La traduction très fluide que nous offre O. Riaudel de cet ouvrage
publié dès 1988 par l'immense théologien bavarois est certainement
l'un des événements théologiques majeurs de l'année. On connaît
encore bien trop peu de ce côté-ci du Rhin la pensée grandiose et
puissamment organisée de cet auteur, qui compte avec Tillich et
Jüngel parmi les plus importants théologiens de la Réforme depuis
Karl Barth. Dès les premières pages de cette véritable somme
synthétique de sa pensée que sont les volumes de la Théologie
systématique, l'on est séduit par la méthode et par la forme même
de la pensée de Pannenberg: une revalorisation de la métaphysique
et de la raison que bien des penseurs catholiques pourraient
méditer; un dialogue constant avec Hegel et la pensée dialectique,
qui ne tombe pas dans la gnose mais génère une rigueur peu commune
ainsi qu'une exigence réflexive; un sens de l'histoire, et en
particulier de l'eschatologie, qui évite pourtant le devenir divin
à la façon de Moltmann; une intégration systématique de l'athéisme
et de la négation de Dieu dans le déploiement même de la théologie
fondamentale par une attention soutenue en particulier à
Schopenhauer; un sens vraiment aigu de la Tradition, des Pères et
des docteurs en particulier, qui n'occulte en aucun cas la
prédilection protestante pour l'Écriture mais l'éclaire et
l'enrichit; une dimension oecuménique incontestable enfin, tant,
par bien des aspects, Pannenberg fait se rejoindre des impératifs
propres aux formes de pensée catholique et luthérienne.
Ce tome-ci part de la problématique de la vérité en tant que telle,
de l'idée de Dieu, puis de sa réalité dans les diverses religions;
il explore ensuite le concept de Révélation, avant d'aborder les
rivages de la doctrine trinitaire (avec une compréhension hautement
spéculative de l'autodifférenciation mutuelle), avant de pénétrer
dans le mystère de l'unité de l'essence divine.
Chacun gagnera à se plonger dans cette oeuvre intense et puissante,
qu'il sera en particulier captivant de confronter à celle de H.U.
von Balthasar tant les deux approches sont distinctes à tous points
de vue et tant elles se complètent à plusieurs niveaux (on ne
saisit par exemple toute la richesse de l'inversion trinitaire
balthasarienne que devant la difficulté de Pannenberg à comprendre
le Filioque). On attend avec impatience la parution du second tome
de cet ouvrage décisif. - E. Tourpe