Si l’intérêt pour le développement personnel ne se dément pas, cet ouvrage du Lassallien Robert Comte se place sur un registre plus en amont et plus profond. Il s’intéresse aux ressorts de l’existence contemporaine en écho à l’appel divin fait à Abraham de devenir lui-même : « Va vers toi », selon le sens littéral. Ainsi, l’accomplissement de soi – traduction contemporaine de Gn 12,2 – est plus qu’une question de regard positif sur soi et d’épanouissement personnel. Porté par un élan puissant, il relève véritablement d’un enjeu vital : « nous sommes appelés à devenir pleinement nous-mêmes dans ce que nous avons de plus singulier ; toute l’existence est au service de l’avènement de chacun comme être unique » (p. 158).
L’A. envisage l’accomplissement de soi comme un cheminement, voire un devenir, évoquant la naissance comme « lancement dans la vie », et la mort comme son dénouement, l’achèvement de la vie en plénitude. Entre les deux sont explorées non des étapes linéaires mais des dimensions de toute vie qui donnent à l’existence son épaisseur : l’aventure de la temporalité qui nous fait advenir, la figure de l’adulte que nous devenons, les résonances éthiques de la personne que nous sommes, notre responsabilité – la « générativité » – à l’égard de la génération qui suit et, enfin, l’unité et la singularité de la vocation de chacun.
L’A. convoque et articule les points de vue, complémentaires, tant de la psychologie et l’anthropologie philosophique que de l’Écriture et la théologie. Sa démarche vise à proposer un sens et à déployer des ressources intellectuelles et spirituelles pour faire face à ce qui fragilise les itinéraires de vie dans le monde actuel, comme l’individualisme, le phénomène d’« accélération » ou le transhumanisme.
L’ouvrage montre que les sciences humaines et sociales fournissent des éclairages précieux sur ce qui meut nos existences, marquées par la réceptivité – à accueillir – et par la responsabilité – à prendre. Or, l’A. considère que la foi chrétienne permet de franchir un pas supplémentaire, à savoir « la reconnaissance de celui qui est au fondement de notre accomplissement » (p. 217). Est ainsi proposée une vision de Dieu et de l’homme dans laquelle le désir du premier n’est pas en concurrence avec les aspirations du second. Au contraire, il en est la source profonde et la visée finale. — J. Trepanier