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La « célébration du tournant de vie » à la cathédrale Notre-Dame de Erfurt

Recherche d’une alternative chrétienne à la consécration de la jeunesse en régime socialiste RDA1

Reinhard Hauke
Dans la ville allemande de Erfurt, au passé religieux prestigieux (Eckhart, Luther), le régime socialiste a réussi à éradiquer toute représentation chrétienne dans les trois quarts de la population. Il a effacé le sacrement de confirmation au profit d’une cérémonie politico-culturelle à grand impact et grand succès. La chute du régime (1989) frustre les familles et la jeunesse surtout, d’une célébration qu’elles attendaient. Que faire ? Quelques jeunes, non-baptisés évidemment, demandent son avis au curé de la cathédrale. Récit d’une expérience. Réflexions sur une nouvelle évangélisation.

I « Et ils ouvrirent leurs trésors »

Des jeunes de « huitième » [13-14 ans] de Erfurt s’informent au début de l’année scolaire auprès d’amis et connaissances pour savoir où réaliser de manière valable la consécration [autrefois socialiste] de la jeunesse (Jugendweihe). Comme en Allemagne orientale, la consécration de la jeunesse est une quasi « tradition populaire », cette question a été prise au sérieux. C’est à bon droit qu’on s’intéresse à cette fête, même si son sens n’est pas tout à fait clair. Pour beaucoup de jeunes, ce moment est le signe extérieur d’un départ dans la vie adulte, un pas vers une nouvelle étape de vie qui se marque à travers les vêtements. La famille prend part à l’événement avec le plus grand naturel et le plus grand sérieux. Pour tous les participants, la question est simple, même s’il me semble qu’un problème subsiste : son caractère intérieur est incertain. Au temps du socialisme, les jeunes prêtaient serment aux idéaux socialistes. Dans la promesse, on trouvait ceci :

Êtes-vous prêts, comme de vrais patriotes, à approfondir la ferme amitié avec l’Union soviétique, à renforcer le lien fraternel avec les pays socialistes, à combattre dans l’esprit de l’internationalisme prolétarien, à protéger la paix et à défendre le socialisme contre toute attaque impérialiste ?

Ce qui signifie : aimer ses amis et combattre ses ennemis — tel était le programme de la vie à venir. Le parti de la classe ouvrière détermine évidemment qui est ami et ennemi.

Or, ceux qu’on appelait autrefois amis ont commencé une révolution et se sont transformés. Le pays de l’impérialisme d’autrefois a été réunifié en 1990 au pays du socialisme. Ceux qui définissaient les amis et les ennemis, ne sont plus — du moins plus dans leur position de force d’autrefois. Quel sera donc aujourd’hui le contenu de la consécration de la jeunesse2 ?

Les associations de consécration de la jeunesse s’appuient sur l’humanisme. Elles invitent des personnalités de la vie publique à parler de la valeur de la vie adulte. Le contenu de cette cérémonie est aujourd’hui signifié principalement par l’orateur. Mais il est douteux que les jeunes aient une influence sur le choix de l’orateur. Il est dès lors improbable qu’ils puissent influer sur le contenu de la célébration.

Celui qui a des trésors à offrir trouve facilement des gens qui s’y intéressent. S’il existe une belle église dans une ville, croyants et incroyants y pénètrent volontiers. Une certaine gêne saisit bien aujourd’hui les non-croyants : comment doit-on se comporter ici ? Mais une parole sympathique au cours de la visite ou une feuille d’orientation peut donner un peu d’assurance. Les trésors de l’Église consistent aussi en objets qui veulent saisir des valeurs précieuses que seule la foi appréhende. Des vitraux, qu’aucune assurance aujourd’hui ne veut couvrir en raison de leur valeur inestimable, entourent l’autel où l’eucharistie est célébrée. Un calice qui vaut le prix d’une maison familiale, est utilisé pour recevoir le vin consacré. Qu’est-ce qui a poussé des hommes à consentir ces dépenses ?

Des jeunes gens sans foi chrétienne se sentent souvent interpellés par des valeurs chrétiennes (de type matériel ou intellectuel) et ils sont ouverts à une explication à partir de la foi. Des jeunes non-baptisés diront : « Je ne peux pas en faire autant ! » Mais ils respectent ce que d’autres considèrent comme précieux. Les valeurs chrétiennes sont appréciées par ceux qui recherchent des valeurs pour lesquelles il vaut la peine de vivre. Si l’on réussit à nouer un dialogue à propos de ce qui fait ces valeurs, alors un chemin peut commencer. Il n’est pas nécessaire d’annoncer immédiatement le credo de Nicée-Constantinople. Jésus-Christ, au début, se contente toujours de paraboles. La parabole suscite attention, confrontation et foi. La méthode du Christ pourrait aujourd’hui encore constituer une entrée en matière. Le chrétien lui-même peut souvent devenir parabole et agir de manière interpellante quand il transpose ce qu’on peut voir chez Jésus :

  • donner une nouvelle chance à celui qui est tombé au milieu des brigands ;

  • manifester ses talents non pas pour soi mais pour qu’ils soient utiles à d’autres ;

  • tout donner pour acquérir la « perle précieuse » ou le « trésor dans le champ ».

II Une « tradition populaire athée » et son alternative

En Allemagne orientale, depuis plusieurs générations, des jeunes de huitième qui n’ont aucun rapport avec l’Église ou d’autres religions, fêtent leur engagement de jeunes. Les origines de cette fête « au seuil de l’âge adulte » remontent aux communautés religieuses libres qui, depuis 1852, organisaient des consécrations de la jeunesse en remplacement de la confirmation. Sous le IIIe Reich également, de telles célébrations furent mises en place pour faire pièce aux Églises. À partir de 1954-1955, la consécration de la jeunesse devint, en DDR, un acte officiel auquel tous ceux qui voulaient soutenir le système socialiste devaient prendre part. Celui qui n’y participait pas se démarquait comme ennemi de l’État, et devait s’attendre à des représailles. C’est pourquoi les jeunes y prenaient part plus ou moins volontairement. En 1989, près de 90% des jeunes allaient à ces célébrations. Des chrétiens également, qui ne pouvaient résister aux pressions des corporations politiques, en étaient. S’ils donnaient ensuite un signe clair que cette fête ne signifiait rien pour eux, ils étaient à nouveau intégrés à la vie de la communauté [chrétienne].

Après 1989, les Églises purent venir au jour avec leurs valeurs propres. Dans les médias, l’enseignement de la religion et les publications, il devint possible de présenter ce qui est important pour les chrétiens. Des non-chrétiens également apprirent ainsi à connaître, plus qu’auparavant, ce que les chrétiens considèrent comme le sens de la vie. Dans le cadre de ces nouvelles possibilités, germa l’idée d’offrir quelque chose de semblable avec un arrière-fond chrétien, pour des jeunes non-baptisés de huitième année qui souhaitaient une célébration après le changement de régime. Environ 50% des jeunes non-baptisés acceptent aujourd’hui des offres d’engagement provenant d’associations diverses. Il est possible, pour environ 130 DM, d’en devenir membre et de profiter des nombreuses activités organisées pour la jeunesse, même si la question de l’origine, de la fin et de la raison d’être de l’homme n’y est pas posée.

L’évêque de Dresden-Meißen, Mgr Joachim Reinelt, s’exprimait ainsi dans la revue Gottesdienst sous le titre « Encore des consécrations de la jeunesse ? » :

Des milliers de jeunes, dans les nouveaux Länder, continuent à prendre part aux fêtes de consécration de la jeunesse… Les mouvements de libre pensée sentent leur heure venir. Ils rassemblent des jeunes et des parents qui ne s’intéressent qu’à la solennité, mais ne ressentent rien à l’égard d’une idéologie douteuse. Et nous, que faisons-nous ? Nous ne pouvons pas affirmer que nous serions incompétents à l’égard des non-chrétiens ; l’Église ne peut pas non plus intégrer les jeunes gens dans un processus catéchuménal… Ici, nous devrions trouver des pistes et inventer fêtes et solennités pour les jeunes sans vouloir les enfermer. Les Églises ont pas mal de moyens à cet effet.

L’évêque constate que des jeunes, soit chrétiens mais à distance de l’Église, soit non-chrétiens, acceptent, avec l’appui de leurs parents, l’invitation d’associations qui se sont créées après 1989, et qui organisent des célébrations de « consécration de la jeunesse ». Les parents des enfants aujourd’hui scolarisés en Allemagne orientale ont grandi dans les traditions d’un État socialiste. Après 1989, beaucoup de personnes, particulièrement les parents d’enfants non-baptisés inscrits dans une école confessionnelle, souhaitent pour leurs enfants un élargissement de la connaissance et de la formation globale par un apprentissage des religions et du christianisme avec ses coutumes. Pour la majorité des parents, la consécration de la jeunesse représentait le passage de l’enfance à l’adolescence. À cette occasion étaient diffusées les vues socialistes sur le sens de la vie. Ceux qui prenaient part à ces consécrations acquiescaient plus ou moins consciemment à cette idéologie. Car un élève sans attachement confessionnel n’avait aucune autre possibilité de réfléchir et de fêter ce passage décisif. Il est dès lors compréhensible que la consécration de la jeunesse soit devenue un événement dans la vie de la population de l’Allemagne orientale, événement déterminant dans les médias et les conversations de famille pendant le temps qui court entre Pâques et la Pentecôte.

En 1997, on vit les élèves non-baptisés de huitième du gymnase catholique de Erfurt fêter leur consécration de la jeunesse. À Erfurt comme dans d’autres villes des nouveaux Länder, existe la possibilité de fêter ce tournant de vie par une « consécration de la jeunesse e.V.3 », au cours d’une fête qui porte toujours ce nom, mais n’a plus, à la manière inconditionnelle d’autrefois, un caractère anti-ecclésial. Or donc, les élèves non-baptisés de l’école confessionnelle avaient, au cours de leurs quatre années scolaires, appris à connaître les valeurs chrétiennes et en avaient débattu. Il parut convenable de ne plus donner à ces jeunes une explication purement humaniste de leur passage de l’enfance à l’adolescence, mais d’y appliquer aussi la pensée chrétienne. L’invitation par le professeur catholique du cours élémentaire de l’époque et du curé de la paroisse cathédrale d’Erfurt fut acceptée avec gratitude en 1997 par quatre des huit jeunes concernés. On créa le concept de « célébration du tournant de vie » pour cette forme alternative de consécration de la jeunesse. Dès le début, il s’agissait d’un intitulé à l’essai, qui trouva partisans et critiques. Il s’est désormais imposé et est utilisé, au delà de toute mise en cause, comme concept de travail et d’identification. Ce concept s’apparente à la désignation des rituels de l’Église catholique : « célébration du baptême », « célébration de la confirmation », « célébration de l’onction des malades ». Les jeunes et les parents commencèrent en octobre 1997, avec le curé, un chemin passionnant qui déboucha sur la « célébration du tournant de vie » du 2 mai 1998.

Le 30 octobre 1997 eut lieu la première rencontre avec les intéressés à la cathédrale de Erfurt. Cinq filles et leurs parents étaient venus au rendez-vous. On échangea sur les attentes et les conceptions réciproques. Le 25 novembre parut un article dans le journal local invitant à la seconde rencontre le jour même. À cette rencontre, une journaliste du MDR (Mitteldeutscher Rundfunk) prépara un texte pour le Thüringenjournal, qui fut publié quelques jours plus tard. Ce jour-là, on présenta aux jeunes et aux parents les œuvres d’art du trésor de la cathédrale, et on évoqua leur signification religieuse, artistique et historique. Il était important à cette occasion de bien expliciter le souci des artistes de produire quelque chose de beau pour honorer Dieu, et non pas dans l’intention de se faire un grand nom. Le 18 décembre parut une nouvelle information dans le journal concernant la rencontre du lendemain, au cours de laquelle les jeunes purent visiter avec leurs parents les greniers et les tours de la cathédrale. À cette occasion, un jeune supplémentaire s’était joint au groupe.

Le 23 janvier 1998, les jeunes se rencontrèrent avec le curé pour discuter concrètement, pour la première fois, du contenu de la célébration. Ils se réunirent à la cure de la cathédrale. Une unanimité se dégagea pour considérer le chemin de vie parcouru, puis le chemin à venir, sous le thème « La responsabilité pour le semblable ». C’est pourquoi, lors de cette première soirée de préparation thématique, on passa en revue le chemin de vie parcouru jusqu’alors. Au moyen d’une ligne de vie, les jeunes désignaient des événements de leur vie et réfléchissaient à la manière de les illustrer. Le but de cette réflexion était de manifester lors de la célébration, au moyen de certains objets, le chemin parcouru. Ces objets seraient disposés lors de cette célébration sur un drap qui avait été teint dans la couleur préférée des jeunes et qui serait étendu sur le sol par les parents qui avaient donné la vie à ces jeunes.

Lors d’une soirée préparatoire ultérieure, le 18 février, les jeunes formulèrent leurs propres souhaits concernant le futur. Ils ébauchaient leurs attentes concernant leur vie professionnelle et leur formation personnelle. Le résultat de ces réflexions serait exposé à la « célébration du tournant de vie » et une bougie posée sur le drap, devait symboliser l’espérance concernant le futur.

Le 4 mars 1998 eut lieu la troisième rencontre pour donner forme à la célébration. Entre temps, le nombre des intéressés s’était élevé à huit. On réfléchit aux problèmes de la société et du monde pour ensuite formuler des souhaits concernant le changement qu’imposaient ces problèmes. Dans ce contexte, fut émis le désir de démarrer avec le groupe une action d’aide concrète. Un des samedis suivants, les jeunes offrirent au presbytère à quinze personnes sans domicile fixe, un repas de midi qu’ils avaient pris eux-mêmes en charge. Cette action pour les sans-abri provoqua aussi cette conclusion de la part des jeunes : un curé a une habitation comme tout autre « camarade », sauf que chez lui il y a beaucoup de livres qui traitent de Dieu et de l’Église. On décida aussi à cette réunion préparatoire de mars de chanter ensemble. Le choix tomba sur le chant : « Wo Menschen sich vergessen » (Là où les hommes s’oublient). On y parle de l’amour du prochain qui permet de faire l’expérience du lien entre le ciel et la terre.

Quatre jeunes gens de plus s’étaient inscrits après une conférence donnée dans une librairie le 11 mars. Le 23 mars, ils furent préparés à la célébration par un travail de base. À la rencontre du 1er avril, tous les textes furent harmonisés. La répétition générale eut lieu le 29 avril avec les parents, puisque ceux-ci aussi étaient impliqués dans la célébration.

Après mûre délibération des jeunes avec le curé, on fixa au 2 mai 1998 à 14 heures, la date de cette « première célébration du tournant de vie ». Les jeunes avaient invité leurs parents et amis à cette alternative chrétienne de consécration de la jeunesse. L’atmosphère, à la veille de la célébration, était tendue : cela réussira-t-il ? Comment réagiront à ce projet parents, familiers, mais aussi les croyants de la communauté ? Telles étaient les questions des jeunes et du curé. À la répétition générale, on distribua les places et les tâches. Il y avait une ambiance joyeuse qui indiquait que tout marchait bien. La télévision et la radio s’étaient annoncées. On tourna aussi un document télévisé chez les jeunes à leur domicile. Ils subirent tout cela avec patience. Bien des éclaircissements sur leur opinion personnelle se dégagèrent à l’occasion des questions des journalistes. « Pourquoi fais-tu ça avec le curé ? » Et le jeune de répondre : « C’est intéressant d’expérimenter quelque chose venant de l’Église et du christianisme, même si l’on n’appartient pas à l’Église ». Une jeune fille expliqua : « Nous ne voulions pas d’une grosse affaire de masse, mais d’une célébration préparée et réalisée par nous. Le curé nous y a aidés. Il ne nous a pas forcés en disant : “Mais venez donc maintenant à l’église !” Ce n’était pas du tout contraignant ! »

Quelques jours auparavant, la qualité religieuse de ce nouveau projet fut discutée avec des agents pastoraux : « Est-ce que c’est, oui ou non, un service religieux ? Sinon, qu’est-ce que c’est ? » On trancha comme suit : puisque les jeunes ne veulent pas et ne sont pas à même de rendre hommage à Dieu, ce n’est pas un service religieux. C’est une célébration dans l’espace de l’église, au cours de laquelle un curé demande à Dieu sa bénédiction pour les jeunes.

Cette décision eut pour conséquence qu’au début de la célébration, on ne fit pas sonner les cloches comme c’est l’habitude pour les services religieux. Personne n’en prit ombrage. En revanche, l’Esprit de Dieu était perceptible, lui qui avait travaillé avec assurance dans le cœur de ces jeunes gens et de leurs invités et leur avait permis cette franchise à l’égard de l’Église et de la religion.

L’entrée des jeunes et du curé ouvrit la célébration. Au niveau inférieur de l’espace central où se trouve l’autel, c’est-à-dire « au seuil du Saint des Saints », se trouvaient à gauche et à droite deux grands chandeliers et un ambon. La cathédrale était bien remplie avec environ deux cents invités. Après un morceau d’orgue, le curé salua les personnes présentes en leur désignant précisément l’église comme un « lieu de tournant de vie », quand des enfants deviennent chrétiens par le baptême, quand des fiancés s’échangent leur oui, quand de jeunes hommes sont ordonnés prêtres ou lorsque, lors d’un Requiem, on célèbre le passage de la vie à la mort, et de la mort à la vie. Ensuite les jeunes se présentèrent et firent part de certains événements marquants de leur existence. Puis les parents étendirent un drap de soie — symbole du chemin de vie —, sur lequel furent placés des objets qui marquèrent jusqu’ici la vie des jeunes. Ensuite, deux jeunes de la paroisse cathédrale jouèrent à l’orgue et au violon un morceau de musique moderne méditative. Enfin, les jeunes évoquèrent leurs rêves pour le futur, en mentionnant un choix professionnel et leur souhait de trouver un partenaire. Là-dessus, ils allumèrent une bougie. Leurs souhaits personnels pour le futur se formulaient ainsi : « Je souhaite que mes amis soient fidèles, sûrs et prêts à m’aider ». Ou bien : « Je souhaite avoir toujours quelqu’un qui puisse m’écouter ». Après un autre morceau d’orgue, une jeune fille apporta le texte d’Antoine de Saint-Exupéry, extrait du Petit Prince, où il est question de l’amitié entre le renard et le Petit Prince. « Tu es responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé » — tel était le message du texte. Dans l’allocution du curé furent évoqués différents exemples d’amitié et de responsabilité mutuelles. L’amitié entre Jonathan et David illustra une relation où l’inclination des cœurs est plus importante que l’obéissance au père. L’amitié entre Jésus et ses apôtres servit d’exemple pour une communauté basée sur une parole, l’Évangile, remplie de bonté et d’espérance. Le Père Maximilien Kolbe offrant sa vie pour un prisonnier qui craignait de la perdre, montrait l’exemple d’une amitié appuyée sur la parole de Jésus : « Personne n’a de plus grand amour que celui qui donne sa vie pour ses amis ». Finalement, on rappela l’amitié entre le renard et le Petit Prince, qui grandit dans une lente familiarisation. On put aussi mentionner l’engagement des jeunes pour les sans-abri, qui avait eu lieu au presbytère le 18 avril. L’allocution se terminait par un encouragement adressé aux jeunes à partager, afin qu’ils s’enrichissent d’amis et d’amitié.

Après ce mot, les jeunes, parents et invités, chantèrent le chant « Wo Menschen sich vergessen », célébrant le désintéressement de personnes qui finissent par faire l’expérience que « ciel et terre se touchent ». Les jeunes furent alors invités à formuler leur souhait pour le monde dans lequel ils vivront. Ces vœux contenaient aussi le propos de s’investir pour les réaliser. Voici quelques-uns d’entre eux : en finir avec la guerre et la violence contre les enfants, avec l’exploitation de la forêt équatoriale, avec la haine entre races et religions, avec la maltraitance des animaux. Ensuite les jeunes, parents et invités furent conviés par le curé à recevoir la bénédiction. Le prêtre en fit le commentaire suivant : « Pour conclure cette célébration, j’aimerais, comme curé de cette paroisse, prier Dieu de bénir les jeunes, leurs parents et connaissances. Bénir signifie que Dieu s’intéresse à nous. Il prononce sur nous une parole de bonté et fait en sorte que des gestes s’ensuivent ».

La prière était ainsi tournée :

Dieu de bonté, des jeunes gens ont aujourd’hui parlé de leur vie et nous ont partagé leurs projets pour eux-mêmes et les autres. Ils ont montré qu’ils s’intéressent aux événements du monde et veulent engager leurs forces à son amélioration.

Des exemples d’amitié de tout genre nous ont tous encouragés à être francs les uns envers les autres. Nous nous sommes rappelés que nous ne nous appauvrissons pas par l’amour et l’amitié.

Je te prie aujourd’hui pour ces jeunes gens et tous ceux qui les ont accompagnés sur leur chemin de vie et continueront à le faire :

Fortifie-les dans le bien,

offre-leur la joie dans l’amitié avec autrui,

relève-les quand ils seront découragés

et fais-leur voir les fruits de leur peine et de leur effort.

Que le Dieu de bonté, Père, Fils et Esprit vous bénisse tous.

Amen.

Après la bénédiction, les jeunes ont replié le drap qui signifiait leur chemin de vie. C’était le symbole de l’acceptation de ce qui avait été jusque là. À la main, ils portaient le cierge, signe de l’espoir d’une nouvelle tranche de vie favorable. Au son d’une pièce d’orgue, les jeunes et le curé sont sortis de l’église.

Après la célébration, les jeunes et les parents se sont félicités mutuellement de la manière la plus cordiale. Ils proposèrent d’organiser une rencontre des parents peu après. Celle-ci eut lieu le 5 juin 1998, dans un restaurant de la périphérie. Presque tous les parents et les jeunes étaient présents. Les parents remercièrent encore une fois chaleureusement pour la célébration. Ils offrirent un album rempli de photos de l’événement et de la fête en famille. Les jeunes rédigèrent un remerciement personnel. Par le curé, ils furent informés des réactions au nouveau projet, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’espace ecclésial. Le curé était encouragé par une réaction essentiellement positive à continuer dans ce sens.

Le reportage de la célébration provoqua de diverses manières une réflexion sur les projets de jeunes de l’Église et hors de l’Église. On s’accordait à trouver particulièrement intéressant que des jeunes puissent se présenter et organiser les choses de manière aussi engagée. Les symboles utilisés du drap et de la bougie furent perçus comme une invitation à prendre en considération et à utiliser de manière plus consciente les symboles religieux, par exemple lors de l’administration des sacrements.

À la question renouvelée de savoir si c’était ou non un service religieux, les observateurs qui appartenaient à l’Église répondirent de manière variée. Bien qu’on ne visât aucunement à rendre hommage à Dieu, il était cependant hors de doute qu’un honneur lui fut rendu, du fait que des jeunes gens avaient consciemment jeté un regard sur leur vie et accueilli une prière de bénédiction. Ils étaient comme « des témoins muets du Créateur » qu’ils n’ont pas encore appris à connaître. N’était-ce donc pas, du fait même, comme un service religieux ?

III Reprise et perspectives : ce que pensent des jeunes « religieusement aphasiques » (religiös sprachlos)

Lors de cette célébration du tournant de vie 1998 à la cathédrale d’Erfurt, des jeunes qui n’ont aucune pratique religieuse, se sentirent interpellés dans l’espace de l’église à une réflexion sur leur vie passée et future. Ouvertement, à l’aide de photos et d’objets, ils firent part à l’assemblée de ce qui avait marqué leur existence jusqu’à présent. Julia et d’autres partagèrent que pour eux, un animal en peluche ou un animal vivant a été très important. Que ce soit le chat Paul ou Henri, la peluche Molly ou le scarabée Karl, ils ont ressenti sécurité et attachement à travers ces animaux réellement vivants ou vivant seulement dans leur imagination. Ceci en complément ou remplacement de l’attachement de leurs parents et amis. Jusqu’ici, un hobby exercé seul ou en groupe était également important. Écouter de la musique ou en jouer soi-même fait partie de la vie de beaucoup depuis le berceau. La musique crée son propre monde qui souvent fait sortir du monde présent, laisse deviner une transcendance et ainsi rend joyeux et libre. L’expérience du corps propre dans le sport ou lorsqu’on escalade une montagne, est significative pour celui qui grandit. Le jeune veut savoir : de quoi suis-je capable et où sont mes limites ? Que se passe-t-il lorsque je touche mes limites ? Est-ce qu’alors, la main solide de mon père ou d’un ami me saisit, ou est-ce que je reste là, abandonné ? Le désir de réassurance au delà de la faiblesse et de l’expérience des limites est perceptible à cet âge.

De ces expériences naissent les souhaits concernant la vie propre et la société tout entière dans laquelle chaque jeune aimerait trouver sa place. À côté du souhait de succès professionnel et de réussite, les jeunes portent des désirs de liberté, d’autonomie et d’amitié. Ceux qui veulent être à leurs côtés sur la route, doivent avoir de l’humour, être dignes de confiance, honnêtes, fiables et intéressants. Dans ces souhaits, le sentiment vital des jeunes apparaît : ils veulent progresser… sans en faire trop ; ils aspirent à une vie en communauté où chacun puisse être ce qu’il est. On reconnaît la tension entre le souhait d’ordre et celui de liberté.

Les vœux concernant la société dans laquelle les jeunes vivront, s’enracinent dans les nouvelles quotidiennes. Les jeunes le constatent : des gens dans le tiers-monde meurent de faim, et chez nous des produits d’alimentation sont détruits ; certains négligent les lois de la nature, et détruisent ainsi leur propre avenir, celui de leurs contemporains ou des générations à venir ; des animaux sont méprisés comme partie de la création et maltraités ; la pauvreté est à notre porte ; la discrimination raciale et religieuse existe ailleurs et ici. Les souhaits des jeunes se formulent donc comme suit : réfléchir au fait que les animaux aussi ont des sentiments, que la différence entre les personnes est à respecter ; que la création a été confiée à l’homme et qu’il doit également penser aux générations futures.

Celui qui pense que des jeunes de huitième n’ont aucune idée de la réalité du monde doit donc corriger cette opinion. Les jeunes en sont bien conscients : « Tous, nous devrions d’abord une bonne fois commencer par nous-mêmes », dit Julia. L’accusation qu’ils vivent en ignorant le monde, n’est pas vraie. Je pense que la fuite dans la musique, la fête, et même la drogue, s’explique par là : les jeunes perçoivent parfaitement les problèmes, mais sont insuffisamment introduits à leur maîtrise, et ces questions les dépassent. Nous devons laisser venir leurs questions, les aider à les exprimer, car elles contiennent les signes d’une demande d’aide. Partout où des agents pastoraux se sont mis aux questions des jeunes, on a vu un progrès dans l’être-avec. Le niveau de confiance a grandi. Dans la pastorale des jeunes qui se préparent à la confirmation, on note également un renforcement de la communauté chaque fois que les jeunes eux-mêmes peuvent venir à la parole et être pris au sérieux.

Pour moi le résultat de cette préparation à la « célébration du tournant de vie 1998 », fut de reconnaître qu’on a donné jusqu’ici trop peu d’espace à la pensée des jeunes. Souvent manque une aide qui consisterait à proposer des concepts et significations. Beaucoup d’initiatives tout à fait religieuses sont, en germe, précisément là où l’on vise la stabilité, la sécurité et la solidité. Les mots font défaut, et la vision de l’objectif, pour exprimer ces souhaits. « Où puis-je trouver en perfection, ce que je reconnais dans ce monde à titre de fragment seulement ? » Nous, les chrétiens, avons-nous une réponse intelligible à cette question ?

IV La fête de la Jeunesse : une Confirmation light ?

Dans le cadre du projet de la « célébration du tournant de vie » de Erfurt, du côté de l’Église évangélique, la revue « Die Kirche » publia la proposition du président du consistoire Hans-Joachim Kinderlein de la province ecclésiastique de Saxe. Sous le titre « Une impulsion pour penser de nouvelles formes », Kinderlein écrit :

La confirmation et l’enseignement qui y prépare ne touchent plus qu’une très petite partie des jeunes dans notre Land, tandis que la question de leur accompagnement et d’une célébration lors du passage à l’âge adulte reste immense… L’Église est libre, ici, de faire une offre ou d’encourager celui qui s’y intéresse. Une consécration de la jeunesse nouveau style, superficielle et entre temps commercialisée, réclame vraiment une telle alternative… L’Église devrait aussi se tourner vers ceux qui ne lui appartiennent pas. C’est une tâche biblique mais c’est aussi l’attente de l’État et de la société.

Dans les explications qui suivent, H.-J. Kinderlein assigne pour but à une telle « célébration de la jeunesse », de fournir aux jeunes arrivés à un certain moment de leur vie, la conscience d’une compétence décisionnelle éthique à partir du patrimoine de la réflexion chrétienne. Il lance l’invitation suivante : non seulement les collaborateurs de l’Église devraient parler de la question du sens d’une telle célébration, mais il faudrait aussi interroger ceux à qui on s’adresse, c’est-à-dire les jeunes et parents en dehors de l’Église.

À la suite de cette proposition du président H.-J. Kinderlein, sont rapportés des commentaires, entre autres le rapport d’une soirée de discussion à Magdebourg, à laquelle était aussi invité l’initiateur de la « célébration du tournant de vie » de Erfurt, pour y présenter son projet. La conclusion fut la suivante : « Offrir nous-mêmes une célébration de la jeunesse ou une consécration de la jeunesse, ne peut pas être notre affaire ni notre devoir ». Une expérience appuie cette affirmation : « Dans un village ou une petite ville de notre province ecclésiastique, à des jeunes de 13-14 ans, à côté de la préparation à la confirmation, on a fait une proposition qui est un petit peu chrétienne, mais aussi un petit peu non-chrétienne, peut-être très festive, peut-être même plus solennelle que la confirmation, et qui était ramenée à une demi-année, au lieu de deux ou trois ans ». En finale, on entendit un psaume de lamentation : « Ne devons-nous pas investir nos forces limitées de manière concentrée pour affermir notre compétence essentielle plutôt que d’expérimenter des propositions de bas niveau, artificiellement déguisées, que d’autres peuvent faire beaucoup mieux, sans embarras semi-chrétiens ? »

Beaucoup de questions sont repérables dans ce commentaire du bureau de la pastorale de la jeunesse de la province ecclésiastique de Saxe. J’aimerais les articuler de la manière suivante :

1. Est-il sans valeur d’être « un peu chrétien » ? Où commence le christianisme et où s’arrête-t-il ? Si nous regardons nos communautés, nous découvrons sa variété. Il y a là cette vieille femme qui prie tous les jours son chapelet et écoute le service religieux à la radio, mais est en guerre avec sa voisine depuis des années parce qu’elle ne nettoie pas comme il faut ses fenêtres. Là il y a ce jeune qui dit : « Je ne demande pas la confirmation parce que je ne suis pas à l’aise avec cette forme solennelle. Mais je suis chrétien et je ne participerai jamais à une consécration de la jeunesse commercialisée ». Voici un entrepreneur qui ne prend part à la vie de la communauté qu’en payant ses impôts d’Église. Il dit : « Je suis chrétien, mais je ne m’arrange pas avec le curé. C’est pourquoi je ne vais qu’à Noël à l’église du village voisin ». Mais si je cherche à suivre le Christ, la communion au Christ doit être perceptible au quotidien. Cette communion est fondée dans les sacrements et vécue au jour le jour. Chaque jour, Dieu nous offre à nouveau la chance de croître « un petit peu » dans cette suite — et cette croissance à petits pas est très valable, je pense.

2. Pouvons-nous nous prêter à de telles expériences en ce temps de « maigres » ressources en personnel ? Ne devons-nous pas affermir notre « compétence essentielle » ? Il est vrai que le souci de la communauté chrétienne ne peut être négligé, mais l’expérience montre que celui qui est allé au dehors pour découvrir du neuf, est toujours un enrichissement pour ceux qui sont restés à la maison. Cela fit du bien à l’Église de ne pouvoir rester à Jérusalem. Le débat avec de nouvelles religions et les coutumes des peuples a aidé à reconnaître l’essentiel de la foi. Or comme ceux qui sont à l’intérieur de nos communautés ont beaucoup de pensées et d’expériences en commun avec ceux de l’extérieur, regarder vers l’extérieur ne peut nous détourner de l’essentiel : un regard extérieur sur nos communautés aiguise la perception de ce qui est essentiel et précieux et que nous avons à donner. Celui qui est assis au milieu de la « réserve précieuse de l’Évangile » ne remarque plus son éclat. Ce que vaut l’Évangile, nous n’en faisons l’expérience que lorsque qu’un autre nous le désigne comme son « pain quotidien ».

V Une nouvelle tentative en l’an 2000

La demande de parents non-baptisés et de jeunes donna l’occasion au curé de la cathédrale d’Erfurt de tenter une nouvelle fois une « célébration du tournant de vie » le 15 mai 1999. Après celle de 1998, arrivèrent quelques inscriptions pour l’année suivante, et en octobre 1999, vingt-sept jeunes se réunirent pour préparer leur célébration en l’an 2000. Les inscriptions venant du gymnase catholique ne jouaient plus désormais le rôle principal, bien que le travail fût facilité au leader du groupe par la connaissance des jeunes. Du fait du plus grand nombre de jeunes et de l’offre des jeunes de la première célébration, de s’impliquer dans la préparation des nouveaux, quelques changements furent entrepris. Les anciens furent invités avec les nouveaux pendant l’Avent à une soirée au cours de laquelle le curé les informa des coutumes chrétiennes de l’Avent et du temps de Noël. Que la date de la fête de Noël coïncide avec la fête du dieu solaire romain, que le Père Noël soit un Saint-Nicolas sécularisé, transféré par Martin Luther à la fête de Noël, que la couronne de l’Avent soit un signe de l’éternité et une aide pour compter les dimanches, tout cela était nouveau pour les jeunes. Après cette information, les « anciens » parlèrent de leur « célébration du tournant de vie », de la préparation, de la fête à la cathédrale et en famille. On sentait leur fierté d’être des pionniers et de pouvoir préparer le chemin aux nouveaux.

Comme thème pour la « célébration du tournant de vie 1999 », les jeunes choisirent d’élargir le thème de 1998 : la responsabilité pour le prochain — l’ami et celui qui a besoin d’aide. Il était manifeste que les jeunes perçoivent les besoins du monde de manière pénétrante et réfléchissent à leur satisfaction. En particulier le chômage et les sans-abri s’imposaient à eux comme un problème urgent. Le partage des postes de travail fut considéré comme le moyen idéal pour créer des emplois. Surgit aussi une discussion intéressante sur le thème « Les étrangers en Allemagne ». La solution avancée par certains jeunes d’imposer une interdiction stricte de l’immigration, fut vivement critiquée. La problématique de la richesse ici et de la pauvreté là-bas, fut identifiée comme la cause de la difficulté : on discuta donc de décisions fondamentales et plus larges. Malheureusement, le temps ne suffisait jamais pour un débat approfondi. Bien des solutions ne purent être qu’évoquées.

Comme texte littéraire, les jeunes choisirent, parmi plusieurs possibilités, un conte suédois ayant pour titre : La vie est multiple. On y parle, sous forme de fable, de différentes conceptions de la vie et de l’expérience des plantes et des animaux, et en finale, de l’aurore qui se lève : « Tout comme l’aurore est le commencement d’un jour nouveau, ainsi la vie est le début de l’éternité ». Il est étonnant que des jeunes, presque unanimement, choisirent ce texte alors qu’il utilise le concept d’éternité. Ce pourrait être l’indice que des non-chrétiens ont bien une compréhension de l’éternité dans le sens d’un bonheur qui dure. Ce texte fut le point de départ de l’exposé qui mettait en demeure de « se salir les mains » si l’on veut être un homme aux mains efficaces. Le renvoi à l’œuvre de Jésus-Christ et de Marie, grâce aux œuvres d’art présentes sur le lieu de la célébration, pouvait renforcer cette affirmation.

La proposition d’organiser au presbytère une action pour les sans-abri rencontra une grande approbation. Presque tous les jeunes sont venus, apportant pour le repas du midi quelque chose à partager avec les sans-abri qui se présentent quotidiennement au presbytère. Le surplus fut offert gratuitement par les jeunes sur la place de la cathédrale. Il y eut toutes sortes de réactions, en général plutôt reconnaissantes et étonnées, à ce que des jeunes puissent être aussi amicaux et serviables.

Une critique constructive de la célébration de 1998 conduisit à renforcer l’implication des jeunes, surtout pour la partie musicale. Courageusement, deux jeunes filles se décidèrent à exécuter un morceau de guitare et flûte. Une maman se déclara également prête à offrir un solo de violoncelle. Vu le plus grand nombre de jeunes, les souhaits concernant le futur ont été rassemblés et présentés à deux voix. Ensuite les jeunes reçurent une feuille avec le « testament des jeunes de 1999 » (ou 2000) qu’ils emportèrent en souvenir à la maison. La célébration dura 60 minutes. Environ trois cents invités (quatre cents en 2000), étaient réunis à la cathédrale et suivaient la célébration avec un grand intérêt. Puis, les jeunes exprimèrent spontanément le désir de se rencontrer encore une fois pour parler de la préparation et du déroulement de l’événement. Une date fut fixée où l’on visionnerait ensemble la vidéo de la célébration, et où l’on pourrait aussi poser des questions sur « Dieu et le monde ».

Une histoire de Maurice Sendak4 ayant pour titre « Dans la vie, il faut donner plus que tout » et sous-titre « Aspiration à la vie véritable » focalisait la célébration 2000, et fut le point de départ d’une allocution du curé de la cathédrale. La participation musicale d’une trompette, d’une clarinette et d’un violoncelle créa une atmosphère de recueillement et de joie festive. Un drap de la couleur préférée des jeunes, que les parents étendaient au pied de l’autel, représentait le chemin de vie parcouru jusqu’ici, marqué par les parents et la maison familiale. Une bougie exprimait l’espérance d’un futur favorable, à façonner avec ceux qui sont liés aux jeunes par l’amour et la confiance. Une bénédiction chrétienne à la fin de la célébration traduisait le souhait, par le curé, de la proximité de Dieu : là où se manifeste tant de franchise à l’égard du monde autant que de la pensée chrétienne, Dieu ne peut être loin.

VI L’Allemagne, pays de mission ?

C’est lorsque les missionnaires s’étaient confrontés à la culture, à la pensée et au désir des gens, qu’ils pouvaient transmettre la foi avec succès. Mais que pensent les gens aujourd’hui en Allemagne ? Connaissons-nous les souhaits et espérances de la jeunesse à l’Est et à l’Ouest ? Voyons-nous des points de contact avec le message chrétien ? Ce travail avec les jeunes non-baptisés a été possible parce qu’ils pressentaient qu’ils allaient eux-mêmes au devant de la pensée du curé et qu’ils pouvaient venir avec leurs propres idées — même si ce n’était pas tout à fait au point. Ils voyaient comme intéressants ces petits groupes où ils ont fait l’expérience d’une implication personnelle. La possibilité d’être interpellés singulièrement et de recevoir une bénédiction sur leur propre situation de vie, était importante pour les jeunes et leurs parents. Le père de Julia qui participait à la célébration 2000, écrit dans une lettre de remerciement :

Accorder une confiance de principe et une espérance même lorsque l’avenir est incertain, est important, de même que la capacité d’accueillir le futur, alors même justement qu’il ne vient pas comme on le souhaite et le planifie. Il est important d’être conscient d’une bénédiction.

Nous avons dans l’Église chrétienne une profusion de signes de salut, qui peuvent être adressés personnellement. C’est cela que les gens cherchent. Nous devrions sortir au grand jour nos trésors et en expliquer la valeur. Alors l’Église en Allemagne marchera sous une bonne étoile. À ce propos, écoutons encore le père de Julia :

Nous pensons que dans beaucoup de communautés, cette forme d’annonce devrait être cultivée, et nous espérons que les images télévisées aideront à une large diffusion. Nous ressentons cette rencontre chaque fois comme un affermissement et un encouragement sur le chemin qui vient (je le dis encore une fois), et qui conduit à une heureuse issue.

Notes de bas de page

  • 1 Avertissement. Nous présentons ici la traduction, par B. Pottier, s.j., d’un article paru en allemand : « Die “Feier der Lebenswende” im Erfurter Mariendom – der Versuch einer christlichen Alternative zur Jugendweihe », dans Ritualtheorie, Initiationsriten und empirische Jugendweiheforschung. Beiträge für eine Tagung der Europäischen Jugendbildungs- und Jugendbegegnungsstätte Weimar, éd. St. Eschler & H.M. Griese, Stuttgart, Lucius & Lucius, 2002, p. 174-189. La NRT a l’habitude de publier des articles originaux. Dans ce cas-ci, cependant, la problématique évoquée nous semble valoir une exception. Erfurt, à 600 km à peine de Bruxelles, appartenait autrefois à la DDR, où un travail de déchristianisation a profondément transformé la population. Aujourd’hui, cette ville de 200.000 habitants compte 6% de baptisés catholiques et 19% de baptisés protestants. Le reste de la population est sans confession et n’a plus aucune réminiscence chrétienne. L’A. de l’article traduit est le curé de la cathédrale, dont l’évêque est actuellement Mgr Wanke.

  • 2 Sur le thème de la « consécration de la jeunesse » (Jugendweihe), cf. Meier A., Jugendweihe – JugendFEIER. Ein deutsches nostalgisches Fest vor und nach 1990, München, 1998.

  • 3 e.V. est l’abréviation de eingetragener Verein, « association déclarée ». En effet, depuis 1989, certaines associations libres se sont crées pour prendre le relais des organisations politiques officielles qui, autrefois, patronnaient la Jugendweihe.

  • 4 Auteur et illustrateur né en 1928, qui a bousculé les traditions des livres pour enfants.

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