter contre tout ce qui sépare … de multiplier des endroits de rencontre … de partage … des nouvelles formes de vie …» (Message de Noël - Nouvel An 78, p. 155). C'est ainsi que selon lui, «à côté de la mondialisation de l'économie, il faut mondialiser la solidarité» (p. 178). Cette phrase ne résumerait-elle pas toute sa vie? Le Père Léon n'est pas un fumeux rêveur car il sait que «lorsqu'on rêve seul, ce n'est qu'un rêve; lorsqu'on rêve ensemble, c'est le commencement de la réalité» (p. 181). La communauté devient signe d'un autre monde possible, «un monde nouveau où la personne est première avant tout, malgré sa couleur de peau, son origine, son passé, sa situation, sa religion, son parti…, comment croire en ce monde possible si on n'en voit pas des bourgeons, des lieux, des petits espaces où l'homme est accueilli comme il est?» (p. 182). On rejoint ici le centre de la pensée et de l'action du Père Léon.
Ce monde nouveau ne laisse évidemment pas de côté la réalité des biens matériels, des ressources, de leur possession et utilisation. Là-dessus, le Père Léon s'exprime sans équivoque: pour lui, il n'y a «pas de solution aux crises de notre monde sans répartition des ressources. Les biens ne sont plus un mal dans la mesure où ils servent à tous, mais le partage doit être radical pour toucher les causes de l'injustice! C'est pourquoi il convient de se convertir au pauvre, lui faire sa part dans notre vie, vivre sa souffrance, sa révolte, sa joie pour lui être présent - non pour l'assister. C'est ainsi que la possession ne pourra plus mettre d'obstacles à la communication, ne pourra plus creuser de fossés» (cf. p. 94, passim).
La troisième partie de l'ouvrage présente précisément l'expérience communautaire de la Poudrière, en 9 chapitres. «Le fait de la communauté (elle vit, elle existe) non seulement conteste, démasque, dénonce les injustices, leurs causes, mais annonce, propose une lutte, un combat de toute une vie pour une Justice Totale, une libération intégrale avec toutes ces exigences que demande la participation de tout l'homme» (p. 182).
Où le Père Léon puise-t-il son inspiration, se demandera-t-on! La réponse n'est pas loin et nous la trouverons sur ses propres lèvres. Voyez le chapitre 6 de la première partie, sur Jésus. «Jésus… vient les mains nues, non pour se pencher sur les pauvres, mais devenir l'un d'eux, éprouver avec eux l'injustice des forts, l'impuissance des faibles. Jésus solidaire de l'incompréhensible souffrance des innocents» (p. 83). L'ouvrage est-il parfait? Même si sa richesse et son intérêt sont évidents, il est difficile de le qualifier de la sorte. On ressent à certains moments l'impression de compilation ou de répétition. Concluons avec la Postface de Riccardo Petrella, penseur contemporain engagé et ami proche tant du Père Léon que de la Communauté: «Contrairement à ce qu'ont imposé, depuis vingt-cinq ans, les pouvoirs dominants au sein des pays les plus puissants du monde, sous la forme d'une mondialisation de l'économie gouvernée par les principes de la primauté de la logique, de l'appropriation privée des ressources mondiales, de la rentabilité financière du capital privé et de la compétitivité sans merci pour la puissance et la survie, le devenir de nos sociétés passe par l'affirmation de la solidarité entre les humains, comme fondement de la mondialité de l'existence humaine» (pp. 119-120).
Cette solidarité entre les humains n'était-elle pas la «spiritualité» profonde du Père Léon van Hoorde? - Fr. Dupont, O.M.I.

newsletter


the review


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80