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Le sujet est d’or. Henri de Lubac fut sans conteste une personnalité de premier plan du catholicisme contemporain, et même de l’univers intellectuel général du siècle dernier. La confection de sa biographie — la première qui se veut scientifique — pouvait trouver un artisan tout indiqué en la personne de G. Chantraine1. Celui-ci a été un familier très proche de Lubac durant les 30 dernières années de l’existence du Français ; il éprouve une sympathie profonde à son endroit ; il en a longuement fréquenté l’œuvre ; il a eu accès à une quantité impressionnante d’archives, d’aucunes demeurant toutefois encore fermées aux chercheurs.

Le premier des quatre tomes prévus nous met en présence du jeune Lubac, à propos duquel on était jusqu’à présent peu informé, notamment à cause de la très grande réserve dont le théologien fit toujours preuve au sujet des premières années de son existence.

Voici, en quelques lignes, l’essentiel de ce premier tome.

Très tôt, Lubac se révèle un homme de foi et d’intelligence, même s’il obtient son baccalauréat de justesse. Au terme de ses études secondaires, il entreprend des études de droit aux Facultés catholiques de Lyon. Les grandes questions qui agitent le monde du moment — politiques, sociales, etc. — retiennent son attention, de même qu’il s’intéresse de près à l’histoire, la littérature et la philosophie. Il lit beaucoup.

À 17 ans, il entre au noviciat de la Compagnie de Jésus, pour lors situé à St. Leonards-on-Sea en Angleterre, lois de laïcité obligent. Un intérêt des pages consacrées à cette période est de mettre au contact avec ce qu’était la formation première d’un jésuite de l’époque, qui était à cent lieues de ce que l’on connaît de nos jours (pour les jeunes générations, voilà qui peut aider à comprendre un monde à jamais révolu, même s’il paraît plus que rébarbatif). Malgré des contraintes qui ne permettent guère — pour ne pas dire pas du tout — d’organiser un tant soi peu sa vie de manière autonome, le novice continue à « apprendre ». La crise moderniste est loin d’être clôturée ; le voilà qui lit le célèbre article paru dans les Études de 1914 intitulé « Critiques négatives et tâches nécessaires », appel à la saine raison, si souvent oubliée durant les années où cette crise battait son plein.

Lubac ne peut malheureusement pas achever son noviciat dans des conditions normales. Début avril 1915, il est mobilisé. De longues années de guerre l’attendent à l’instar de millions de ses compatriotes, qui lui laisseront un souvenir douloureux jusqu’à la fin de ses jours : un éclat d’obus logé dans la tête lui causera des maux de tête parfois très violents, entravant souvent son travail.

Au cours de ces années de guerre, il entretiendra une abondante correspondance avec sa famille. La lecture que fait l’Auteur de ces lettres lui font dire que Lubac tranche sur les correspondances de tant d’autres soldats : le jeune jésuite garde comme une certaine distance à l’égard des événements — ce qui ne veut nullement dire qu’il est indifférent au sort de sa patrie — et ne manifeste pas la violence générale dont on découvre tant d’expressions sous la plume de ses compagnons de lutte, y compris des confrères jésuites.

Cela dit, le « montage » de l’ouvrage n’est peut-être pas celui auquel on aurait pu s’attendre. Abondance, richesse et originalité (éventuelle) de la documentation n’impose pas abondance excessive de détails dans le récit. À force de décrire par le (très) menu la vie au noviciat et surtout celle au front (dont on a d’ailleurs une chronologie détaillée à la fin du volume), les points saillants risquent d’être noyés et plus encore d’échapper au lecteur qui pourrait, sans hésiter, passer 10, 15 pages, voire plus, pour cause de lassitude. Certaines réalités historiques exigent des développements relativement longs pour en faire ressortir la complexité. Mais était-ce vraiment de nécessité dans le cas concret ? Si effectivement, Lubac vécut la guerre dans un esprit dénotant sur celui de ses compagnons d’armes, n’eût-il pas été de meilleur aloi d’éditer les lettres — en tout ou en partie, ce serait à voir sur pièce — et de présenter de manière nettement plus ramassée les nœuds saillants de ce qui caractérise ces documents, sans vouloir à tout prix guider le lecteur par la main ? Un tel déploiement de détails — souvent présentés à travers de très (trop ?) brèves citations — fait craindre pour les tomes suivants, en particulier lorsqu’il s’agira d’aborder des questions nettement plus complexes que seront les conditions dans lesquelles le théologien a construit ses ouvrages et plus encore les controverses dans lesquelles il sera entraîné.

L’introduction générale à l’ensemble doit également retenir l’attention, car elle conditionne toute l’œuvre. Elle se présente comme un « discours de la méthode ».

On ne peut qu’être d’accord avec l’Auteur qui rappelle le regain d’intérêt actuel pour le genre biographique. Ce n’est d’ailleurs un mystère pour personne.

Les autres considérations ne sont pas sans parfois étonner. Étonnement que je résumerais par une question : l’Auteur, historien et théologien de formation, ne mêle-t-il pas histoire et « spiritualité » (et pas nécessairement théologie) au point de transformer son étude en une « méditation » sur un destin, plutôt que de donner une « simple » étude historique traditionnelle où sympathie et effort de compréhension auraient été des guides d’allure moins flamboyante mais plus sûrs, sans les surcharger de ces considérations regroupées sous les sous-titres « Histoire générale et histoire religieuse » et « Durée religieuse, durée de l’Église catholique » qui relèvent sans doute d’une certaine théologie de l’histoire ?

L’Auteur situe Henri de Lubac dans une période qui, de la fin du 19e siècle jusqu’au concile Vatican II, est qualifiée par lui d’« âge d’or du catholicisme », marquée par une prépondérance de la France qui aurait « cuit le pain de la chrétienté » (p. 37). Et pour en convaincre le lecteur, l’Auteur donne une litanie de « noms les plus illustres » parmi les philosophes, théologiens, exégètes, savants, spirituels, écrivains, artistes et érudits. Loin de moi de contester de quelque manière que ce soit la qualité de l’ œuvre de chacun des personnages cités, et donc de mettre en doute que la période fut riche. Mais on sait qu’il est toujours délicat de qualifier une période, dans quelque sens que ce soit d’ailleurs : certaines périodes sont souvent décriées parce qu’elles ont été moins étudiées et reléguées aux oubliettes parce qu’on a par trop encensé les autres, ou qu’on les a perçues à partir de critères qui les rendaient moins « sympathiques ». D’autre part, telle qu’elle se présente, cette théorie de noms laisse croire que cet « âge d’or » fut comme un continuum sans le moindre « accroc ». Or on sait que ces décennies furent loin d’être un long fleuve tranquille ; et je ne parle pas uniquement des difficultés évoquées par l’Auteur à la note 5 de la page 37, où il signale « que la plupart de nos contemporains … se souviennent des totalitarismes, de Pie XII, du succès de l’intégrisme en France, du développement des missions et de la colonisation ainsi que de la fin de celle-ci ». Car cet âge d’or n’a-t-il pas été bâti sur une des crises majeures de l’histoire du christianisme, à savoir la crise moderniste, et que, directement ou non, toutes les personnalités citées ont déployé leur œuvre en étant imprégnées des questions fondamentales de cette crise ?

Autre question : n’y a-t-il pas des oubliés dans cette liste ? C’est toujours œuvre délicate de « distribuer les bons points » ; je me bornerai dès lors à ne citer que Paul Ricœur qui ne fut quand même pas un penseur de seconde ou de troisième zone. Qu’est-ce qui justifie son absence ? Le fait d’être non catholique ? Mais Bergson ne l’était pas ! Quant aux historiens, ils brillent par leur absence : heureux Marrou qui échappa de justesse à l’oubli ! Ici aussi je me limiterai à ne relever que quelques noms, tels ceux de Duchesne, de Delehaye et même celui de Bremond dont des études récentes montrent bien qu’il n’était pas l’« amateur » qu’une légende tenace s’est plu à reconnaître en lui.

Enfin, un dernier passage de ce « discours de la méthode » laisse perplexe. Je le citerai in extenso, car je ne voudrais nullement trahir la pensée de l’Auteur :

« … si comme le veut Borges, ‘un homme n’est vraiment mort que lorsque le dernier homme qui l’a connu est mort à son tour’, le cardinal Henri de Lubac n’est pas vraiment mort. J’ai connu le P. de Lubac depuis 1961 durant les trente dernières années de sa vie. Mon provincial, le P. Daniel Dideberg, m’a demandé de rédiger une biographie scientifique pour cette première raison, ensuite parce que j’avais reçu en legs les ‘papiers’ du Cardinal, enfin parce que j’avais lu de près ses œuvres. Ayant vécu avant Vatican II, je suis plus facilement en mesure de reconstituer comment on vivait et pensait avant le Concile dans une société occidentale, moins riche et plus sobre. Dix ans plus jeune que Joinville, j’ai connu moi aussi personnellement Henri de Lubac. J’ai interrogé d’autres témoins, soit directement soit à travers leurs correspondances ou leurs écrits ; plusieurs furent des amis de Henri de Lubac, tels Jean Daniélou, Henri Bouillard, Gaston Fessard et Hans Urs von Balthasar (que j’ai tous connus personnellement). Je suis jésuite, je ne suis pas un laïc, comme l’était Joinville. Cela me permet de sentir à quel point et de quelle manière Henri de Lubac a connu Dieu dans l’Église à travers la Compagnie de Jésus. Cela ne suffit pas à garantir mon impartialité : l’historien sera attentif à y veiller constamment. Il s’est attaché à être aussi analytique que possible pour que Henri de Lubac parle plus que son historien, sans négliger pour autant la synthèse nécessaire. Ainsi sont rendues possibles une biographie plus synthétique et d’autres interprétations de cette vie et de cette pensée ».

(p. 51-52)

Dont acte, est-on tenté de dire. Si certaines de ces assertions reflètent des atouts indéniablement objectifs, d’autres paraissent bien moins convaincantes.

* *

*

Qu’Henri de Lubac ait été étonné d’être appelé comme expert au Concile Vatican II n’a rien de bien surprenant. Quand on a été soupçonné comme lui, qui allait y fréquenter pendant ces années nombre de ceux qui l’avaient plus que critiqué … Son inquiétude est d’ailleurs encore assez grande quant à son œuvre en particulier durant les premiers temps où il réside à Rome.

N’était la reliure désastreuse qui désolera les amateurs, si pas de « beaux livres », du moins de livres matériellement confortables à lire, et la présence d’un index non cumulatif des deux volumes, dotés d’ailleurs chacun d’une pagination propre (renseignement pris, il s’agit d’options de l’éditeur littéraire et non de l’éditeur scientifique), on doit d’emblée reconnaître que cette édition est d’excellente qualité2, même si, à certains endroits, l’une ou l’autre explication supplémentaire aurait été la bienvenue (mais on sait que dans de telles entreprises il n’est pas toujours aisé de savoir où commencer et arrêter l’annotation ; encore qu’en l’occurrence, abondance de biens n’aurait pas nui, en particulier à l’adresse des jeunes générations pour qui Vatican II appartient à l’histoire ancienne).

Deux remarques générales s’imposent d’emblée. Le genre littéraire de ces carnets3 est bien particulier : même si elles furent plus ou moins révisées, c’était des notes personnelles de travail ; on voit bien que Lubac était très attentif à pouvoir disposer de traces sérieuses de ce qui se disait ou s’écrivait dans le cadre du concile afin d’organiser son propre travail. D’autre part, on remarque le caractère parfois violent des appréciations sur les personnes et leur action ; cela tranche sur la tournure habituellement nettement plus civile que Lubac imprimait à ses jugements destinés à la publication. Même les quelques notes humoristiques sont parfois teintées d’une certaine raideur. En voici un exemple. À la date du 26 octobre 1964, on lit : « Mot d’esprit de Mgr von Streng (Bâle) : je n’ai pas amené à Rome de théologien ; un plus intelligent que moi : de quoi aurais-je eu l’air ? un aussi intelligent : à quoi bon ? un plus bête : je n’en ai pas trouvé » ; et Lubac d’ajouter de manière lapidaire : « Il aurait bien fait, cependant, d’amener Balthasar ».

Voilà qui aidera peut-être à mieux comprendre sa personnalité. À quoi convient-il toutefois d’ajouter que Lubac — comme d’autres participants — fut parfois mis en présence de situations ou de personnages qui étaient bien faits pour énerver les plus résistants.

Parmi cet ensemble, il est inutile de dire que beaucoup de choses retiendront l’attention des lecteurs. Pour ma part, je soulignerai les quelques éléments suivants.

Dès le début de ces carnets la pensée de Teilhard de Chardin, lui aussi mis à l’écart en son temps et pour lequel Lubac éprouvait une profonde admiration, apparaît comme un fil conducteur qui l’accompagnera tout au long du Concile.

Lubac se montre particulièrement attentif aux répercussions du travail conciliaire dans la presse, exprimant à certains moments son agacement suscité par des articles qui, à ses yeux tout autant que dans la réalité, soit passaient manifestement à côté de l’essentiel soit tronquaient les faits. Ainsi, le 10 octobre 1964, il rapporte quelques lignes d’un article de Fesquet publié dans Le Monde de ce jour (t. 2, p. 198) :

« Vatican II a consacré trois ans à parler de problèmes purement ecclésiastiques. Aurait-il la maladresse de ne consacrer qu’une quinzaine de jours aux véritables problèmes du monde actuel ? Les laïcs … pardonneraient difficilement aux évêques cette précipitation … ».

À la suite, Lubac énonce les réflexions que de tels propos lui inspirent (t. 2, p. 198-199) :

Ainsi, parler de l’Église, du « Peuple de Dieu », parler de la Révélation chrétienne, de Jésus-Christ, de l’Écriture sainte, de la vie liturgique, etc., c’est s’occuper de problèmes « purement ecclésiastiques » ? Les seuls problèmes dits « actuels » sont-ils de « véritables problèmes » ? Un chrétien peut-il penser cela ? Et le problème de sa destinée, de notre destinée à tous, n’est-il pas pour chacun le problème suprême ?

Lubac en écrira à Fesquet, transcrivant dans ses carnets un long passage de sa missive au journaliste (t. 2, p. 199-200).

Un élément étonnera peut-être le lecteur. Il est dans toutes les mémoires que les théologiens belges — la squadra belga — jouèrent un rôle majeur dans les travaux du concile, beaucoup de contemporains et d’historiens ayant d’ailleurs mis en exergue ce travail. Lubac ne semble pas partager cette opinion et paraît plutôt comme « méfiant » à leur égard, ou peut-être plus exactement en moindre consonance avec ses collègues d’Outre-Quiévrain.

Il est une autre réalité — double — qui montre que Lubac fut vraiment au cœur du Concile. Il s’agit de la « Tradition » et de son frère ennemi, l’« intégrisme », qui tôt éveilla l’attention d’un homme capable de respecter le contenu de la foi et l’évolution de sa compréhension, tout en sachant nuancer toutes les positions sans pour autant faire de concessions de bas étage. Je voudrais citer ici son portrait du cardinal Ottaviani et de certains de ses partisans, voués aux gémonies par beaucoup comme s’ils étaient « bêtes ». À la date du 14 octobre 1962 (t. 1er, p. 115), Lubac écrit ceci :

L’habitude se prend de dire : « le terrible cardinal Ottaviani », « la rigueur de sa doctrine », de l’appeler le chef de l’intégrisme, etc. Il y a là une simplification extrême ; le cardinal Ottaviani me paraît être une forte personnalité, qu’on ne peut réduire aux traits de l’intégriste. D’autre part, ces expressions supposent qu’on accepte un partage néfaste, et très mal fondé. On semble croire que l’intégrisme se caractérise par une fermeté plus grande dans la doctrine de la foi, par un refus des concessions humaines appauvrissantes, etc. Cela est faux. Il faudrait dire en réalité : « la pauvreté de cette doctrine », sa méconnaissance de la grande tradition. Mettre et multiplier des barrières autour d’un vide : voilà comment l’on pourrait presque définir l’action de certains théologiens du Saint-Office et assimilés. Ils ne tiennent, ils ne défendent avec vigueur que :

  1. des vérités diminuées. Par exemple, ils préfèrent le « Dieu naturel » au Dieu chrétien ; une idée abstraite de la révélation à la révélation du Christ ; ils enseignent que Dieu se révèle à nous « pour que nous le servions », non pour que nous devenions ses fils ; le péché, originel ou actuel, n’est qu’une infraction à la loi, non le refus de la vocation divine ; etc.

  2. des théories humaines, le plus souvent assez récentes, puériles ou périmées, sur lesquelles ils se braquent, et qui leur font oublier l’essentiel du mystère chrétien.

Trois ans plus tard, le 30 septembre 1965, de Lubac note ceci sur le même sujet (t. 2, p. 423) :

Soit par les petits travaux que j’ai eu l’occasion de faire, soit par les nombreux documents que j’ai eus en main, soit par expérience directe, depuis longtemps jusqu’à ce jour, et spécialement par mes fréquentations romaines (par exemple, à la commission théologique préparatoire, en 1960-1962), je crois bien savoir ce qu’est l’intégrisme de notre siècle : ses origines, son histoire, sa mentalité, ses présupposés, ses procédés, etc. Quelques-unes de ses caractéristiques :

  • une systématisation scolastique (tardive) prise pour l’absolu, obstruant les sources vives de la doctrine ;

  • un « fondamentalisme » contraire à la vie de l’esprit comme à l’esprit de l’Évangile ;

  • un mélange des choses de la foi avec un complexe politico-social ;

  • une mentalité de soupçon systématique et méchant, engendrant un effort pour déconsidérer quiconque fait preuve d’indépendance ;

  • une tendance, poussée parfois très loin, à l’organisation en clan ;

  • des procédés d’intrigue, au service d’un appétit de domination.

Et j’ai constaté (dans l’histoire ou directement) comment, par là, l’intégrisme parvient à intimider parfois les autorités de l’Église, à s’imposer aux supérieurs (pape y compris), à leur dicter des blâmes, des exclusives, des méfiances, des condamnations ; à troubler profondément le fonctionnement normal des organes de gouvernement, à ruiner les rapports confiants et empêcher les explications franches …

On ne peut d’ailleurs s’empêcher de rapprocher ces passages de ce que Lubac notait le 10 octobre 1964 et qui indique combien il était sensible à une approche historique fine (t. 2, p. 197) :

Dans les journaux (même, récemment encore, Le Monde), on continue de parler des évêques « conservateurs » et « progressistes », et à les distribuer en partis. La Tradition chrétienne est complètement ignorée. On parle comme si l’Église avait été fondée au Moyen Âge (un Moyen Âge souvent tardif), et de ce Moyen Âge même on ne connaît que quelques traits, mal compris historiquement et caricaturés. On semble croire qu’il n’y a jamais eu chez les chrétiens, avant notre siècle, aucune conscience de la liberté religieuse, ni aucune initiative reconnues aux laïcs dans l’Église, etc.

Témoignage dès lors à explorer avec grande attention. Nul n’y perdra son temps.

* *

*

Deux décennies après le Concile, Lubac, créé cardinal en 1983, fut interrogé par Angelo Scola, alors professeur à l’Université du Latran (actuellement patriarche de Venise), et Alver Metalli, rédacteur en chef de la revue 30 Giorni, à propos du concile et — pour faire bref — de sa postérité. Si le genre littéraire ne se prêtait évidemment pas à des développements comparables à ceux d’un article ou d’un livre, ce « témoignage » n’en était pas moins intéressant4. D’aucuns y ont vu l’expression d’un raidissement par rapport à ce qu’ils considéraient comme ayant été un changement radical dans l’Église par Vatican II. On peut certes déceler des traces d’un certain pessimisme dans le chef du théologien à propos de ce qui était advenu du Concile ou de ce que d’aucuns en avaient tiré. De manière plus positive, on peut voir dans cet Entretien comme un appel à approcher l’œuvre du Concile avec une attention soutenue : ici encore, pour faire bref, les textes conciliaires ne disaient pas n’importe quoi et il faudra peut-être encore beaucoup de temps pour en découvrir toute la richesse.

Notes de bas de page

  • 1 Chantraine G., Henri de Lubac, t. I. De la naissance à la démobilisation (1896-1919), préf. J. Prévotat, Paris, Cerf, 2007, 22x14, 746 p., 63 €. ISBN 978-2-204-08073-6.

  • 2 de Lubac H., Carnets du Concile I et II, intr. et annotés par L. Figoureux, avant-propos Fr.-X. Dumortier sj et J. de Larosière, préf. J. Prévotat, Paris, Cerf, 2007, 22x15, (vérif.) L-567 et L-569 p., 39 et 39 €. ISBN 978-2-204-08528-1 et -08529-8.

  • 3 Ces carnets ont connu plusieurs étapes dans la rédaction : des notes prises au long du concile (elles sont aujourd’hui perdues) ; une mise au propre manuscrite par Lubac en six cahiers ; une première version dactylographiée, non datée (sans doute après 1975), avec de légères modifications ; une deuxième version dactylographiée, elle non plus datée (vraisemblablement au début des années 1980), comportant des ajouts, parfois substantiels (cf. t. 1, p. xxix). Voilà qui explique qu’à certains endroits on se trouve en présence d’« erreurs » chronologiques et que l’éditeur a dû se référer à d’autres sources — en particulier des correspondances — pour éclaircir divers points.

  • 4 de Lubac card. H., Entretien autour de Vatican II. Souvenirs et réflexions (1985). En appendice deux articles d’André Latreille, Paris, France Catholique / Cerf, 2007, 21x14, 141 p., 14 €. ISBN 978-2-204-08568-7.

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