Fin lettré, Sulpice entend rivaliser avec les biographes anciens exaltant des païens. Son livret vise à édifier et à prendre la défense de Martin qui vivait encore. La biographie suit d'abord un plan chronologique, de la naissance à l'épiscopat en passant par l'armée et une vie semi-érémitique. La seconde partie regroupe quelques épisodes célèbres par thèmes (évangélisation, guérisons, exorcismes…) ou par milieux (campagnes, villes, monastères) sans se priver d'embellir les faits, selon les goûts de l'époque. Les deux parties de l'oeuvre se correspondent assez étroitement. C'est la rencontre avec Hilaire de Poitiers qui a converti ce soldat pannonien éduqué à Pavie. Il est proclamé évêque de Tours par le peuple, alors qu'il n'est encore que catéchumène. Il vit en ascète avec des moines qui l'ont suivi à l'abbaye de Marmoutiers, près de Tours; il évangélise les campagnes et détruit les temples païens. Il est persécuté par les ariens et les païens, alors que des évêques eux-mêmes ne lui ménagent pas leurs critiques.
Sulpice se soucie d'intéresser ses lecteurs sans les lasser. C'est pourquoi sa biographie est courte: 40 pages environ en latin, avec traduction italienne juxtaposée et 100 pages de notes en fin de volume. Son vocabulaire est chargé d'expressions chrétiennes, de mots ayant évolué de sens et de constructions syntaxiques nouvelles. L'éditeur nous offre un nouveau texte critique dans le prolongement du texte de J. Fontaine (1961) avec des corrections assez nombreuses mais mineures.
Cette biographie rencontra un gros succès qui influença tout le Moyen Âge, suscita des imitateurs et répandit en France le culte de saint Martin. On peut dire que bon nombre de biographies de saints ont repris le plan de Sulpice Sévère. - B. Clarot, S.J.