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L’onction des malades : sacrement de la tendresse de Dieu

Vincent Guibert
Au regard des mutations de son histoire, l’onction des malades met dans l’embarras le théologien et le pasteur. Mais là se trouve également son attrait : situé à la jointure du physiologique et du spirituel, il donne à penser. Cet article cherche à mieux définir l’effet de grâce ou le réconfort qu’apporte ce sacrement au malade. Il propose également de mettre en relation l’onction non seulement avec le sacrement du pardon, mais encore avec celui de la confirmation.

« Un Samaritain qui était en voyage arriva près de lui, le vit et fut pris de pitié. Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l’hôtellerie et prit soin de lui » (Lc 10,33-34). Les Pères de l’Église ont mis en lumière l’identité du Bon Samaritain qui s’approche de cet homme blessé mortellement. Il s’agit du Verbe de Dieu qui, dans le mystère de son incarnation, a pris sur lui notre nature humaine. Tout au long de l’Évangile, Jésus se révèle le Sauveur en allant à la rencontre de la souffrance physique et morale. « Le soir venu, on lui présenta beaucoup de démoniaques ; il chassa les esprits d’un mot et il guérit tous les malades afin que s’accomplît l’oracle d’Isaïe le prophète : ‘Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies’ » (Mt 8,16-17 ; cf. Is 53,4). Citant le poème du Serviteur souffrant d’Isaïe, l’évangéliste Matthieu suggère le transfert de nos maux physiques, et plus encore spirituels, sur la personne de Jésus. Celui-ci n’a pas seulement triomphé de la maladie par ses interventions miraculeuses, mais aussi et surtout dans son mystère pascal. À Gethsémani, il a porté toute la faiblesse humaine et en a éprouvé de la tristesse : « mon âme est triste à en mourir » (Mt 26,38). La Passion et la Résurrection exaltent la victoire du Christ sur la souffrance et la mort en ouvrant aux hommes l’accès au salut total : dans la communion avec Dieu.

Le Christ Bon Samaritain ne peut demeurer avec l’homme blessé qu’il est venu secourir. C’est pourquoi il donne deux deniers à l’hôtelier pour qu’il prenne soin de lui. Ainsi confie-t-il les sacrements, le pain, le vin et l’huile qui prolongent ses propres gestes de salut en attendant qu’il revienne. Le ministère de guérison fait partie de l’envoi en mission des disciples : « ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris » (Mc 16,18).

Selon Péguy, la moelle du catholicisme est la tendresse. La médiation sacramentelle manifeste celle-ci à la manière dont le Christ vient au secours d’une humanité blessée en quête de consolation dans l’épreuve. Cinquième sacrement d’après la nomenclature établie par Pierre Lombard au xiie siècle, l’onction des malades est un sacrement encore trop largement méconnu. La complexité même de son histoire met dans l’embarras le théologien et le pasteur, mais là se trouve également son attrait : situé à la jointure du physiologique et du spirituel, il donne à penser. Le malade ne sait pas toujours explicitement ce qu’il cherche, mais il se trouve fondamentalement en quête d’unité, de bonheur. Alors même qu’il est écartelé par toutes sortes de forces qui l’angoissent, il espère retrouver la santé au cœur de la maladie car l’onction des malades l’assiste dans une épreuve qui l’affecte aussi bien dans son âme que dans son corps. Mais que produit concrètement celle-ci comme effet de grâce ? Ou, pour dire les choses autrement, à quoi « sert »-elle ? Quel réconfort peut-on en attendre ? Nous nous laisserons d’abord instruire par l’histoire du sacrement avant de montrer de quelle manière celui-ci manifeste la tendresse de Dieu envers notre humanité souffrante. Finalement, nous essaierons de répondre aux questions qu’il pose à nos contemporains.

I Les enseignements de l’histoire

L’histoire du sacrement des malades en Occident nous met devant une étonnante diversité de formes dans sa mise en œuvre, aucune ne rendant compte à elle seule de la richesse et de la beauté de ce sacrement. Ces formes se sont succédé au gré des besoins du peuple chrétien, en mettant en valeur telle ou telle dimension. Conféré à la maison ou à l’église, par des prêtres ou des laïcs, son destinataire a toujours été le malade qui, quel que soit son état, grave ou léger, se trouvait mis d’une façon ou d’une autre face à l’éventualité de la mort. Ses effets ont aussi beaucoup varié, allant de la guérison physique au réconfort spirituel dans l’épreuve. Une constante demeure, celle de la bénédiction de l’huile des malades par l’évêque1. Tel est le point de départ indispensable pour recueillir, aujourd’hui encore, le sacrement dans sa cohérence humaine et sacramentelle.

1 La bénédiction de l’huile par l’évêque

La pratique liturgique des premiers siècles atteste un fait hautement significatif : la bénédiction de l’huile des malades par l’évêque. L’huile est à la fois lumière qui éclaire et onction qui assouplit, revigore et guérit. Son application semble même avoir été laissée aux fidèles dans un premiers temps. Retenons ici trois formules de bénédiction parmi les plus significatives.

Il y a d’abord la forme de la bénédiction de l’huile de la Tradition apostolique attribuée à Hippolyte de Rome. Elle remonte au début du iiie siècle. Elle est la plus ancienne formule de bénédiction dont nous disposions. Elle intervient au terme de la prière eucharistique, source de toute bénédiction. Prononcée par l’évêque2, elle exalte la vertu curative de l’huile en termes de réconfort et de retour à la santé. Dans la liturgie romaine antique, aucun jour particulier n’était encore assigné à cette bénédiction de la part de l’évêque. Les fidèles apportaient leur flacon d’huile, et une fois celle-ci bénite3, ils le rapportaient à la maison pour oindre leurs proches malades.

Vient ensuite la formule romaine Emitte, formule du ve siècle qui dépend de la précédente. Elle aura une très grande influence sur tous les rituels occidentaux et demeure encore aujourd’hui en usage à travers divers remaniements.

Envoie, nous te le demandons, Seigneur, du haut des cieux l’Esprit Saint, le Paraclet, dans cette huile que tu as daigné tirer de l’arbre vert en vue de soulager nos cœurs et nos corps. Que ta sainte bénédiction devienne pour quiconque s’en oint, l’absorbe ou se l’applique, un remède du corps, de l’âme et de l’esprit, qui chasse toutes les douleurs, toute faiblesse, toute maladie du cœur et du corps, elle dont tu as oint les prêtres, les rois et les prophètes et les martyrs, le chrême excellent que tu as béni, Seigneur, et qui demeure en nos entrailles, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ4.

La présence de l’Esprit Saint est explicitement invoquée. La formule prend ainsi la forme d’une épiclèse. Sanctifiée par l’Esprit, l’huile reçoit une efficience nouvelle et elle devient un remède pour le corps, l’âme et l’esprit, encore que l’effet corporel y soit privilégié, car l’huile avait déjà en elle-même une valeur médicinale pour réconforter le corps.

Enfin, il y aurait lieu de mentionner l’Eucologe de Sérapion, évêque de Thmuis au ive siècle en Égypte, ami et correspondant de saint Athanase. Le recueil de prières qui lui est attribué fournit un témoignage éclairant sur les formules propres aux Églises d’Orient, concernant la bénédiction de l’huile5. Ce recueil relie organiquement l’ensemble des effets de l’huile au mystère du Christ. L’huile, remplie de la « vertu curative du Monogène », est destinée à éloigner la « maladie » et « l’infirmité ». Elle apporte également « bonne grâce et rémission des péchés » — c’est la dimension pénitentielle de l’onction — et constitue un « remède de vie et de salut ». La santé qu’elle donne est inséparable de « l’intégrité de l’âme, du corps et de l’esprit » (cf. 1 Th 5,23). Ainsi, l’huile est-elle perçue spontanément en lien avec l’Esprit et le corps qu’elle réconforte, permettant soit de recouvrer la santé, soit de se préparer aux noces éternelles. La dimension de « rémission des péchés » y est présente en lien avec la lumière du Christ ressuscité et guérisseur.

2 L’évolution du sacrement en Occident

La lettre du Pape Innocent 1er à Décentius de Gubbio (mars 416) contient la première référence officielle de l’Église au texte de Jacques 5,13-15 à propos de l’onction à donner aux malades. « Quelqu’un parmi vous est-il malade ? Qu’il appelle les presbytres de l’Église et qu’ils prient sur lui après l’avoir oint d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient et le Seigneur le relèvera. S’il a commis des péchés, ils lui seront remis » (Jc 5,13-15). Le rite consiste dans une prière sur le malade accompagnée d’une onction d’huile.

À partir de la réforme carolingienne, le centre d’intérêt va progressivement se déplacer de la bénédiction d’huile à l’administration de l’onction. L’Église intervient plus directement dans l’administration du sacrement et l’onction de l’huile des malades sera désormais réservée aux prêtres. Dans les rituels, le réconfort spirituel et l’effet purificateur du sacrement à l’égard des péchés du malade passent à l’avant-plan, si bien qu’au terme de l’évolution, la formule qui accompagne l’onction devient pratiquement une formule d’absolution pénitentielle. Celle-ci ne pouvait ainsi être administrée qu’après la réconciliation du pénitent avec l’Église. Or la non-réitération de la pénitence canonique va logiquement reporter le sacrement de l’onction en fin de vie, si bien qu’à partir du xe siècle, le sacrement devient celui de l’« extrê-meonction », un achèvement du rite de réconciliation et une préparation à la Gloire.

Face à Luther qui en mettait en doute la validité, Trente dira que le sacrement de l’onction des malades a été institué par le Christ comme un des sept sacrements, insinué par Marc 6,13, recommandé aux fidèles et promulgué dans l’épître de Jacques (Dz 1695). Il affirme qu’« il représente très adéquatement la grâce de l’Esprit Saint, dont l’âme du malade est ointe invisiblement », ce qui le rapproche d’une certaine façon du sacrement de la confirmation. Cette grâce de l’Esprit efface les péchés s’il en reste à expier ainsi que les séquelles du péché, soulage et fortifie l’âme du malade et lui obtient la santé du corps « quand cela est utile au salut de l’âme » précise le décret. Par ailleurs, le Concile de Trente prend distance par rapport à la pratique du siècle précédent. Le destinataire du sacrement ne vise pas seulement la personne à l’article de la mort, mais tout malade aux prises avec la mort.

Le Rituel de Vatican II remet en valeur la dimension pascale et ecclésiale de l’onction. Lumen gentium 11 distinguait déjà clairement la maladie et l’approche de la mort. Il n’y était plus question d’« extrême onction », mais d’un sacrement des malades. En outre, la Constitution apportait des précisions essentielles qui seront reprises par la suite dans le Catéchisme de l’Église catholique : « Par la sainte onction des malades et la prière des prêtres, c’est l’Église tout entière qui recommande les malades au Seigneur souffrant et glorifié pour qu’il les soulage et les sauve ; bien mieux, elle les exhorte à s’associer librement à la passion et à la mort du Christ afin d’apporter leur part pour le bien du Peuple de Dieu ». Le concile Vatican II proposait ainsi une véritable consécration ecclésiale du malade qui coopère, dans son union au Christ, à la rédemption du genre humain et reçoit ainsi une mission pour le corps mystique de l’Église.

Ce sacrement est fondamentalement une onction qui donne la grâce de l’Esprit pour recouvrer la santé de l’âme et du corps ; c’est-à-dire la guérison de tout l’être, âme, esprit et corps.

II Tendresse de Dieu dans l’épreuve de la maladie

1 L’épreuve

La maladie et la souffrance sont parmi les épreuves les plus graves que doit affronter toute existence humaine. Dans la maladie, l’homme fait l’expérience de ses limites et de sa finitude.

Dans l’Ancien Testament, la maladie se présente comme un état de faiblesse et de fragilité dans lequel la question du péché survient spontanément. Il est d’ailleurs possible d’établir un parallèle entre les psaumes qui décrivent l’état du malade (6,31,32,38,39,88,102) et les psaumes de pénitence (6,32,38,51,102,130,143). La prière glisse « imperceptiblement d’un registre à l’autre, du mal physique à l’accablement spirituel, et vice-versa »6. Pour le psalmiste, en effet, la maladie alerte sur un autre mal, ouvrant les yeux sur ce qui se cache dans les replis de toute vie. « Les malheurs m’ont ouvert l’esprit… enlève tous mes péchés » (25, 17-18)7. Tout malade vit encore cette expérience du psalmiste. La maladie s’abat sur lui comme une fatalité. La souffrance qui l’accompagne le fragilise dans son rapport à lui-même, aux autres, à Dieu. Claude Ortemann8 montre bien comment le malade est affronté à cette triple épreuve.

La maladie agresse et sape l’unité subjective de la personne, provocant une division en soi-même. Elle obéit à une loi obscure qui échappe à tout contrôle : un mal survient, impossible à contrôler et dont l’origine nous échappe. Au fil des examens médicaux qu’il subit, le malade est alors tenté de percevoir son corps comme un obstacle, « objet » disséqué au même titre que les objets extérieurs. Cette rupture intérieure engendre aussi une crise de communication avec l’entourage. Malgré toute la compassion offerte, le malade est seul dans l’affrontement de sa souffrance. Il entre dans un rapport de dépendance de plus en plus grande, souffrant d’être à la charge des autres et de se sentir inutile. Il fait ainsi l’expérience de sa propre finitude. Comme telle, la maladie laisse toujours pressentir, d’une manière ou d’une autre, la réalité comme un « destin » sur lequel on n’a pas prise, et finalement la réalité de la mort. Confronté alors à sa propre mort, le malade peut vivre dramatiquement une alternance d’espoirs et d’angoisses, au gré des rémissions de la maladie et de ses aggravations, dans un ébranlement qui obscurcit la relation à Dieu9.

2 Grâce de réconfort

Jean-Philippe Revel définit l’effet premier du sacrement en termes de « grâce de réconfort »10. Ce réconfort donne de surmonter la triple épreuve que nous venons d’évoquer. En effet, le malade a besoin d’être aidé à se réconcilier avec son corps ressenti comme un objet qui aliène. D’où l’importance de l’onction appliquée sur son corps11. Dieu ne sauve pas l’homme de sa vulnérabilité, mais bien dans sa vulnérabilité. La force de l’Esprit donne courage et inventivité de sorte que les puissances intactes en soi-même grandissent là où le corps défaille. Elle encourage les victoires quotidiennes avec un corps qui souffre et affermit l’unité intérieure en renouvelant l’Alliance avec Dieu. Le malade peut dès lors découvrir en lui des possibilités d’adaptation inespérées, en portant attention aux valeurs qui lui donnent un plus d’être.

Ainsi en est-il de la relation du malade avec son entourage. La grâce de l’Esprit contre le repli sur soi, ou encore l’utilisation intéressée d’autrui. Le fait d’être à la charge de l’autre peut conduire à approfondir ses relations interpersonnelles avec lui. Le malade redécouvre alors la place unique qui est la sienne parmi ceux qui l’entourent de leur sollicitude. Il peut éventuellement aussi entrer dans une forme de réciprocité en s’acquittant des activités dont il demeure capable, trouvant de nouveaux modes d’entraide avec son entourage familial, professionnel, ou ecclésial. L’Église a aussi besoin des malades. C’est pourquoi elle leur confie la mission de prier à ses intentions. De multiples manières et avec beaucoup de patience et bienveillance, la communication se rétablit avec l’entourage dans une plus grande authenticité.

Enfin, le sacrement des malades permet au malade de se ressaisir et d’accueillir sa finitude, non comme une fatalité aveugle, mais comme une ouverture à Dieu. La mort n’apparaît plus dès lors comme un accident de parcours qui conduit au néant. Elle fait partie de la réalité humaine et ouvre sur l’éternité. L’onction des malades, dans la liberté de l’Esprit, met face au Christ guérisseur et ressuscité. « À nous, l’acte de mourir apparaît négatif, absurde, inconcevable. […] Mais Jésus, lui, fait de l’acte même de mourir le lieu et le champ privilégié de la liberté de l’homme, de sa sainteté et de son amour. Comme s’il était au pouvoir de l’homme de transgresser cette limite de sa vie ; comme s’il pouvait s’emparer de cette marche infranchissable pour en faire le cœur de la liberté, le lieu où se déploie la liberté, et donc l’amour, et donc la vie. Ainsi, Jésus offre à l’homme ce pouvoir inconcevable d’offrir sa vie et, dans sa perte, de la trouver »12. Apparemment, l’homme subit la mort comme un déchirement intérieur qui lui est imposé. L’Esprit Saint transforme cette heure de rupture en heure de communion et de vie. Il donne de récapituler toute son existence dans la mort entrevue et d’en faire un acte de charité. En cette heure ultime se vit une réalité qui dépasse infiniment ce que l’homme peut saisir. La fin de la vie est le moment par excellence où chacun rassemble en une gerbe son existence et lui donne sens. À ce moment critique de la vie du chrétien, l’onction des malades met de façon décisive face au Christ dans son mystère : « la guérison première et fondamentale advient dans la rencontre avec le Christ qui nous réconcilie avec Dieu et guérit notre cœur brisé »13. L’onction est le sacrement de la tendresse de Dieu qui rejoint chacun dans l’obscurité de la maladie. Le sacrement des malades est l’expression éminente de la corporéité de la foi qui embrasse l’homme entier.

Les multiples possibilités de célébration du sacrement que propose le rituel manifeste dans sa prodigalité la tendresse de Dieu telle qu’elle s’adapte aux besoins de chacun. Le sacrement concerne le fidèle parvenu à l’âge de raison qui « commence à se trouver en danger pour cause de maladie ou de vieillesse. » (Can. 1004 §1). Il s’adresse aussi aux personnes âgées dont les forces déclinent sans qu’une maladie spécifique ait été détectée. Il pourra être réitéré au cours de la maladie devant des complications nouvelles. À celui qui ne dispose pas de sa conscience, le prêtre pourra le donner s’il a des raisons suffisantes de penser que celui-ci l’aurait demandé, en s’appuyant notamment sur sa vie sacramentelle passée. Le salut de l’homme passe par sa chair, au-delà de ce que sa conscience peut comprendre. En cas de doute, le sacrement sera administré14.

3 Un sacrement qui configure à la passion du Christ

La complétude du sacrement des malades provient de l’unité profonde qu’il procure par l’union à la passion du Christ. En s’associant librement à la passion et à la mort du Christ, les malades apportent leur part pour le bien du peuple de Dieu. Le Bon Samaritain est le Verbe fait chair et mis en croix qui donne à l’homme d’advenir au cœur de la souffrance à la véritable identité de son être.

Celui qui reçoit l’onction des malades accueille tout d’abord le Christ qui vient en sa Passion au-devant de sa souffrance et s’identifie à lui dans sa maladie15. Le Verbe fait chair a tout assumé en l’homme, y compris la maladie, la souffrance et la mort. Il est l’homme auquel le malade est appelé à se configurer, lui dont l’amour se manifeste sacramentellement en sa tendresse dans l’onction des malades. En lui, « la souffrance, bien qu’elle demeure en elle-même un mal et une épreuve, peut toujours devenir une source de bien »16. Si elle peut être atténuée ou surmontée grâce à la médecine, elle n’en demeure pas moins habitée par une grâce d’union au Christ rédempteur. Cette union avec lui vient ici de l’intérieur de la souffrance ressentie : « Le Christ, de par sa propre passion salvifique, se trouve au plus profond de toute souffrance humaine et peut agir de l’intérieur par la puissance de son Esprit de vérité, de son Esprit consolateur »17, écrivait Jean-Paul II dans sa lettre Salvifici doloris. Les souffrances de la maladie sont alors transfigurées dans le Christ en ce sens qu’elles ne sont plus désormais uniquement celles du malade, mais bien celles du Sauveur lui-même. « La solitude du malade s’emplit de la présence du Christ […] une force s’implante en sa faiblesse, une vie monte en lui et l’envahit, non plus la sienne mais celle de Dieu »18.

La souffrance est certes un scandale aux yeux des hommes. « La souffrance charnelle est injuste, elle ne répond pas à une logique, elle frappe au hasard, elle ne correspond ni à des fautes à expier ni à des relations à construire. Il n’y a pas à lui inventer un sens. Et pourtant, l’homme qui souffre en sa chair, dont la chair est souffrante, peut découvrir comment en faire la matière d’une espérance redoublée : espérance que tous les hommes, un jour, accueillent le pardon et entrent dans la communion que Dieu leur ouvre. »19 Le Christ ne cherche pas à l’expliquer rationnellement, mais il y rejoint celui qui souffre. Jésus-Christ vient auprès du malade en lui présentant son propre joug d’amour, le rendant solidaire de tous ceux qui souffrent20. « Le sacrement de l’Onction des malades nous communique cette expérience vitale du Christ, pour faire de la maladie un moyen de coopérer à l’œuvre d’amour du Sauveur » écrivait le cardinal Lustiger21. L’homme se trouve associé à la passion rédemptrice du Christ par la puissance de l’Esprit de vérité, qui est à la fois le Consolateur des cœurs et des corps. Réceptif à l’action de Dieu, il entre dans ce don de lui-même, fruit du mystère pascal par lequel le Christ le conduit à maturité.

Certes, rien ne manque à l’unique sacrifice parfait du Christ en croix, mais c’est sa volonté de nous associer gratuitement à son œuvre de rédemption pour sa gloire et le salut du monde. « Maintenant je me réjouis de mes souffrances pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux afflictions du Christ, en faveur de son Corps qui est l’Église » écrivait Paul (Col 1, 24). Ce texte est la référence incontournable pour comprendre en vérité le sacrement de l’onction des malades (cf. LG 11). En offrant sa souffrance, le malade s’unit au Christ dans le don que celui-ci fait de lui-même et qui revient en grâce sur l’Église qui est son Corps.

« Chaque fois que vous le pouvez, écrivait le cardinal Lustiger, dites bien à celui ou celle qui reçoit ce sacrement de l’Onction des malades : “Vous êtes unis au Christ qui souffre avec vous, qui s’offre pour vous, vous aime et veut vous aider. Pour votre joie, il se fait proche de vous et vous prend par la main afin qu’à votre tour, en offrant votre souffrance, en ouvrant votre espérance, en exorcisant votre peur, en acceptant d’être uni à sa Passion, vous travailliez au salut de tous, ceux que vous aimez et ceux que vous ne connaissez pas” […] Souvenez-vous que vous êtes utiles à tous vos frères, nécessaires à la mission de l’Église. Aux yeux des hommes, vous êtes presque en marge ; dans l’Église et pour le Christ, vous êtes au centre, au cœur du mystère de la vie divine »22. L’archevêque de Paris met ainsi celui qui peut se croire délaissé au centre de la vie de l’Église et lui confie la mission d’offrir sa vie avec le Christ pour tous les autres. Les malades sont en fait les réserves secrètes de l’Église, car leur communion à la passion du Christ les place au cœur du mystère de l’Église. Dans le mystère de la communion des saints, il s’agit ici d’une authentique grâce de co-rédemption : « Leur souffrance, identifiée à celle du Christ, a valeur pour le salut de ceux qui, dans une détresse plus grande encore, ont besoin d’un surcroît d’amour pour être sauvés »23. Ce faisant, ils entrent dans un mystère de compassion analogue à celui de la Vierge Marie debout au pied de la croix.

De manière mystérieuse le sacrement de l’onction permet ainsi au malade de percevoir ce que la Passion a de bienheureux et d’en accueillir déjà la joie. Le malade rejoint le Christ au Mont-des-Oliviers, lieu de l’acceptation de la volonté du Père, mais aussi lieu de sa remontée vers le Père. Ce double mystère du Montdes-Oliviers est « toujours actif dans l’huile sacramentelle de l’Église »24. Ainsi dans sa « chair peut s’éprouver, dès aujourd’hui, dès ici-bas, la joie du salut. Car dans la chair, la complexité humaine trouve par avance le gage de son unité et même de sa résurrection »25.

III Mise en perspective et questions

1 La consécration de l’état de maladie

Par la grâce de ce sacrement, le malade « est d’une certaine façon consacré pour porter du fruit par la configuration à la passion rédemptrice du Sauveur » (CEC 1521). À ce propos, le Catéchisme parle non seulement d’une grâce de conformation au Christ dans sa passion, mais aussi, en lien avec la situation dans laquelle met la maladie, d’une grâce de consécration26. Cette idée de consécration permet de mieux comprendre la non-réitérabilité relative du sacrement. Celui-ci n’est donné en effet qu’une fois dans le cadre d’une maladie, sauf aggravation notable de cette maladie qui créerait une situation nouvelle27. Nous sommes placés ici devant un élément essentiel du sacrement, et qui a rapport au corps. La durée de l’effet du sacrement se mesure à la maladie et à son étalement dans le temps. Certes, l’onction ne confère pas un caractère à la manière du Baptême, de la Confirmation et du sacrement l’Ordre, qui marque à tout jamais l’être de celui qui les reçoit dans sa relation à l’Église. C’est pourquoi ces sacrements sont non-réitérables. Mais il y a aussi dans l’ordre sacramentel un autre type de durée que celle que nous venons d’évoquer et qui est de l’ordre surnaturel. Cette durée relève de l’ordre naturel. C’est le cas du mariage et de son indissolubilité d’une part, celui de la maladie et de sa durée dans le temps, de l’autre. La consécration que produit l’onction des malades va de pair avec ce type de durée, d’où son caractère non-réitérable dans le cadre d’une même maladie. L’onction des malades prend ainsi en compte les données de l’ordre naturel qui appartiennent à l’histoire de chacun.

En effet, « l’état de maladie, en raison de sa proximité avec les souffrances et la croix du Christ, est susceptible d’être consacré, c’est-à-dire de recevoir une signification et une valeur surnaturelle, de devenir source de grâce. Il y a une configuration objective au Christ du malade en tant que tel »28. Parmi les réalités humaines, seuls la souffrance et l’amour humain dans le mariage sont susceptibles de cette surélévation de l’ordre naturel à l’ordre surnaturel29. En lien avec la durée qui est propre à l’état du malade et le caractère non-réitérable du sacrement dans le temps d’une seule et même maladie, Jean-Philippe Revel ose parler ici du « quasi caractère »30 conféré par l’onction, réalité d’ordre spirituel qui caractérise un état objectif tout en étant distincte de la grâce du sacrement. L’onction, et sa consécration objective de l’état de maladie, met tellement en lumière le sacerdoce commun des fidèles qu’il est possible de parler de celui-ci en lien avec le sacrement des malades. Oint de l’Esprit, le malade représente, dans l’état où le met la maladie, le Christ et rend sa Pâque présente dans le monde par l’offrande de ses souffrances et l’efficacité de son intercession. Cet envoi en mission dans l’Esprit rapproche aussi ce sacrement de cette autre onction qu’est le sacrement de la confirmation.

2 La grâce d’une « confirmation » dans l’état de maladie ?

Les sacrements de l’Église sont reliés entre eux, tout comme les mystères de la vie du Christ le sont entre eux. Ainsi, l’éclat de l’onction des malades brille d’autant plus lorsque celle-ci est mise en relation avec les autres sacrements. Les deux sacrements de guérison que sont, selon le Catéchisme, les sacrements de réconciliation par rapport au péché et des malades par rapport à la maladie confortent les sacrements de l’initiation chrétienne dans des circonstances particulières. Ainsi, « la trilogie du baptême, de la confirmation et de l’eucharistie devient celle de la réconciliation, nouveau baptême, de l’onction, nouvelle confirmation, et de l’eucharistie, viatique de la vie éternelle »31. Peut-on dès lors considérer l’onction du sacrement des malades comme le renouvellement dans l’état de maladie de l’onction de la confirmation ? Il y a déjà un premier point de contact entre les deux sacrements. En effet, dans l’un et l’autre cas, il s’agit d’une « onction » faite à partir d’une huile bénite par l’évêque. Certes, ce rapport à l’évêque est davantage souligné dans la confirmation dont lui-même est le ministre originaire (LG 26). Mais par l’onction, le malade se trouve confirmé dans son union au Christ au sein de la maladie, en recevant une force spéciale. En outre, l’un et l’autre sacrements accordent une grâce d’unification de toute la personne, corps, âme et esprit, au service du Christ et de l’Église. Tous deux font de ceux qui les reçoivent de réels témoins du Christ et, pour ce qui concerne le sacrement de l’onction, un témoin dans la maladie.

L’onction des malades est donc une nouvelle Pentecôte pour celui qui la reçoit. L’Esprit Saint fait disparaître ce sentiment d’inutilité que le malade peut ressentir. Son onction le confirme dans la conviction que la vérité de sa vie est un mystère plus grand que ce qu’en disent sa fragilité et son vieillissement. Intimement uni au Christ, celui-ci se découvre situé au cœur de l’Église qui se confie à son intercession dans l’offrande qu’il fait de sa vie. Tout comme le sacrement de confirmation, l’onction des malades a des capacités oblatives32. Elle permet au malade de rendre à Dieu un culte spirituel dans l’offrande de sa « personne en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu » (Rm 12,1).

3 L’onction et le viatique

Multiples sont les raisons qui font que beaucoup de fidèles malades ne reçoivent pas le sacrement de l’onction. Celui-ci n’est pas nécessaire au salut au même titre que le baptême. S’il y a nécessité, elle est nécessité « de précepte », comme le dit la théologie. Ainsi en est-il du sacrement qu’est l’eucharistie donnée en viatique où le chrétien s’unit à la mort du Christ dans l’acceptation de sa mort prochaine. Le Rituel français, à ce propos, a des paroles très fortes : « Tous les baptisés qui peuvent recevoir la communion sont tenus par précepte de recevoir le viatique » (n. 145).

« L’Eucharistie, surtout en tant que viatique, est — selon la définition de saint Ignace d’Antioche — ‘remède d’immortalité, antidote contre la mort’, sacrement du passage de la mort à la vie, de ce monde au Père qui nous attend tous dans la Jérusalem céleste. »33 Le viatique est une grâce de réconfort dans l’acceptation de la mort qui vient. Le viatique invite celui qui va mourir à accepter sa mort en s’unissant au Christ dans son passage au Père à travers la mort. Cette démarche a tout son poids de gravité humaine. Elle est évidemment facilitée par le sacrement des malades. Elle ne demande pas moins une certaine maturité spirituelle dans la conscience de la proximité de la mort. En pratique, il est recommandé à celui qui reçoit l’eucharistie en viatique de « donner une signification particulière à l’une des communions, pas nécessairement la dernière » (Rituel 145).

4 Quel ministre pour le sacrement des malades ?

En 1979, Philippe Rouillard profitait du renouveau du diaconat pour poser la question du ministre du sacrement des malades. « Il semblerait logique et légitime, écrivait-il, que les diacres se voient confier par l’Église le ministère sacramentel de l’Esprit auprès des hommes dont la souffrance appelle à grands cris la présence et la force de l’Esprit de Dieu. »34 La question se pose toujours de nos jours dans les aumôneries d’hôpitaux constituées de plus en plus de laïcs mandatés par l’Église.

Pourquoi un laïc ne pourrait-il faire lui-même l’onction d’huile bénite par l’évêque au malade alors qu’il peut lui apporter la communion35 ? Il y a certes une certaine analogie entre ces deux sacrements, d’une part l’hostie consacrée, de l’autre l’huile bénite par l’évêque. De fait, comme le laisse entendre le texte d’Innocent Ier que nous avons déjà évoqué, il semble que c’était pratique courante aux premiers siècles de confier aux laïcs le soin de conférer l’onction, tout comme d’aller porter le Saint-Sacrement. Mais la question renvoie à la théologie du sacrement telle qu’elle s’est développée surtout à partir de l’époque carolingienne. L’Eucharistie a ceci de particulier qu’elle contient le corps du Christ avant qu’on la reçoive. Il n’en va pas de même de l’huile bénite par l’évêque, même si elle a en elle-même une vertu sanctifiante. Tout comme les autres sacrements, elle ne produit son effet de sanctification que dans l’acte où elle est appliquée au malade. Autre est donc le cas de celui qui porte la communion au malade, autre est celui du ministre du sacrement des malades. En outre, ce sacrement garde un lien avec le sacrement de réconciliation qui relève du ministère sacerdotal36.

Il est certes regrettable que de nombreux malades n’aient pas accès au sacrement en raison du manque de prêtres. Mais le sacrement est à ce point situé dans l’Église en lien avec le sacrement de réconciliation qu’il est légitime que seul le prêtre en soit le ministre. Telle est la position de l’Église37. C’est à ce prix que la délicate tendresse de Dieu pour les malades est manifestée en ses mystérieuses dimensions. Les laïcs en mission dans les hôpitaux ont la fonction irremplaçable d’accompagner les malades, et de leur manifester la proximité et la tendresse de Dieu par leur qualité d’écoute, leurs paroles de réconfort et des gestes appropriés. Bien souvent, ils reçoivent des confidences qui sont pour le malade d’authentiques confessions de vie, de péchés encore en mémoire, de souffrances difficiles à assumer. Il leur revient alors de transmettre la paix et le réconfort de Dieu à ceux qui leur font confiance. Ce faisant, il leur revient aussi de susciter en eux le désir du sacrement et de les y préparer38. Ils peuvent être ministres extraordinaires de l’eucharistie donnée en viatique, et là où le malade, à l’approche de la mort, se trouve dans l’impossibilité de recourir au sacrement de pénitence, permettre l’accueil du pardon de Dieu39.

5 Le sacrement des malades et le charisme de guérison

Le Renouveau a remis en valeur ces dernières années le charisme de guérison. Qu’en est-il de ce charisme par rapport au sacrement des malades ? Marc 16,17-18 de même que Galates 3,5 ne limitent pas les guérisons miraculeuses aux seuls apôtres ou encore aux seuls évangélisateurs des premiers temps. Le Catéchisme de l’Église Catholique reconnaît que « l’Esprit Saint donne à certains un charisme spécial de guérison pour manifester la force de la grâce du Ressuscité » (CEC 1508). Ce charisme interfère avec les lois de la nature et produit une guérison, physique ou psychique. Mais la mission de l’Église ne s’identifie pas avec cette simple obtention de la santé physique ou mentale.

C’est ici que prend tout son sens, précisément comme sacrement de guérison, l’onction des malades. Comme tout sacrement, cette onction procure une grâce. Cette grâce, comme nous l’avons vu, est une grâce de réconfort face à la triple épreuve que constitue dans la maladie le risque de rupture de l’unité subjective du sujet, de sa relation à autrui et avec Dieu. Or la grâce du sacrement rejoint précisément dans l’épreuve le malade à la jointure de son être et lui donne la force pour surmonter celle-ci en union avec le Christ. Comme telle cette grâce n’exclut pas la guérison physique. Elle y coopère même, si telle est la volonté de Dieu. « D’un côté, on est dans l’ordre du miracle dont nous bénéficions, de l’autre, dans l’ordre du mystère auquel nous sommes invités à participer. D’un côté, une action éventuellement spectaculaire mais qui ne produit pas nécessairement la sanctification intérieure de celui qui pose cette action, de l’autre, une imprégnation profonde, invisible, progressive par la présente sanctifiante de Dieu »40. Le charisme de guérison vise d’emblée la santé du corps, attestant ainsi dans l’esprit la puissance du Ressuscité. Le sacrement des malades, quant à lui, donne une grâce qui vise la guérison de tout l’être et, pour autant que cela lui est utile, celle du corps (Concile de Florence Dz 1325).

Conclusion

Au regard des mutations de son histoire, l’onction des malades peut sembler difficile à définir. Or la beauté du sacrement brille de tous ses éclats lorsque celui-ci est mis en relation, non seulement avec le sacrement du pardon, mais encore avec celui de la confirmation.

Les effets du sacrement trouvent leur unité dans le mystère de la passion et celui de la résurrection du Seigneur. Il configure au Christ pascal, seul capable de répondre aux besoins véritables du malade. En effet, seul le Christ ressuscité qui a porté chacune de nos souffrances nous en délivre. Par l’onction, il rejoint les attentes les plus profondes de notre être et nous consacre au sein même de la maladie dans une mission pour le bien de l’Église et le salut du monde. La grâce du sacrement est à la fois personnelle et communionnelle. Elle introduit dans la communion des saints.

Les blessures que cause la maladie touchent aux sources de la vie. La guérison qu’opère alors le Christ rejoint chacun à ce niveau de profondeur où à la fois le corps, l’âme et l’esprit réclament un « plus être », tandis que les forces diminuent. Le sacrement ne se substitue pas aux soins médicaux ; il est une marque de tendresse de Dieu dans l’épreuve à affronter et à surmonter. L’Église a toujours besoin de revenir à ce centre qu’est le Christ pascal, et d’une manière singulière, ses membres malades la ramènent à ce centre.

Notes de bas de page

  • 1 La situation en Orient est différente. J.-P. Revel, Traité des sacrements, tome VI, L’onction des malades, Paris, Cerf, 2009, p. 140 : « La bénédiction de l’huile des infirmes est accomplie habituellement non par l’évêque mais par le prêtre lui-même et cela au cours de la célébration de l’onction elle-même […] C’est certainement cette pratique des Orientaux qui a conduit le pape Paul VI à permettre au prêtre, en cas de nécessité, de bénir l’huile au cours de la célébration de l’onction en contradiction avec la pratique constante de l’Occident depuis les origines ».

  • 2 Hippolyte de Rome, La Tradition apostolique (trad. B. Botte), coll. Sources Chrétiennes 11, Paris, Cerf, 19682, p. 55 : « De même qu’en sanctifiant cette huile tu donnes, ô Dieu, la sainteté à ceux qui en sont oints et qui la reçoivent, cette huile dont tu as oint les rois, les prêtres et les prophètes, qu’ainsi elle procure le réconfort à ceux qui en goûtent, et la santé à ceux qui en font usage ».

  • 3 Ce n’est qu’à partir du viie siècle que, dans la liturgie romaine, cette bénédiction prend place dans le cadre solennel de la messe chrismale du matin du Jeudi saint.

  • 4 Cf. Cl. Ortemann, Le sacrement des malades, Histoire et signification, Lyon, éd. du Châlet, 1971, p. 22.

  • 5 Eucologe, n. 17, éd. F.-X. Funk, t. II, p. 178-181.

  • 6 J.-M. Lustiger, Le sacrement de l’onction des malades, Paris, Cerf, 1990, p. 20.

  • 7 A. Wénin, « Vulnérabilité et mal dans les psaumes », dans La Maison Dieu 217 (1999), p. 44-45. Sur le même thème, également P. Beauchamp, Psaumes nuit et jour, Paris, Seuil, 1980, p. 62-63 : « Les déclarations plus ou moins tendues et véhémentes de la conscience claire, en nous et autour de nous, diront qu’il n’y a aucune espèce de rapport entre le mal physique et le péché. Mais personne ne peut changer les profondeurs de son être inconscient à force de déclarations logiques. Le mal physique et le mal moral, de toute manière, ont en commun qu’ils sont un mal ».

  • 8 Cl. Ortemann, Le sacrement des malades … (cité supra n. 4), p. 95-123.

  • 9 B. Sesboüé, Invitation à croire II, Des sacrements crédibles et désirables, Paris, Cerf, 2009, p. 241 : « Sa foi est passée au crible et il peut être soumis à la tentation. Il peut se révolter contre cet anéantissement de lui-même et se demander pourquoi Dieu est absent. Il a besoin de force pour lutter contre cette tentation, alors que sa liberté profonde, celle où s’engage l’orientation définitive de son être, est menacée d’asthénie spirituelle ».

  • 10 J.-Ph. Revel, Traité … (cité supra n. 1), p. 174 et suivantes.

  • 11 Cf. E. Grieu, « De quelques enjeux actuels pour la pastorale sacramentelle », dans RSR 97/4 (2009), p. 552 : « Le don de Dieu associe le corps au mystère ; dès lors, l’opacité de la chair peut prendre un tout autre sens : non pas fermeture à Dieu, ni même avant tout finitude, mais promesse de ce qu’en elle la grâce est à l’ œuvre pour éclairer ses chemins d’accomplissement. »

  • 12 J.-M. Lustiger, « Si le grain de blé ne meurt … », dans Communio V,3 (1980), p. 61.

  • 13 Benoît XVI, Homélie de la messe chrismale du jeudi 21 avril 2011.

  • 14 « S’il y a doute que le malade soit parvenu à l’usage de la raison, ou que sa maladie soit dangereuse, ou qu’il soit décédé, le sacrement sera administré. » (Can. 1005)

  • 15 Cf. Jean-Paul II, Salvifici doloris 31 : « Sur la Croix se tient le ‘Rédempteur de l’homme’, l’Homme de douleur qui a assumé en lui les souffrances physiques et morales des hommes de tous les temps, afin qu’ils puissent trouver dans l’amour le sens salvifique de leurs souffrances et des réponses fondées à toutes leurs interrogations ».

  • 16 Jean-Paul II, Evangelium vitae 67.

  • 17 Jean-Paul II, Salvifici doloris 26.

  • 18 S. Fouché, Souffrance et école de vie, Paris, Spes, 1959, p. 55-56.

  • 19 Cf. É. de Moulins-Beaufort, « Faire mémoire de la ‘Passion bienheureuse’ », dans Revue Théologique des Bernardins 1 (2011), p. 54

  • 20 Sur ce chemin de sanctification, le fidèle malade a un frère et un intercesseur en la personne du pape Jean-Paul II qui, dans les dernières années de sa vie, donna un signe prodigieux de force dans la faiblesse au point que Benoît XVI y a vu une grâce de son pontificat : « Les souffrances de Jean-Paul II et sa mort, écrit-il, ont touché toute l’Église, voire toute l’humanité » : cf. Benoît XVI, Lumière du monde, Le pape, l’Église et les signes des temps, un entretien avec Peter Seewald, Paris, Bayard, 2011, p. 37-38.

  • 21 J.-M. Lustiger, Le sacrement … (cité supra n. 6), p. 39 qui poursuit p. 47.

  • 22 Ibid., p. 54-55.

  • 23 J.-Ph. Revel, Traité … (cité supra n. 1), p. 187.

  • 24 Benoît XVI, Homélie de la messe chrismale du jeudi 1er avril 2010.

  • 25 É. de Moulins-Beaufort, « Faire mémoire … (cité supra n. 19), p. 34.

  • 26 À ce propos, cf. J.-Ph. Revel, Traité … (cité supra n. 1), p. 178 et suivantes, dont nous nous inspirons ici largement.

  • 27 Rituel français 59 : « Ce sacrement peut être réitéré si le malade qui l’a reçu durant telle maladie vient à guérir, ou si, durant la même maladie, la situation devient de nouveau critique ».

  • 28 J.-Ph. Revel, Traité … (cité supra n. 1), p. 182.

  • 29 Le mariage est lui aussi non-réitérable, du vivant des deux conjoints.

  • 30 Cf. J.-Ph. Revel, Traité … (cité supra n. 1), p. 183.

  • 31 B. Sesboüé, Invitation … (cité supra n. 9), p. 242.

  • 32 Cf. G. de Menthière, La confirmation, sacrement du Don, coll. Cahiers de l’École cathédrale 32, Paris, CERP, 1998, p. 146 : « La confirmation ouvre le baptisé à ses capacités oblatives spirituelles ».

  • 33 Benoît XVI, Message à l’occasion de la xxe journée mondiale du malade (11 février 2012).

  • 34 Ph. Rouillard, « Le ministre du sacrement de l’onction des malades », dans NRT 101 (1979) 402, texte précédé de ces affirmations : « De ce service de l’Église auprès des hommes éprouvés dans leur corps, les diacres sont les représentants attitrés et institués. Au jour de leur ordination, l’évêque a demandé pour eux ‘qu’ils fassent preuve d’une charité sincère, prennent soin des malades et des pauvres et s’efforcent de vivre selon l’Esprit’. »

  • 35 Cf. B. Sesboüé, Invitation … (cité supra n. 9), p. 240.

  • 36 M.-J. Scheeben, Le Mystère de l’Église et de ses sacrements, Paris, Cerf, 1946, p. 120 : « C’est un complément, parfois un suppléant du sacrement de pénitence ; il supprime les restes du péché et leurs conséquences, éventuellement aussi les péchés graves. Il l’est également du sacrement de confirmation. »

  • 37 La Note du 11 février 2005 de la Congrégation pour la doctrine de la foi confirme cette position : « Le Code de Droit canonique, dans le canon 1003 §1 (cf. également canon 739 §1 du Code des Canons des Églises orientales) reprend exactement la doctrine exprimée par le concile de Trente (Session XIV, canon 4 : Dz 1719 ; cf. également le Catéchisme de l’Église catholique, n. 1516), selon laquelle seuls les prêtres (évêques et prêtres) sont les ministres du sacrement de l’onction des malades. Cette doctrine est definitive tenenda. Ni les diacres, ni les laïcs ne peuvent donc exercer ce ministère et toute action en ce sens constitue une simulation du sacrement. »

  • 38 Cf. « L’apostolat des malades, article 9 » dans Instruction sur quelques questions concernant la collaboration des fidèles laïcs au ministère des prêtres (1997).

  • 39 Cf. H. Boüessé, Le Sauveur du monde. Tome 4. L’Économie sacramentaire, Paris, 1951, p 272 : « Il est théologiquement sûr que tous les sacrements, ceux-là mêmes par conséquent qu’on appelle sacrements des vivants parce qu’ils supposent normalement le sujet déjà sanctifié, confèrent la grâce aux sujets qui les reçoivent de bonne foi, c’est-à-dire : sans avoir conscience de péché grave non remis ; ou, conscients de péchés non absous mais dans l’impossibilité de recourir à la Pénitence, se présentent avec la simple attrition. Tel serait le cas d’un moribond, qui se sentant mourir et n’ayant point de prêtre à sa disposition, s’exciterait à la parfaite contrition et demanderait qu’un laïc ami lui apporte le Viatique ».

  • 40 J.-Ph. Revel, Traité … (cité supra n. 1), p. 172.

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