Fondé sur une riche documentation tant chinoise qu'européenne, cet
ouvrage se présente comme « un essai d'historiographie
interculturelle ». À quelles sources ou quels ouvrages les
missionnaires jésuites
des XVIIe et XVIIIe s.
ont-ils pu avoir accès afin de rédiger leurs propres travaux sur
l'histoire de la Chine ancienne ? À côté de textes classiques,
ils disposaient d'ouvrages historiographiques plus récents
(XVIe et XVIIe s.), ouvrages
de conception nouvelle et destinés à un plus large public. Un
examen attentif des oeuvres historiographiques rédigées par ces
jésuites s'impose pour identifier leurs sources chinoises. De
nouvelles informations et même de nouvelles conceptions furent
ainsi transmises vers l'Occident. L'Europe chrétienne fut
confrontée à une chronologie remontant plus haut que le déluge
biblique. En outre, à propos des traditions historiques relatives à
un événement particulier ici pris comme exemple, à savoir les
naissances merveilleuses accordées aux concubines d'un sage
empereur de l'Antiquité, l'A. analyse les principaux types
d'interprétation en cours parmi les commentateurs chinois, avant
d'étudier la manière dont les jésuites interprétèrent ces données
et les transmirent en Occident : les uns, acceptant
l'Antiquité et le contenu de ces traditions, tentèrent de les
harmoniser avec la chronologie biblique ; d'autres, les
« Figuristes », pratiquant une lecture symbolique des
sources chinoises, y déchiffrèrent des vestiges d'événements
bibliques (création, déluge…) et des préfigurations de la
rédemption chrétienne (le Sauveur, la Trinité, l'Eucharistie…). Si
le dossier occidental de ces interactions a déjà fait l'objet de
nombreuses publications, les sources chinoises (et mandchoues) font
ici l'objet d'une enquête bien plus riche que par le passé. En
outre, la perspective et la méthode d'une « herméneutique
interculturelle » ouvrent la voie à d'immenses recherches. -
J. Scheuer s.j.