La réflexion européenne sur l’islam court le risque de s’éloigner d’un champ religieux en lui-même, pour en faire un objet d’études à partir de structures de pensée occidentales. Un « islam à la mode » apparaît, mystique, développant une sagesse communautaire, mais le risque de la violence n’en est pas pour autant aboli.
La scène se passe il y a une bonne dizaine d’années, à Istanbul. Un dimanche après-midi, j’étais dans une voiture de Medjit, un jeune Chaldéen de ma paroisse, sur l’une des artères principales de la ville, qui contourne les antiques remparts de l’ancienne Constantinople, autrefois capitale de la chrétienté. Je profite d’un de ces bouchons dont la mégalopole turque n’est pas la seule à être frappée pour capter un instant unique. Une femme musulmane, habillée d’une robe entièrement noire, de la tête aux pieds, marche calmement vers les remparts, à côté d’une voiture. Le cadre est un peu surréaliste : une voiture stationnant sur le pré qui longe la face externe des remparts. On dirait presque une situation suspendue dans le temps. Et puis, il y a cette femme, voilée, qui marche vers le mur, comme vers une impasse, et qu’on voit de dos. Un…