Catholique tamoul, Selva Raj, ordonné prêtre du diocèse de
Calcutta, se consacra, après un doctorat d'études indiennes, à des
enquêtes ethnographiques. Ensuite marié et enseignant aux
États-Unis, il mourut à l'âge de 55 ans. Une série de ses
recherches sont ici rassemblées selon un plan esquissé peu avant sa
disparition. Elles portent sur la vie, les croyances et les rituels
des catholiques de régions rurales du pays tamoul, en particulier
lors de pèlerinages et de visites à des sanctuaires. Les soucis de
la vie quotidienne (récoltes, fécondité, guérison…) inspirent
prières et offrandes aux saints (accompagnées fréquemment
d'immolations de victimes animales), promesses et voeux. Pour une
large part, ces catholiques reprennent la symbolique et le langage
rituel des populations hindoues de même statut social, non sans
marquer par certains signes leur différence chrétienne. Une
proportion significative de pèlerins hindous participent d'ailleurs
à ces rituels catholiques, de sorte que Raj voit là un
« dialogue en action ». Il souligne fortement le
contraste entre cette inculturation à partir de la base (et ignorée
ou à peine tolérée par le clergé) et une inculturation d'un autre
type : celle qu'ont promue, après Vatican ii, quelques
missionnaires étrangers ainsi qu'une partie du clergé indien.
Celle-ci paraît à l'A. artificielle, cérébrale, calquée sur la
culture élitiste des brahmanes mais sans prise sur la grande
majorité des populations concernées.
Dans des chap. complémentaires, quelques collègues et amis
proposent des enquêtes qui, à partir d'autres
terrains, confirment pour une part mais aussi nuancent les
conclusions de Raj. Un ouvrage passionnant par ses descriptions et
ses analyses. La critique de l'inculturation « d'en
haut » est vigoureuse et interpelle. Le succès de
l'inculturation « à la base » laisse cependant ouverte la
question de sa pertinence théologique et pastorale : est-elle
un modèle d'avenir ou bien laisse-t-elle craindre une sorte de
dilution de la présence chrétienne dans la masse hindoue ? -
p. 279 corr. : Sundararajan - J. Scheuer s.j.