Appréhender la carrière d’une personnalité qui joua un rôle de premier plan au cours de l’histoire est toujours chose périlleuse. A fortiori quand il s’agit d’un pape, et peut-être plus encore dans le cas de Pie xii. Ce que l’on appelle communément ses « silences » quant au sort des Juifs persécutés au-delà de toute imagination par le régime nazi sont au cœur d’une controverse qui a toutes les allures de ne jamais trouver de fin : défenseurs et attaquants ne cessent de se renvoyer les arguments, avec plus ou moins de sérieux, d’aucuns parmi les premiers voulant à tout prix le béatifier, ce qui ne fait que compliquer singulièrement les choses. Aussi, après l’introd. de Laura Rizzerio, qui pose notamment la question de la portée morale de tout acte humain, lira-t-on avec grand intérêt tout d’abord le chapitre de Muriel Guittat-Naudin, intitulé « Les “silences” de Pie xii : un demi-siècle de polémiques ». En quelques pages, l’A. donne un aperçu particulièrement éclairant de l’historiographie concernant ce sujet, en particulier depuis Le vicaire de Hochhuth (1963) qui déclencha une avalanche d’études et dès lors de prises de position où les nuances ne sont pas nécessairement les qualités premières. L’exposé de Jean-Dominique Durand, « Le pape Pie xii et la Shoah. L’histoire entre démarche scientifique et passions. Questions méthodologiques » sera lu avec le même intérêt. Dans un premier temps – « Questions de méthode », l’A. présente au lecteur les principes fondamentaux qui devraient inspirer les historiens qui voudraient examiner l’attitude de Pie xii durant le second conflit mondial ; il rappelle certaines définitions élémentaires, l’arc chronologique, l’historiographie et les sources. Par la suite, il dresse « Un état des lieux – Que sait-on ? », section où il détaille ce qu’était « la culture catholique contemporaine devant l’antisémitisme », « le refus antitotalitaire du Saint-Siège », « le choix de l’impartialité dans la guerre », « la connaissance des faits », « que faire ? », « questions d’après-guerre ». Et après avoir donné différentes hypothèses d’interprétation, il en vient à conclure qu’en définitive, Pie xii choisit l’option de la diplomatie, qui, fondamentalement, avait été le fil conducteur de sa carrière antérieure à son élévation au trône de Pierre et qu’il privilégia par la suite ; en outre, nul ne peut dire qu’il a traité le martyre des Juifs à la légère. Sauf erreur de ma part, il me semble que dans ce débat, deux points auraient pu être mis en valeur : la redécouverte du lien entre judaïsme et christianisme à l’époque de Vatican ii qui, bien sûr, a modifié notre compréhension de la portée de la Shoah ; l’absence d’une source « personnelle » dans le chef de Pie xii, en l’occurrence un « journal » où il aurait confié sa manière de voir les choses, autrement que dans des déclarations publiques (bien sûr sous bénéfice d’inventaire des archives encore à explorer). En tout cas, un tel chapitre mérite vraiment d’être lu avec grande attention par tous ceux qui veulent comprendre l’attitude de Pie xii durant la guerre et ne pas se lancer dans des diatribes insensées et par trop passionnées.

André Haquin aborde pour sa part un sujet qui nous fait découvrir une autre facette de Pie xii, celle du pasteur, à travers une étude très fouillée de la réforme de la célébration du Triduum pascal. Ce n’était pas une mince entreprise que de redonner en particulier à la vigile pascale toute l’importance qu’elle revêt dans la vie chrétienne.

L’exposé de Dominique Lambert introduit à son tour le lecteur à une autre dimension du pontificat de Pie xii. Ce pape fut particulièrement intéressé par la physique et la biologie, à propos desquelles il fut l’auteur de plusieurs documents. D’une part, il était manifestement bien informé de l’état de ces disciplines et, dans ces domaines, Pie xii eut une conscience aiguë de ce qu’elles interpellaient fortement la foi chrétienne et qu’il n’était pas question de les ignorer, même s’il fut prudent dans ses prises de position. Mais, comme le souligne bien l’A., la difficulté principale dans le dialogue foi et science, tel qu’engagé par Pie xii, fut l’absence d’une médiation philosophique plus approfondie.

En conclusion : les deux derniers exposés ont le mérite d’attirer l’attention sur le fait que l’action de Pie xii ne se résume nullement à la manière dont il traita la Shoah (affaire de bon sens, dira-t-on, mais qu’il ne faut jamais oblitérer) ; d’autre part, cet ouvrage appartient à la catégorie de ceux qui sont certes petits de dimensions, mais qui valent leur pesant d’or. — B. Joassart s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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