Nous avons recensé dans ces pages (NRT 132/3, 2010 et 134/4, 2012) les deux volumes précédents de cette traduction, très attendue, de l'un des ouvrages décisifs de la théologie réformée de la fin du XXe siècle. Puisque nous avons brossé à ces deux occasions de manière détaillée l'intention et l'originalité de cette puissante tentative oecuménique où l'on croise tout autant l'Aquinate que Luther, Hegel ou Barth, nous nous contenterons, pour ce troisième opus, d'en signaler les lignes de force. Celui-ci est consacré, de manière classique, à la pneumatologie (ch. XII), puis à l'ecclésiologie (ch. XII-XIII-XIV) et enfin à la question des fins dernières. Un remarquable Index thématique couronne ce livre et couvre les trois volumes. On se rappelle des précédents opus le rôle particulier joué, dans la réflexion de l'A., par l'axe de la finalité ou plus exactement de la Parousie comme clef des questions liées à l'histoire. On est donc avec ces pages en terrain quasi-conquis, presque au coeur de la perspective adoptée par Pannenberg, ou, pour prendre un vocabulaire balthasarien, dans le «dénouement». C'est pourquoi le chapitre intitulé «l'accomplissement de la création dans le Royaume» (p. 687s) peut être considéré comme le climax de tout le dispositif jusque-là, pour ainsi dire, «conditionnel» mis en oeuvre dans cette pensée systématique. Là s'y résolvent, s'y dénouent et s'y justifient les positions élaborées précédemment. C'est dire si ce volume et ces pages en particulier ont une importance décisive pour comprendre en profondeur la pensée de Pannenberg. «C'est seulement l'accomplissement eschatologique (…)qui peut lever tous les doutes sur la Révélation de l'amour de Dieu dans la création et dans l'histoire, bien que l'amour de Dieu soit déjà à l'oeuvre dans chaque étape de l'histoire de la création» (p. 836). C'est néanmoins la problématique ecclésiologique qui occupe la plus grande partie du volume, et se trouve d'ailleurs justifiée en tant que segment spécifique de la Dogmatique dans un important excursus (p. 37s.) où l'école catholique de Tübingen est notamment mise à l'honneur.
Le lecteur catholique sera bien entendu assez surpris par la place prise dans les réflexions ecclésiologiques par la question de «l'élection» (sans d'ailleurs que Pannenberg n'engage un débat sérieux avec le Élisabeth de la Trinité de Balthasar à ce sujet, alors que l'idée selon laquelle «l'élection éternelle de Dieu est à chercher en Jésus-Christ», p. 586-587 s'y prêtait). Elle conduit pourtant à des réflexions déterminantes sur la théologie de l'histoire (p. 651s.) dans le sens d'une «autocompréhension de l'Église comme communauté eschatologique» (p. 663): «la mission chrétienne suppose (…) une conscience par l'Église de son élection comme peuple eschatologique» (p. 664). C'est la «catégorie de jugement» (p. 673) qui devrait guider toute théologie de l'histoire, et, partant, toute ecclésiologie fondée sur l'élection. Jugement qui implique repentance et recommencements, de sorte que l'ecclésiologie de Pannenberg s'ouvre sur un appel profondément oecuménique à l'autocritique tant catholique que protestante (p. 674).
Dans ces pages denses et belles, on trouvera par ailleurs de riches développements dans de nombreux domaines, comme par exemple dans celui des sacrements (p. 324s.), et plus particulièrement celui du caractère sacramentel du mariage dont l'aspect polysémique est mis en lumière (p. 449s.).
Avec ce volume se clôt l'une des plus belles pages de la théologie protestante contemporaine, l'une de celles, certainement, qui est la plus susceptible d'être lue par tout lecteur, en particulier catholique, avec un immense profit. Il est peu crédible que le dialogue oecuménique passe outre cette systématisation magistrale offerte par Pannenberg d'une compréhension de la Révélation à partir de la Parousie et du Jugement dans lesquels tout trouve légitimité et sens. - E. Tourpe

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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