S'il est bien une thématique explorée, approfondie, discutée ces
dernières années suivant des angles différents et par des sciences
variées, c'est bien la différence homme-femme. L'apport de la
Révélation chrétienne est décisif, même s'il est souvent nié ou
contredit. Cet ouvrage, écrit à quatre mains - féminine et
masculine - explore les questions posées par l'identité sexuée en
affirmant que le langage biblique a aussi son «mot à dire».
Quelques récits bibliques sont ainsi présentés: récits de création,
sacrifice d'Isaac, le Cantique des cantiques, la rencontre de Jésus
avec la Samaritaine, la lettre de Paul aux Éphésiens. Un dominicain
et une mère de famille, tous deux déjà écrivains, sont ainsi
associés dans une même recherche originale sur la stature sexuée de
l'homme et de la femme. Cette théologie de l'identité sexuée ne
peut être «entendue» sans un face à face avec le Père, le Fils et
l'Esprit, c.à.d. le mystère Trinitaire «asexué». «La proposition
est radicale. Sans Dieu et sans le ciel il n'y a personne, pas
d'homme et pas de femme. L'identité sexuée ne peut pas se penser
sans Dieu, pour cette seule raison qu'il n'y a pas, sans l'Esprit,
d'avenir pour la chair, pas de croissance à espérer» (p. 13).
Option originale et qui donne à penser pour une culture
«genderisée»! La démonstration suit «le cours d'un itinéraire
d'homme et de femme évoluant en compagnie de Dieu» (p.
8).L'identité sexuée est donc appréhendée surtout en lien avec le
mystère de la Création et de l'Incarnation: une «aventure de la
chair avec Dieu». Le statut de l'histoire est mis en valeur:
«L'individu humain, compagnon de l'Esprit, n'atteint que
progressivement sa pleine stature d'homme et de femme. Sa
silhouette se dessine au fil d'une histoire que personne, pas même
lui ou elle, ne peut anticiper» (p. 430). L'énigme de l'origine
«ontologique» reste implicite: nous ne sommes pas dans une
dogmatique thomiste. L'originalité de la recherche semble être la
suivante: ne pas définir d'abord l'homme et la femme l'un par
rapport à l'autre, ni dans les fonctions sociales ou familiales,
mais dans l'aptitude libre et consciente de collaborer avec
l'oeuvre de Dieu, en son Fils Jésus. Ainsi la lecture du sens de
leur sexualité, de leurs émotions, désirs et qualités, est-elle
faite à partir de cette clé herméneutique. Cette «distance» que
permet le langage de la Bible ouvre un espace pour la liberté des
lecteurs engagés dans la confrontation culturelle et réflexive des
identités sexuées de notre monde contemporain. Pour garder
l'horizon ouvert, il est bon de garder à l'esprit qu'en régime
chrétien il y a plusieurs langages de la Bible et que la Tradition
pèse, pour le meilleur et pour le pire, sur tout langage
théologique. La polysémie des mots de la Bible est une richesse non
seulement pour d'autres types de réflexions, mais à l'intérieur
également de la réflexion ecclésiale. Certaines interprétations de
nos auteurs étonneront, d'autres susciteront une vraie réflexion.
Il suffit de faire la différence entre ce qui est magnifiquement
dit et ce qui reste implicite. Mais la présentation, dans un style
clair et poétique, permet de saisir en profondeur les enjeux du
dialogue homme-femme dans le plan du salut, et du lien entre
l'Esprit et la chair dans l'histoire humaine. «Le missionnaire de
la chair, c'est l'Esprit» (p. 13): de l'Incarnation aux Noces. - A.
Mattheeuws sj