Rosmini et Gioberti, pensatori europei, éd. G. Beschin & L. Cristellon
Col.Historia - reviewer : Bruno Clarot s.j.
Vincenzo Gioberti (1801-1852) est fort dissemblable. Prêtre turinois, chapelain royal, il devint républicain, carbonaro même et démissionna de la cour royale. Interné en 1833 puis exilé, il s'établit à Bruxelles, enseigna la philosophie et écrivit sur la politique italienne. Élu député à Turin en 1848, Il fait un retour triomphal au pays, salué comme «père de la patrie» et parcourt l'Italie en haranguant les foules. Pie IX l'accueille également. Il se consacre à la politique, devient ministre, puis président du conseil; il veut créer une coalition contre l'Autriche, échoue, démissionne et peu après s'exile à Paris où il meurt très tôt. Ses idées ont fort évolué. Avant 1833, il cherche sa voie en philosophie et passe du scepticisme au panthéisme. De 1833 à 1848, il professe le catholicisme, se rapproche de l'ontologie de Rosmini, prône un libéralisme modéré et un fédéralisme italien présidé par le pape et par le roi du Piémont. Après 1848, il veut l'unité italienne sous le seul roi du Piémont, dénonce le pouvoir temporel du pape et l'influence corruptrice du christianisme dont il esquisse une réforme de type «moderniste».
Ce volume rapporte 19 essais d'auteurs italiens et fait alterner autant que possible les articles sur l'un et l'autre penseur à propos des mêmes questions. En philosophie d'abord, on fait dialoguer les deux hommes sur le rationalisme, l'ontologie, l'anthropologie, la morale, la connaissance; en théologie, on trouve philosophie et théologie de la révélation, nature et grâce, réforme de l'Église, la réception théologique des deux penseurs; en politique, les quatre articles sont d'un autre type: Gioberti et la démocratie, Gioberti et le gouvernement, le problème de la guerre chez Rosmini et enfin religion-nation-démocratie chez tous deux.
Les deux hommes ont joué un rôle important dans le risorgimento italien au XIXe s. S'ils sont partis des mêmes idéaux, ils ont rapidement divergé. Rosmini demeura fidèle à sa ligne chrétienne et fut surtout un penseur profond que l'on étudie de plus en plus, tandis que Gioberti se montra un piètre philosophe et fut surtout un théoricien politique et un brillant orateur, qui changea plusieurs fois d'orientation et même du tout au tout. - B. Clarot sj