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J.W. O’Malley: «L’événement Vatican II»

À propos d’un livre récent*

Bernard Joassart s.j.

La qualification ne ressortit pas au traditionnel genre littéraire du compte rendu. Il n’empêche. Je me risque d’entrée de jeu à dire de cet ouvrage qu’il est «délicieux». Non qu’il serait léger ou aurait des allures de chronique ou de roman, s’attardant par trop à la petite histoire, encore que l’auteur sait faire preuve d’humour et que certaines formulations (pas toujours aisées à rendre dans une traduction) épinglent tel ou tel fait ou trait de personnalité qui détend. De manière positive, l’ouvrage se laisse lire et jamais le lecteur n’est tenté d’interrompre sa découverte des pages; il est bâti à la fois comme un récit — dans le respect de la chronologie — et un essai qui fait émerger les caractères saillants de ce qui fut à coup sûr un événement majeur de l’histoire de l’Église en même temps qu’une entreprise complexe à mettre en mouvement tout autant qu’à faire fonctionner au jour le jour.

Concrètement, il se situe entre les ouvrages d’initiation — tel Le concile Vatican II publié par Daniel Moulinet dans la collection «Tout simplement» des Éditions de l’Atelier, en 2002 — et les travaux de première main et de grande envergure, comme l’excellente Histoire du concile Vatican II dirigée par Giuseppe Alberigo, dont les 5 volumes parurent en langue française aux Éditions du Cerf et chez Peeters, entre 1997 et 2002.

Mais qu’on ne s’y trompe pas: les dimensions restreintes de l’ouvrage n’en font pas un livre simpliste. Celui-ci replace tout d’abord fort bien Vatican II dans la trame des conciles œcuméniques. Ainsi en est-il du rappel du long xixe siècle qui avait précédé, marqué par bien des avatars nullement anodins: il suffit de citer Grégoire XVI, Pie IX et Vatican I, Léon XIII et son essai de réconciliation avec le monde dit moderne, Pie X et la crise moderniste, Pie XI et l’affrontement avec les totalitarismes, Pie XII et ses ouvertures comme ses replis.

L’auteur a également pris la peine d’analyser avec soin la signification du mot aggiornamento — lequel est presque devenu un slogan pour qualifier le concile — qui n’était pas une simple «mise à jour» mais bien un approfondissement de la foi de l’Église comme ressourcement et développement de la doctrine.

On s’attardera volontiers sur la partie consacrée aux «genre, forme, contenu, valeurs: ‘l’esprit du Concile’». Y est particulièrement bien mis en évidence le style adopté par le Concile: avant tout, il fallait persuader, mais non de manière mielleuse, retorse voire autoritaire, en abordant le monde auquel il s’adressait, considérant ce qu’il avait de bon sans pour autant se dissimuler ses faiblesses, tout en rendant sympathique (au sens fort du terme) la foi proposée par l’Église. On remarquera aussi que l’auteur retient finalement les termes de «majorité» et de «minorité» pour désigner les deux grandes tendances qui se firent jour tout au long du parcours conciliaire. Sans doute est-ce plus conforme à la réalité, plutôt que de parler de «progressistes» et d’«intégristes», termes qui ont certes aussi leur part de pertinence, mais qui risquent peut-être de trop figer certaines positions ou de cataloguer les personnes sans appel.

Autre qualité: l’auteur insiste — avec justesse — sur le fait que l’ensemble des textes conciliaires forment un tout et qu’il n’est pas de bon aloi de lire les documents séparément, au risque de les interpréter de manière quelque peu biaisée. Voilà qui permet de mieux comprendre une caractéristique majeure du Concile: il voulut exprimer le contenu de la foi.

J’ajouterai un dernier élément qui me paraît particulièrement important. Obéissant à une loi fondamentale de l’histoire, à savoir l’indispensable sympathie à l’endroit de l’objet étudié, l’auteur a construit son étude dans un strict respect de la spécificité du langage religieux, chrétien bien sûr en l’occurrence. Notre époque réclame souvent que le langage religieux «s’adapte» au monde actuel. Mais derrière ce souhait, qui a certes sa part de légitimité, n’y a-t-il pas parfois — souvent — le désir de faire l’économie d’une compréhension de l’intérieur de ce qui relève du religieux? C’est d’autant plus paradoxal que notre temps n’hésite pas à se soumettre, presque aveuglément, à toute espèce de langages qui ne souffrent pas de «contournements»; pensons notamment au langage informatique, d’une rigueur presque tyrannique et auquel nos contemporains n’hésitent guère à se livrer sans grande tergiversation (et qu’il soit bien entendu que le langage de la foi n’est pas du même ordre, car il touche à quelque chose qui n’est pas que de l’ordre de l’utilitaire).

En définitive, c’est certainement cette sympathie, qui respecte avec sagesse le langage du concile, qui fait que ce livre est «délicieux». J’en suis sûr: il donnera le goût au lecteur de se replonger dans les textes conciliaires et le désir d’en apprécier toute la saveur, sans les «statufier» en les idéalisant à outrance ou en les diabolisant bêtement, mais en les considérant comme un témoignage de la foi de l’Église dont notre époque est l’héritière directe.

Notes de bas de page

  • * J.W. O’Malley, L’événement Vatican II, coll. La Part-Dieu, Bruxelles, Lessius, 2011, 448 p.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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