Romano Guardini. Sa vie et son oeuvre 1885-1968

Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz
Biografías - reviewer : Emmanuel Tourpe
Nous bénéficions ici une fois de plus des travaux que la Chaire Guardini a permis ces dernières années à Jean Greisch de réaliser. Après avoir réédité Le Seigneur et avoir traduit le précieux petit ouvrage sur la polarité, le philosophe luxembourgeois continue à approfondir notre connaissance de Guardini par la très attendue version française de cette somptueuse biographie. Celle-ci, qui a été publiée voici trente ans, est en effet une grande référence dans les études guardiniennes, et l'on ne peut qu'applaudir l'événement que constitue sa traduction française enfin disponible. Dans une langue toujours claire, nous est présenté ici un très fin portrait intellectuel et spirituel de celui dont on oublie parfois qu'il fut le mentor d'une génération entière, de Balthasar à Ratzinger. Ce géant de la pensée catholique nous est présenté ici dans ses facettes les plus intimes, jusque dans ses doutes. Une image parfois très contrastée de Guardini: le même penseur fait à la fois montre d'un brio et d'un charisme flamboyants, et d'une mélancolie maladive en contrepoint. La vie de Guardini est explorée pas à pas, depuis les difficiles années de discernement à l'Université puis au séminaire, jusqu'aux glorieuses années universitaires, en passant par les forts moments de renouveau catholique de la génération du Rothenfels. L'A. n'hésite pas à évoquer l'oubli posthume dont Guardini fera les frais.
L'objectif de cette biographie dépasse cependant celui d'une chronique historique, qui est d'ailleurs singulièrement réussie et documentée: il s'agit bel et bien d'une introduction à la Weltanschau en tant que telle de Guardini. Les différentes notes propres à cette pensée sont parfaitement mises en place dans leur genèse comme dans leur signification: le sens de la totalité, celui de l'essence des phénomènes, une passion de l'équilibre et de la mesure, la vision polaire en toute chose surtout, qui confèrent au regard guardinien sa centralité spécifique ainsi que son dédain vis-àvis de tout ce qui est superficiel ou secondaire. Il n'est pas étonnant que l'idéal d'une «académie catholique» ait animé tout au long de sa vie, comme l'A. nous le révèle, ce prêtre de très haut standing qui partage avec Platon le sens de ce qui donne l'unité et des articulations de celle-ci mais en diffère sans doute par son attachement méticuleux au sensible comme à l'expérience. On donnera raison enfin à l'A. d'avoir accordé aux années 1920, et tout particulièrement aux années du Quickborn, une place plus importante qu'à la période ultérieure; c'est là que se nouent les grands enjeux de la vision, comme de la puissance de la parole guardiniens. Il est à espérer que cette traduction limpide d'un ouvrage classique en Allemagne suscitera un renouveau des études guardiniennes de langue française, tant il est vrai qu'avec l'auteur de L'esprit de la liturgie nous avons affaire, concomitamment à Newman, à ce que l'on pourrait appeler par analogie l'un des deux «Pères de l'Église» contemporaine. - E. Tourpe

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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