Théorie du politique dans le Deutéronome. Analyse des unités, des structures et des concepts de Dt 16,18 - 18,22

Jean-Marie Carrière s.j.
Sagrada Escritura - reviewer : Jean-Louis Ska s.j.
Thèse défendue à l'Institut Catholique de Paris en mai 1997 et revue pour la publication, cet ouvrage unit l'exégèse biblique et la réflexion politique. Le projet est ambitieux, car il pose des questions très modernes, dans des termes très modernes, à des textes très anciens. L'introduction précise le problème traité, moins celui du pouvoir que celui de la constitution politique d'une société, et le point de vue adopté, celui du «philosophe» et non pas celui de l'historien ou du sociologue. L'A. étudie donc la «constitution» d'Israël décrite en Dt 16 - 18 d'un point de vue avant tout synchronique. Il ne pose pas la question de l'évolution du droit ou des institutions dans l'Israël ancien, ni celle de la composition littéraire du texte (sources, traditions, rédactions, etc.). Il n'analyse pas non plus le fonctionnement de ces institutions comme le ferait un historien du droit. La méthode employée, quant à elle, doit beaucoup à l'inspiration de P. Beauchamp: arriver aux concepts (contenu) à partir d'une analyse de la forme (style et structure). En gros, et en simplifiant quelque peu, l'A. défend la thèse suivante: le texte de Dt 16-18 contient quelques idées essentielles de la philosophie politique occidentale: la notion d'un «État» fondé avant tout sur la liberté et la responsabilité des citoyens qui le composent. La décision et l'agir ne sont plus les monopoles d'un souverain, mais (idéalement) de tous les citoyens. En termes plus simples encore (mais ce sont les miens plus que ceux de l'A.), nous trouverions dans le Deutéronome les principes de la démocratie occidentale.
La première partie propose une analyse stylistique du texte de Dt 16,18 - 18,22. La seconde est consacrée aux notions essentielles de ces chapitres: le pays, le citoyen et le droit. Enfin, la troisième partie reprend tout le travail sous forme de synthèse, en particulier dans le chapitre 8 où sont exposées six thèses sur la politeia de Dt 16,18 - 18,22. La conclusion insiste une fois encore sur les aspects littéraires de l'étude («la cohérence de l'écriture» vue comme «architecture»). En annexe, le lecteur trouvera de nombreux tableaux et schémas (p. 431-474), une bibliographie et les index d'usage. Cette thèse trouve une confirmation dans les travaux de E. Otto qui concluait une récente étude sur le Dt en affirmant que le berceau de la démocratie se trouve non seulement à Athènes, mais aussi à Jérusalem (BZAW 284; Berlin / New York 1999, p. 378). L'idée est déjà en germe dans le Traité théologico-politique de Spinoza (cité par J.-M. Carrière p. 32-33). On pourrait encore citer les philosophes anglais Hobbes, Locke, Hume, ou un spécialiste du droit occidental comme H. Berman. C'est dire que cette thèse ne manque pas d'intérêt. Toutefois, il faut reconnaître que le parcours proposé par l'A. est assez sinueux, que son style pourrait décourager les moins enthousiastes et qu'il a un peu trop tendance à nous offrir les ébauches en même temps que le travail fini. De plus, les spécialistes ne manqueront pas de faire remarquer qu'il n'est pas toujours facile d'évacuer la dimension historique d'une telle recherche. Et peut-on passer directement du texte biblique à son contenu sans autres médiations que le style et la structure? C'est l'une des questions qui restent ouvertes au terme de cette lecture somme toute passionnante. - J.-L. Ska, S.J.

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