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Jésus, Soleil véritable

Chronique de christologie

Léon Renwart s.j.

La christologie est ici étudiée comme l’œuvre d’un amour libérateur (Galot). Vient ensuite la présentation de Bérulle, qui sans s’astreindre à un système déterminé, révèle dans ses écrits un amour brûlant pour Jésus-Christ (Dupuy). Des pages sur la création vue comme un appel adressé dans le Christ à l’humanité tout entière lui font suite (Armendáriz). Le rôle salvifique du Christ est à l’origine de divers essais ; notamment sur la place de la croix (Heid) et sur un essai de récupération du culte solaire en faveur du Christ Soleil véritable (Wallraff).

Dans ce troisième tome de sa Christologie, au titre significatif1, Jean Galot, sj, professeur émérite de la Grégorienne, consacre une première partie à la finalité de l’œuvre accomplie par le Christ. Après avoir précisé les notions en cause, un premier chapitre examine le motif de l’incarnation : hypothèse irréelle (ce qui pourrait être dans toute création possible), ou question véritable (ce que Dieu révèle avoir réalisé dans le monde qui est le nôtre). Sans ignorer les positions de l’Église orientale et des scotistes ni la préférence de Vatican II, il conclut, avec saint Thomas, que le Christ est essentiellement rédempteur. Un deuxième chapitre présente la théologie de la libération, en dégage la perspective fondamentale et y découvre une œuvre divine de caractère eschatologique, déjà réalisée pour l’essentiel par la mort du Christ. Le ch. III montre d’après la Bible que cette libération est d’ordre avant tout spirituel et religieux, car elle brise la servitude du péché et procure la filiation divine, non sans conséquences cosmiques. Le ch. IV établit enfin qu’elle est œuvre d’amour, procurant la réconciliation avec ses conséquences politiques et sociales et son implication spirituelle.

Une seconde partie est consacrée à la Passion. Elle présente le sacrifice rédempteur tel qu’il se prépare dans l’Ancien Testament et se réalise dans le Nouveau. Le ch. II montre que c’est l’événement décisif de la vie du Sauveur, car c’est dans sa mort que Jésus réalise l’œuvre de Dieu. Le ch. III fait apparaître que c’est ainsi que se réalise le dessein d’amour de Dieu. Le ch. IV éclaire en conséquence le sacerdoce du Christ et celui de l’Église à la lumière de l’Épître aux Hébreux. Le ch. V couronne la recherche en étudiant la souffrance humaine, son sens et sa valeur à la lumière de celle du Christ, partagée par le Père.

Fruit des recherches menées durant toute une carrière professorale et sans cesse appuyées sur une large documentation, ces pages présentent de façon claire et précise la doctrine traditionnelle de la rédemption, œuvre suprême de l’amour de Dieu.

En intitulant son livre « Le Christ de Bérulle » et non : La christologie de B., Michel Dupuy2 attire l’attention sur le fait qu’il « n’est pas possible d’esquisser une synthèse de la théologie de Bérulle, car ce n’est pas un professionnel de l’enseignement ni dans une école ni dans une université… (de plus) il prend ses distances vis-à-vis de la théologie scolastique pratiquée de son temps » (p. 236). Ce que l’on ne peut synthétiser peut se décrire. C’est ce que font une vingtaine de courts chapitres. Ils montrent l’Incarnation comme liberté de Dieu, se posent la question du pourquoi de l’Incarnation sans opter ni pour le scotisme, ni pour le thomisme, ils décrivent avec des accents chevaleresques Jésus-Christ notre seigneur, son abnégation, sa kénose, sa non-dépendance, le ressuscité comme révélation de Dieu unique. Après avoir situé l’Incarnation comme communication du Verbe et de l’unité dans l’Eucharistie, l’A. consacre plusieurs chapitres à présenter les états du Christ, la variété des mystères qu’il révèle, le sens qui s’y cache, la sainteté de Jésus, son sacerdoce et son rôle dans les fonctions de la prêtrise. Il le présente ensuite comme centre de l’univers et monde nouveau. L’A. conclut en montrant que « voilà l’Homme », car il est notre subsistance, notre père et notre sainteté, et en situant la Mère de Dieu dans l’ordre trinitaire. L’A. signale une limite de cette approche, son absence d’intérêt pour la psychologie humaine de Jésus et pour l’approche psychologique en général, deux domaines qui intéressent fort les théologiens actuels.

Ce qui fait la richesse et la valeur de ces pages, c’est qu’elles révèlent chez B. un amour ardent pour le Christ et un grand désir de le faire partager. Le principal reproche de B. aux théologiens de son temps est d’ailleurs de se borner trop facilement à une orthodoxie qui se complaît intellectuellement en elle-même, alors qu’elle ne trouve son plein sens que si elle mène à une orthopraxie qui vit ce qu’elle croit et l’approfondit par le fait même.

Le traité de la création3 avait de plus en plus tendance, dans la théologie récente, à se présenter comme une sorte de théologie naturelle, exposant ce que l’homme était capable d’en dire, comme l’avait reconnu le Concile Vatican I. C’est contre ce rétrécissement d’horizon que réagit Luis María Armendáriz. Il vise une anthropologie théologique centrée sur le mystère de la création, tel que le présente Vatican II au début de son décret doctrinal Lumen gentium. Dans les quinze chapitres de son manuel, il décrit les divers aspects de cette vérité. Dieu le Père crée de rien, en toute liberté, malgré la prévision du mal et du péché. Il veut en effet être tout en tous dans ce monde. Celui-ci est une énigme laissant pressentir le mystère divin. Les créatures sont appelées au bonheur et la création proclame la gloire du Créateur, qui donne l’existence à des êtres libres, capables de devenir à leur tour créateurs. Ceci se déroule dans l’espace et le temps. Tous y sont appelés à collaborer au plan divin sur l’univers créé par amour. Chacun de ces thèmes est présenté en lui-même, dans son développement au cours de la réflexion théologique et dans sa portée pour la vie chrétienne. Ceci offre à chacun l’occasion d’approfondir ces notions, de mieux les comprendre, éventuellement de prendre position devant des opinions libres.

Ce qui constitue la valeur principale de ces pages érudites, fruit d’une longue carrière d’enseignement, est aussi ce qui explique leur présence dans cette chronique : elles rappellent avec force et clarté que la création est un geste d’amour divin invitant tous les hommes à participer dans le Verbe incarné au bonheur même de la Sainte Trinité.

Dans La Croix, Jérusalem, le Cosmos, Stefan Heid4 recherche les expressions d’une théologie primitive de la croix. Dès le début, les chrétiens ont lié la crucifixion de Jésus et la croix qui en est le signe à une foule de représentations, dont certaines sont encore vivantes aujourd’hui tandis que d’autres perdaient leur actualité et nous paraissent plutôt étranges. L’A. étudie Jérusalem et la puissance cosmique de la croix d’abord chez Justin, qui doit faire face au scandale des philosophes, aux réflexions platoniciennes sur l’âme du monde, à l’ensemble des traditions locales de Jérusalem, aux représentations du monde où se croisent deux ou plusieurs cercles (dans les monuments du monde païen et ceux du milieu juif). Un second chapitre s’interroge sur la signification de la croix (du croisement) dans les cosmologies géocentriques de l’époque, notamment chez les auteurs vivant à Jérusalem ou dans son entourage : il examine la croix comme point d’appui entre le ciel et la terre, son rôle comme axe du ciel et du cours du soleil, ce qui amène l’image des courses de chars et de l’obélisque qui marque le tournant de l’arène. Les deux chapitres suivants présentent la croix érigée sur le Mont des Oliviers et celle qui fut dressée sur le Golgotha, leur signification (y compris dans la légende), leur forme et le culte auquel elles donnèrent lieu.

Abondamment illustré par des documents iconographiques (une cinquantaine) et richement documenté, ce volume éclaire de façon intéressante les débuts du culte chrétien envers la croix. Il se termine par une bonne bibliographie et d’excellents index (Écriture, noms et matières).

Dans Le Christ, soleil véritable, Martin Wallraff5 étudie le culte du soleil et le christianisme dans l’antiquité tardive. C’est entre le IIIe et le Ve siècle de notre ère que celui-ci est devenu la religion dominante de l’empire gréco-romain. Ceci l’amena à devoir se distinguer des autres courants religieux de l’époque, notamment de la tendance du culte solaire à coiffer en quelque sorte toutes les autres croyances. Le décret de Constantin transférant au jour du soleil le repos hebdomadaire y joua un rôle ambigu car, pour les chrétiens, c’était la promotion du jour du Seigneur (kyriakè, dominica), mais la propagande impériale l’utilisait à la gloire de l’empereur. Il est à noter que la dénomination « dimanche » est apparue dans les pays de langue latine et s’y est maintenue, alors que les jours de la semaine reprenaient les anciens noms liés aux planètes. Les chrétiens firent un grand usage de la métaphore solaire, non seulement en nommant le Christ soleil véritable, « Soleil de justice » (Origène), mais aussi en décrivant la vie, la mort et la résurrection de Jésus comme le lever du soleil, son coucher et sa réapparition. Parce que c’est à l’est que le Christ est monté au ciel et que c’est de là qu’on attend son retour, les basiliques chrétiennes seront « orientées ». Un cas étonnant dans le même sens est le succès de la fête de Noël et de son folklore, remplaçant la fête du renouveau annuel du soleil le 25 décembre. En conclusion, l’auteur se pose la question : « Il n’y a probablement pas de point sur lequel le paganisme et le christianisme se soient trouvés aussi proches que dans le culte solaire ; d’où vient donc qu’ils n’ont pas fusionné ? Peut-être la cause de la victoire du christianisme doit-elle le plus probablement être cherchée dans le fait qu’un simple “glissement” du polythéisme au monothéisme était voué à l’échec » (p. 206).

Une large bibliographie et plusieurs index (Écriture, auteurs anciens, concepts, lieux et personnes) clôturent dignement ce remarquable travail.

Notes de bas de page

  • 1 Galot J., Libérés par l’amour. Christologie III, Paris, Parole et Silence, 2001, 21≈14, 266 p., 20 /. ISBN 2-84573-094-2.

  • 2 Dupuy M., Le Christ de Bérulle, coll. Jésus et Jésus-Christ, 83, Paris, Desclée, 2001, 23≈45, 241p., 23 /. ISBN 2-7189-0962-5.

  • 3 Armendáriz, L.Ma., Hombre y mundo a la luz del Creador, Madrid, Cristiandad, 2001, 21≈13, 561 p. ISBN 84-7057-456-6.

  • 4 Heid St., Kreuz - Jerusalem - Kosmos, Aspekte frühchristlicher Staurologie, coll. Jahrbuch für Antike und Christentum, Ergänzungsband 31, Münster, Aschendorff, 2001, 28≈20, 294 p., rel., 50 ill. h.-t., 48.10 /. ISBN 3-402-08116-4.

  • 5 Wallraff M., Christus Verus Sol, Sonnenverehrung und Christentum in der Spätantike, coll. Jarbuch für Antike und Christentum, Ergänzungsband 32, Münster, Aschendorff, 2001, 29≈20, 248 p. + 16 p. ill. h.-t., rel., 50.20 /. ISBN 3-402-08115-6.

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