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Le clonage embryonnaire humain à visée scientifique

Jacques de Longeaux
L’instruction Dignitas personae enseigne que le clonage humain est intrinsèquement illicite, en précisant que le « clonage thérapeutique » est plus grave au plan éthique que le « clonage reproductif » (n. 28-30). L’argumentation repose sur le respect qui est dû à la vie humaine dès la conception. Dans cet article nous discutons la position selon laquelle l’embryon humain qui serait créé par transfert de noyau pour la recherche ne serait pas une vie humaine, mais seulement un agrégat de cellules. Nous montrons que le mal moral du « clonage scientifique » provient, non seulement de l’instrumentalisation et de la destruction d’embryons humains, mais aussi de leur production asexuée.

Treize années se sont écoulées depuis la venue au monde du premier mammifère cloné, la célèbre brebis Dolly, aujourd’hui défunte1. Au lendemain de la publication scientifique dans la revue Nature, un riche débat éthique s’est engagé sur le clonage humain2. La controverse portait principalement sur la moralité de la génération d’enfants par transfert de noyau, autrement dit sur le « clonage reproductif ». Aujourd’hui, la perspective de la naissance d’un enfant cloné s’est éloignée : les obstacles techniques ne sont pas surmontés, des barrières juridiques ont été élevées. L’intérêt semble quelque peu retombé. Toutefois, le débat ne manquerait pas d’être relancé si une avancée technique majeure ouvrait la possibilité de pratiquer sans risque le clonage humain reproductif.

Le transfert de noyau pourrait être également employé pour produire in vitro des embryons humains, sans intention de les implanter in utero, mais afin de servir à la recherche sur les cellules souches embryonnaires (« clonage scientifique »). Cette recherche pourrait être menée en vue d’applications médicales (« clonage thérapeutique »). Cette pratique est légale dans certains pays3. En France, où elle est interdite, des voix s’élèvent pour demander qu’elle soit légalisée à l’occasion de la révision de la loi de bioéthique de 20044.

Dans le cadre du « clonage scientifique », la naissance d’un enfant est exclue. Faut-il pour autant raisonner seulement en termes d’utilité pour la science et pour la médecine ? Cet article voudrait apporter une contribution théologique à la mise en évidence des enjeux anthropologiques, éthiques et sociaux de cette pratique.

I Où en est la recherche ?

1 Scission embryonnaire et transfert de noyau

Les deux principales méthodes de clonage sont la scission embryonnaire — qui permet d’obtenir plusieurs embryons porteurs du même génome nucléaire à partir d’un seul — et le transfert de noyau (appelé aussi : « transfert nucléaire » ou « transposition nucléaire »). C’est par transfert de noyau que Dolly a été conçue. Schématiquement, cette technique consiste à prélever le noyau d’une cellule somatique d’un individu adulte (le « donneur »), puis à l’injecter dans un ovule qui a été préalablement énucléé (ou bien à fusionner les deux cellules). L’ovule recomposé qui résulte de cette opération possède la totalité des chromosomes caractéristiques de l’espèce comme au terme de la fécondation, à cette différence fondamentale près que ces chromosomes proviennent d’un même individu. La naissance de la brebis clonée a montré que, dans certaines conditions, le cytoplasme de l’ovule est capable de « reprogrammer » le génome nucléaire d’une cellule somatique différenciée, de la rendre totipotente5 à l’égal du zygote. Alors que le clonage par scission embryonnaire consiste à produire artificiellement des « vrais jumeaux », le « transfert de noyau » permet de réaliser ce qui est naturellement impossible chez les mammifères : engendrer un individu porteur du génome nucléaire d’un autre individu préexistant.

À ce jour, le clonage par transfert de noyau a été tenté avec succès sur plusieurs espèces animales. Toutefois, ces succès sont relatifs : les taux de réussite restent faibles, et les animaux clonés présentent, dans bien des cas, des anomalies6. C’est chez l’espèce bovine que la technique du clonage reproductif est la mieux maîtrisée et sa pratique la plus développée7. Plusieurs laboratoires à travers le monde — notamment au Royaume-Uni, en Californie, en Asie — travaillent sur des cellules humaines. Officiellement, toute visée reproductive est exclue. Les recherches sont menées dans un but scientifique et en vue d’applications thérapeutiques. Les équipes les plus avancées sont parvenues à obtenir des embryons humains par transfert de noyau jusqu’au stade du blastocyste8. Mais aucune lignée de cellules souches embryonnaires humaines n’a encore été établie à partir d’embryons issus du transfert de noyau9. En fait, il semble que le transfert de noyau se heurte à des obstacles spécifiques chez l’homme (comme chez les autres primates). Cependant, il n’est pas impossible qu’un jour ou l’autre ces obstacles soient surmontés.

2 « Clonage thérapeutique », « clonage scientifique »

Les embryons humains créés par transfert de noyau pourraient être utilisés dans le cadre d’une future, et encore largement hypothétique, médecine régénératrice.

Le principe du « clonage thérapeutique » est simple, bien que sa mise en œuvre soit hautement complexe : les quelques dizaines de cellules qui constituent la masse cellulaire interne de l’embryon au stade blastocyste (5/7 jours) sont pluripotentes10. Ce sont les cellules souches embryonnaires (cellules ES). De celles-ci dérivent toutes les catégories de cellules qui entrent dans la composition du corps humain. L’idée est donc d’exploiter ces cellules et leur plasticité pour régénérer les tissus et organes. Mais la greffe de cellules souches embryonnaires (ou de cellules différenciées à partir de ces cellules) se heurte, comme la greffe d’organes, au problème du rejet immunitaire. C’est cette barrière que permettrait de lever le transfert de noyau, puisque les cellules greffées (cellules souches issues d’un transfert de noyau : cellules NTES) seraient prélevées sur un embryon produit à partir d’une cellule du patient à traiter. Elles possèderaient donc le même génome que celui-ci. Il est important de préciser que cette technique du « clonage thérapeutique » ne pourra pas être mise en œuvre sans consommer un nombre considérable d’ovules. La manière de les obtenir est l’un des enjeux éthiques du « clonage thérapeutique ».

De plus, dans l’état actuel de la science, l’efficacité thérapeutique des cellules ES n’a pas encore été prouvée. Il est vrai que quelques expériences menées sur l’animal ont donné des résultats (par rapport à la maladie de Parkinson et pour les lésions de la moelle épinière)11. Les premiers essais cliniques sur l’homme ont été autorisés aux États-Unis dans les jours qui ont suivi l’investiture du président Barak Obama12. Il est encore trop tôt pour connaître les résultats. Une des difficultés auxquelles se heurte la greffe de cellules souches embryonnaires est leur tendance à proliférer et à former des tumeurs (cancéreuses ou non cancéreuses)13. En ce qui concerne les traitements par cellules NTES, aucun essai sur un modèle animal de maladie humaine n’a encore abouti.

Il faut rappeler en outre que d’autres voies de recherche prometteuses — et qui ont abouti dans certains cas à des traitements aujourd’hui couramment appliqués — sont explorées à partir des cellules souches adultes naturellement présentes dans l’organisme (cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse par exemple), et des cellules souches du sang de cordon ombilical. D’autres recherches visent à produire des cellules pluripotentes à partir de cellules somatiques différenciées : ce sont les « cellules à pluripotence induite » (cellules IPS)14. Dans tous ces cas, les cellules d’intérêt thérapeutique sont obtenues sans avoir à créer puis à détruire un embryon humain. Cependant, de nombreux obstacles techniques doivent encore être surmontés avant que l’on puisse envisager de traiter grâce à ces cellules les maladies dégénératives ainsi que les lésions tissulaires et organiques. Enfin, si la technique du transfert de noyau venait à être pleinement maîtrisée, elle pourrait aisément être déviée de son premier objectif thérapeutique et utilisée pour avoir un enfant. Plusieurs spécialistes de bioéthique ne justifient-ils pas le recours au clonage dans certains cas au nom du droit individuel à réaliser le « projet parental » de son choix15 ?

Mais les éventuelles applications médicales du clonage embryonnaire humain ne sont pas à portée de main. C’est pourquoi, les experts préfèrent éviter l’expression « clonage thérapeutique » et parlent plutôt de « clonage non reproductif » ou de « clonage scientifique » (quand ils ne récusent pas le terme « clonage »). Cette dernière expression signifie d’une part que l’objectif actuel de la recherche est scientifique, et non pas directement thérapeutique : il s’agit de maîtriser la technique de constitution d’embryons humains par transfert de noyau et d’en comprendre les ressorts. Elle signifie d’autre part que, s’il venait à être maîtrisé, le transfert de noyau pourrait être employé pour disposer d’embryons humains utiles pour la recherche théorique (génétique, épigénétique, embryologie, etc.) ou pour la recherche pratique (industrie pharmaceutique, cosmétique).

II Embryon ou artefact ?

Nous avons employé le terme « embryon » pour désigner l’ovule recomposé par transfert de noyau. Cette appellation est contestée par bon nombre d’auteurs pour lesquels on ne doit parler d’embryons qu’après l’implantation in utero. Ces auteurs font valoir que le blastocyste humain produit in vitro en dehors d’un projet parental — ou qui n’entre plus dans un projet parental — ne pourra pas se développer pour donner un enfant. De ce fait, il ne représenterait qu’une potentialité de personne qui n’a pas été réalisée. Il ne serait donc pas un embryon mais un agrégat de cellules, du matériel biologique humain. Issu d’un transfert de noyau, il ne serait même qu’un artefact cellulaire16. On demande en conséquence que le terme « clonage » soit réservé au « clonage reproductif ». Pour le reste, il ne faudrait parler que de « transfert de noyau » ou de « transposition nucléaire ». Le « transfert de noyau » est présenté comme une méthode de production de cellules souches embryonnaires isogéniques, d’intérêt scientifique ou thérapeutique. La création d’un embryon humain, qui sera détruit dans l’opération, est passée sous silence.

En réponse, laissons la parole à Axel Kahn : « La définition d’un embryon semble sans ambiguïté : il s’agit d’un organisme en voie de développement, depuis son stade unicellulaire jusqu’à la réalisation d’une forme capable de vie autonome »17. Ainsi, « la définition de l’embryon ne dépend pas de la nature des événements qui l’ont engendré : il existe, à côté des embryons issus de la fécondation d’un gamète femelle par un gamète mâle, des embryons parthénogéniques et étrogéniques, c’est-à-dire d’origine uniquement femelle ou mâle »18. D’ailleurs, « toutes les équipes qui ont réussi, depuis la fin des années 1980, à cloner des mammifères par transfert de noyau ont parlé de la création d’embryons par ce procédé ». En conclusion, « dans l’espèce humaine, il semble donc évident qu’il faut appeler embryon tout stade du développement susceptible de se poursuivre dans des conditions favorables (c’est-à-dire dans une matrice féminine) et par lui-même jusqu’à la constitution d’un fœtus et d’un nouveau-né. À ce titre, il peut être possible d’obtenir un embryon humain en remplaçant un noyau ovocytaire par le noyau d’une cellule somatique s’il est établi qu’il peut se développer in utero en un fœtus et un nouveau-né »19.

La fivete a permis la naissance de nombreux enfants, mais elle a aussi laissé sur le bord de la route, dans les armoires frigorifiques des laboratoires, des dizaines de milliers d’embryons humains « congelés ». Alors que le développement embryonnaire est naturellement un processus continu, la congélation l’interrompt et le fige. Le dynamisme de la vie se trouve suspendu, à la manière d’un arrêt sur image. L’embryon est comme chosifié. Son destin est entre les mains de ceux qui l’ont conçu. Il n’est pas étonnant que cette pratique influe sur la manière de le considérer, et que l’embryon humain produit en laboratoire et congelé finisse par être perçu tel qu’il apparaît sous le microscope : un grumeau de cellules. Mais c’est artificiellement qu’il a été plongé dans cet état, d’abord par le fait d’avoir été créé in vitro, puis par la cryoconservation. En réalité, il n’y a pas de différence de nature entre l’embryon produit in vitro et celui qui naît de la rencontre des gamètes in vivo.

Qu’un embryon ait été produit d’une façon artificielle, n’en fait pas pour autant un artefact. Ce terme convient pour un robot, mais il ne s’applique pas à l’embryon. L’embryon humain préimplantatoire créé par transfert de noyau est un nouvel individu de l’espèce humaine dans la première phase de son développement20. Même s’il n’est jamais implanté, il reste biologiquement ordonné à l’organisme adulte. Ceci ne préjuge pas de la réponse à la question du respect qui lui est dû. Mais nous devons reconnaître que la production de tels embryons répond à la définition du clonage. L’adjectif « scientifique » ou « thérapeutique » désigne l’intention pour laquelle on veut créer des embryons humains clonés. L’expression « clonage scientifique » est la forme abrégée de : « clonage embryonnaire humain à visée scientifique » (et de même pour « clonage thérapeutique »).

III Le respect dû à l’embryon humain

La discussion éthique au sujet du « clonage scientifique » et du « clonage thérapeutique » porte sur le respect dû à l’embryon humain au stade préimplantatoire. À ce sujet, le magistère de l’Église catholique enseigne que « l’être humain doit être respecté et traité comme une personne dès sa conception »21. La règle morale est soutenue par des arguments rationnels indépendants de l’adhésion à la révélation biblique22.

Appliquant ce principe au « clonage thérapeutique », la récente instruction Dignitas personae déclare : « Le soi-disant clonage thérapeutique est encore plus grave au plan éthique [que le clonage reproductif]. Créer des embryons dans le but de les supprimer est totalement incompatible avec la dignité humaine, même si l’intention est d’aider les malades, car cela fait de l’existence d’un être humain, même à son stade embryonnaire, rien de plus qu’un moyen à utiliser et à détruire. Il est gravement immoral de sacrifier une vie humaine dans un but thérapeutique »23.

Cet enseignement de l’Église catholique est parfois présenté comme une position extrême, liée à une tradition religieuse particulière. On lui oppose une autre manière de voir qui serait une voie moyenne, plus équilibrée et susceptible de fonder un consensus social : l’embryon humain ne serait ni une chose ni une personne, mais un être susceptible de devenir une personne. Le respect qui lui est dû suivrait les étapes d’une « ontologie progressive »24. Le fond du débat sur le statut de l’embryon porte sur l’être de l’homme : a-t-il une origine transcendante (spirituelle) ou bien seulement immanente (biologique et culturelle) ? La dignité personnelle a-t-elle un fondement ontologique ? Si l’homme est un être d’esprit, à quel stade de sa formation l’embryon, le fœtus ou même l’enfant est-il « saisi par l’esprit »25 ?

Ces questions doivent être abordées avec les ressources de la raison philosophique. La philosophie de l’esprit de Claude Bruaire montre l’être de l’esprit et débouche sur une ontologie du don (1). À partir d’un faisceau d’arguments convergents, la raison peut reconnaître la présence de l’esprit au secret de la vie embryonnaire dès la conception (2). La reprise de ces questions à partir de l’étude de l’Écriture Sainte et de sa rationalité propre, permet d’éclairer dans toute son ampleur l’interrogation sur l’origine (3).

1 L’être d’esprit

Dans L’être et l’esprit, Claude Bruaire se propose de « venir résolument à l’ontologie »26. Il rapproche les deux questions oubliées, celle de l’être et celle de l’esprit. Il montre l’esprit. Plus encore : il montre que « l’être qui n’est qu’esprit, c’est l’être qui n’est qu’être »27. Que l’esprit est ne se démontre ni par un raisonnement déductif à partir de prémisses indubitables, ni par induction expérimentale. L’esprit est présent à lui-même. Avant d’être un objet de pensée, il est ce qui permet la pensée ; avant d’être compris, il est la condition de l’intelligibilité. C’est en raison de son évidence première qu’il est si aisément oublié et si difficile à penser. Contrairement à la représentation spontanée qui identifie l’être à la chose massive et qui considère l’esprit comme quelque chose d’inconsistant, d’évanescent et finalement d’inexistant, la réflexion conclut que ce qui est principalement, c’est l’esprit. Seul l’esprit est plénitude substantielle : « non seulement l’esprit a un être, mais l’être n’est rien s’il n’est esprit, à moins d’être par ou pour l’esprit »28.

Claude Bruaire expose les conséquences de la négation de l’esprit. Si l’esprit n’est pas, alors l’être humain n’est que vie naturelle et façonnement social. Ce qu’on appelle « esprit » est le produit immanent, et non la source substantielle, du langage, de la culture et de la relation. L’être personnel est privé de fondement ontologique. Le lien entre la nature et l’esprit — l’autre de la nature — est rompu. Il reste une liberté subjective, à distance du corps qu’elle traite comme un organisme manipulable. L’origine de la personne n’est pas inscrite dans le commencement de sa vie. Dans la vie embryonnaire, la nature n’abrite aucun esprit. L’embryon humain est seulement de la matière, « support biologique d’une éventuelle inoculation sociale de l’esprit »29. L’homme peut alors se prétendre le créateur de l’homme. Les biotechnologies (au plan corporel) et l’éducation (au plan de l’esprit) façonnent la personne. Le corollaire de cette conception, c’est que « l’homme n’est pas lui-même sans sa manifestation, en particulier sans le langage et la liberté qui attestent sa présence »30.

Pour montrer l’esprit, Claude Bruaire avance tout d’abord le témoignage irrécusable des parents31. Dès l’apparition de l’enfant, la mère et le père ont la certitude d’être en présence de quelqu’un : « La certitude la plus simple des parents devant le nouveau-né, c’est précisément de ne pas être la cause de leur effet. C’est bien pourquoi ils se disent procréateurs, comme si, à leur occasion, tout autre chose arrivait au monde que leur effet naturel commun »32.

L’esprit est également manifeste dans la « pensée sise dans le langage », l’acte libre et le désir humain33. Cependant il ne s’identifie pas à la somme de ses opérations. Il est puissance, énergie qui se déploie selon un double mouvement conjoint de recueillement en soi et de diffusion de soi.

Le recueil des traits caractéristiques de l’esprit conduit à l’identifier au don. L’être humain est un être d’esprit. Il est un être de don. Être en soi (substance), donné à soi sans être sa propre origine, il est pour soi afin de devenir soi-même (sujet) : « l’être d’esprit de l’homme est substance pour devenir sujet »34. C’est dans l’être spirituel que la singularité individuelle est fondée. Il n’y a de véritable singularité et de réelle altérité que par l’esprit. Les choses se distinguent entre elles par des traits accidentels. Les animaux sont les représentants différenciés d’une espèce naturelle. Seul l’être d’esprit est vraiment unique, hors-série, insubstituable. Par son intériorité, la personne forme à elle seule un monde singulier et inaccessible. En même temps, seul un être d’esprit peut s’ouvrir à autrui, entrer en relation et vivre en communion.

L’esprit, comme le don, n’est pas plus ou moins : « L’être d’esprit, ce qu’est chaque personne est, précisément, tout ou rien, comme être donné. Le don n’est ni par partie ni en degré, s’il est don de l’être, être-de-don »35. L’idée que l’embryon, le fœtus puis l’enfant accéderaient graduellement à l’humanité est contradictoire avec le concept d’esprit rigoureusement pensé. L’être d’esprit, l’être personnel, est ou n’est pas : il n’est pas plus ou moins, il n’admet pas de palier. Certes, le temps de l’histoire personnelle est nécessaire pour que l’esprit, qui repose originellement en soi, accède à soi et devienne vraiment soi-même (ipse). Mais dès le point de départ, il est. Il est en acte, au secret dans la vie corporelle. Il est en soi avant d’être à soi.

L’esprit ne doit l’être qu’à l’esprit. L’« ontodologie »36 permet d’affirmer que l’être d’esprit est, à chaque fois, une novation ontologique. Son origine est un acte gratuit, hors de toute nécessité ou exigence, qui se dérobe au savoir en « tache aveugle ». Le don d’être emporte l’anonymat du donateur. Claude Bruaire montre que cette origine Autre est une condition de la liberté, en même temps qu’elle assure le fondement de l’obligation morale. En effet, d’une part, cette ouverture au principe de l’existence déjoue tout droit d’auteur des parents sur leur enfant, ainsi que toute tentative d’explication intégrale. D’autre part, parce qu’il ne peut pas appréhender le Principe de son être, ni rendre à la mesure du don reçu, l’être personnel demeure un être obligé — obligé envers autrui : « Si l’on doit tout à soi-même, on ne doit rien à personne, et l’obligation est nulle là où l’on est contraint. Mais précisément, l’obligation, “l’obligeance”, est de l’être donné à lui-même, et, par conséquent, de l’être libre qu’est chaque esprit humain. Tel est le fondement reconnu, retrouvé de l’obligation morale »37.

2 Le statut de l’embryon

Quel est le statut de l’embryon humain ? Dieu communique-t-il une âme spirituelle à chacun des embryons humains conçus, même à la multitude de ceux qui ne dépasseront jamais les premiers stades de l’embryogenèse ? Dieu lie-t-il son acte créateur à nos manipulations de laboratoire ? Dans la réponse à ces questions, la raison permet d’aller au-delà des représentations.

La philosophie de l’esprit, nous venons de le voir, assure que l’homme est un être d’esprit, et que l’esprit n’est pas plus ou moins. On ne devient pas graduellement un être personnel : on l’est ou on ne l’est pas. La philosophie de la nature conclut des données récentes de la biologie que le seuil de quarante jours (pour les garçons !) fixé par Aristote38 entre embryon non formé et embryon formé n’est pas fondé39. La frontière du quatorzième jour établie par le rapport Warnock40, bien qu’étayée par certaines observations scientifiques, apparaît également arbitraire. L’implantation ne peut pas non plus être un critère décisif d’accès à l’humanité. Au contraire, dès le commencement, l’embryon humain est animé par un dynamisme intérieur de croissance continue, progressive et coordonnée, qui est une expression de sa forme humaine. Il est clairement distinct des gamètes, il n’est pas une excroissance du corps maternel. Il est déjà un organisme individuel, et non pas un agrégat de cellules totipotentes41. Au terme du processus de fécondation, ou de l’opération de transfert de noyau, apparaît un nouvel individu de l’espèce humaine, dont le corps se forme et s’organise progressivement42.

L’anthropologie philosophique affirme l’unité de l’âme humaine. Saint Thomas d’Aquin enseigne que l’âme spirituelle humaine est en même temps végétative et sensitive. Elle ne s’ajoute pas à un corps qui serait au préalable seulement animal, ni ne s’en retire. Mais elle est la forme d’un corps organisé, les formes précédentes ayant disparu43. En d’autres termes, le corps humain est toujours animé d’une vie spirituelle en même temps qu’organique et animale, sinon ce ne serait pas un corps humain. À une extrémité comme à l’autre de la vie, il n’y a pas d’être humain qui ne soit qu’un végétal ou un animal. Cela demeure vrai même si les facultés spirituelles ne peuvent pas encore, ou ne peuvent plus, être exercées. La vie est partie intégrante de la personne. Nous ne pouvons pas exclure notre humble commencement biologique de notre histoire personnelle. Cette doctrine rejoint l’enseignement constant du Magistère sur l’unité de la personne44.

Toutes ces raisons ne constituent pas une démonstration contraignante. Elles convergent cependant vers la reconnaissance de l’embryon humain comme un être d’esprit, un être spécifiquement humain, dès la conception. Elles valent quel que soit le processus de conception. Elles sont fondées sur la reconnaissance de l’être de l’esprit et son origine transcendante. Si l’on récuse ce fondement ontologique, l’humanité de l’embryon se trouve suspendue au projet parental. Elle est jugée à partir de seuils de développement ou bien sur des critères d’aptitudes. De tels seuils et critères sont éminemment variables. Ils évoluent en fonction de l’intérêt scientifique ou du profit économique que l’on pense tirer des embryons humains. Cette façon de voir ouvre la porte à de graves atteintes contre la vie d’autres catégories d’êtres humains qui ne jouissent pas de leurs facultés intellectuelles. L’être humain est esprit, mais l’esprit n’est pas toujours manifeste. Il est aussi, inséparablement, corps. Le critère biologique corporel est le seul critère objectif d’humanité dont nous disposons pour réfléchir à son statut personnel. Un individu humain vivant doit être reconnu comme une personne humaine.

3 L’apport biblique

La Bible n’offre pas de réponse à la question du « moment de l’animation », dans les termes où nous nous la posons. En réalité, cette question cadre mal avec l’anthropologie biblique, qui considère avant tout l’homme concret dans sa relation à Dieu, aux autres hommes et à la création.

Selon la foi d’Israël, exprimée dans le Psaume 139, ou bien au chapitre dixième du livre de Job, Dieu façonne l’homme dans le sein maternel45. Nous n’ignorons plus aujourd’hui les processus naturels qui régissent l’embryogenèse. Cela n’infirme pas la leçon principale de ces textes : Dieu connaît et veut personnellement l’enfant à naître avant qu’il ait conscience d’exister, avant même qu’il soit connu et accueilli par sa mère. L’embryon humain, qui n’a pas encore apparence humaine, a déjà un visage pour Dieu. Il possède une identité, son histoire singulière n’est pas ignorée du Créateur. La relation constitutive de la personne est la relation de création, et non pas le projet parental. Ce que je suis dépasse en arrière, en avant, et en profondeur la part de mon existence dont je suis le sujet conscient et agissant.

Certes, il s’agit dans la Bible d’embryons humains en développement dans le sein maternel, et nous nous interrogeons sur des embryons de laboratoire créés exprès pour la recherche. Mais il ne semble pas qu’il faille faire de différence. Rien n’indique que le regard porté par Dieu sur la vie humaine commençante soit suspendu à la manière dont celle-ci a été conçue, ou bien au sort qui lui est réservé.

L’origine insaisissable de la personne

L’Écriture Sainte confesse que l’origine de chaque personne est en Dieu. Le Créateur ne façonne pas l’humanité en général, comme une prolifération d’individus indistincts, mais il modèle chaque personne humaine en particulier. Tout homme est personnellement voulu, connu et aimé du Créateur. Certes, le commencement (temporel) d’une nouvelle vie humaine passe par un acte humain, mais son origine (permanente) est en Dieu. L’acte humain et les processus biologiques sont des médiations, et non pas la source première du don de la vie. Puisqu’elle est en Dieu, l’origine de la personne demeure insaisissable. Elle est un mystère, à la mesure du mystère de la personne : « L’homme — commentera la tradition chrétienne — est à l’image du Dieu incompréhensible par le fond incompréhensible de lui-même »46. La « nescience » de l’origine signe l’impossible maîtrise de soi-même comme d’autrui47. Loin d’être une déficience, l’origine insaisissable est une condition de la liberté.

Nous en tirons un premier critère éthique : toute pratique qui semble faire de l’homme le créateur de l’homme, qui suggère que l’homme est sans profondeur ni transcendance, entièrement connaissable et manipulable, est contraire à la reconnaissance de la personne et à son bien intégral.

L’être filial

L’étude de l’Écriture permet de faire un pas supplémentaire. L’homme créé à l’image de Dieu est en un sens premier, fondamental, fils de Dieu48. L’origine qui se dérobe à la connaissance est une relation de filiation. La raison philosophique reconnaît en l’homme un être d’esprit ou une personne. La révélation biblique atteste qu’il est image de Dieu. La réflexion théologique établit que l’être personnel est identiquement un être filial. La filiation est une donnée ontologique, avant d’être, à différents niveaux, une détermination génétique, un lien charnel, une construction juridique et sociale, une relation éducative et affective.

La paternité et la maternité humaines sont ensemble une collaboration libre et responsable à la paternité divine. L’expérience humaine de la génération et de la filiation nous laisse entrevoir, par analogie, quelque chose de la paternité divine. À l’inverse, et sans confusion des domaines, la révélation de la paternité divine dans l’engendrement du Fils et le don de l’Esprit nous découvre le sens plénier et les valeurs constitutives de la paternité et de la maternité humaines.

Nous en déduisons un second critère éthique : l’être humain doit être conçu, mis au monde, éduqué dans le cadre d’une filiation assurée, et vécue comme un don de vie. Tenter une génération humaine hors filiation est contraire à la dignité humaine.

Cette règle vaut au plan relationnel et légal. Nous pensons qu’elle s’applique aussi au plan biologique : il n’est pas juste de tenter une génération humaine sans véritable filiation biologique. Par génération humaine nous entendons ici non seulement la procréation, mais aussi la création d’embryons humains in vitro.

IV La moralité de la constitution d’embryons humains par transfert de noyau

L’usage scientifique ou thérapeutique d’un embryon humain porte gravement atteinte au respect qui est dû à la vie humaine dès le commencement. L’embryon humain précoce se trouve réduit au rang de gisement de cellules souches d’intérêt scientifique ou médical. Il n’est pas reconnu ni respecté dans son humanité. Ces conclusions éthiques valent quelle que soit la manière dont il a été conçu. Mais il faut aussi s’interroger sur les enjeux anthropologique et éthique spécifiques de la production d’embryons humains par transfert de noyau. Les considérations qui précèdent fondent notre réflexion.

Deux points doivent être examinés : 1) Avec le transfert de noyau, un degré supplémentaire serait franchi dans l’emprise de la technique sur la conception et la constitution de la vie humaine. 2) La génération humaine serait réalisée de manière asexuée.

1 La saisie de la vie humaine commençante

Par rapport à la fécondation in vitro et à l’ICSI, le transfert de noyau représente un degré supplémentaire dans la maîtrise technicienne du commencement de la vie humaine. Ce n’est pas la connaissance scientifique qui est ici en cause, mais le pouvoir que nous cherchons à acquérir sur la constitution de la vie humaine.

L’approche du monde inhérente à la technique — un monde d’objets manipulables et transformables — est en train de s’étendre à la vie humaine commençante. Dans cette approche, les choses n’ont de sens qu’en raison de nos projets. Sinon, elles sont vues comme de la matière brute, sans signification intrinsèque. Il semble que nous en venions à considérer de cette manière l’embryon humain in vitro : entre-t-il dans un « projet parental », il est un être précieux ; ne fait-il l’objet d’aucun « projet parental », il est un paquet de cellules qui aurait pu devenir une personne49.

Avec le transfert de noyau, la génération humaine verserait davantage encore du côté du faire, de la fabrication, avec ses critères de rentabilité, d’efficacité, de qualité. Ces critères sont parfaitement légitimes lorsqu’il s’agit de produire des objets. Mais la génération humaine doit échapper à cette logique réductrice de la personne humaine. Tant au niveau de l’intention qu’au niveau de l’acte, une différence absolue doit être maintenue entre la génération humaine et la production d’un objet, y compris lorsqu’on cherche « seulement » à produire des embryons préimplantatoires. La manipulation du commencement de la vie humaine conduit à l’exploitation de la vie humaine commençante.

Plus largement, la pratique du « clonage scientifique » aurait une répercussion sur la compréhension de l’homme par l’homme. En effet, si l’on en venait à produire des embryons humains par transfert de noyau pour les exploiter comme des réservoirs de matériel biologique, l’origine transcendante de la personne et sa profondeur spirituelle ne seraient-elles pas frappées d’invraisemblance, au moins dans les représentations culturelles dominantes ? Certes, il ne faut pas confondre le commencement et l’origine. Mais la mainmise sur le commencement biologique de la vie humaine aurait une influence sur notre perception de l’origine de la personne. L’homme risque de se penser comme l’unique maître et producteur de la vie. Déjà, la légitimation du « clonage scientifique » et « thérapeutique » participe grandement à acclimater l’idée de la fabrique de l’homme50. Dans ces conditions, la liberté, l’individualité et l’existence en communion, ainsi que la dignité personnelle, qui n’ont d’autre fondement que spirituel, ne deviennent-ils pas inintelligibles ? La décision de légaliser le transfert de noyau à but scientifique ne conduirait pas seulement à l’instrumentalisation des embryons humains. Elle aurait aussi un impact culturel contraire au bien commun de l’humanité et à son développement authentique.

À la lumière de nos réflexions précédentes et du premier critère éthique que nous avons formulé, un premier aspect du mal spécifique du « clonage scientifique » apparaît : il réside dans la volonté d’appropriation de l’embryon humain, dans le désir de se saisir de l’insaisissable, dans la prétention à pleinement maîtriser, à entièrement contrôler le commencement de la vie humaine.

2 La constitution d’embryons humains hors filiation

Le transfert de noyau se distingue des autres techniques de conception in vitro par le fait que l’embryon n’est pas le résultat d’une fécondation. Il tient son génome nucléaire d’un seul individu, le « donneur », et non d’un homme et d’une femme à part égale. Cette technique permettrait de réaliser une véritable génération humaine en dehors de la complémentarité des sexes. Au plan biologique, une relation inédite, d’une autre nature que la filiation, se mettrait en place entre le nouvel être humain et celui ou celle dont il est issu. Que le donneur soit un homme, il ne serait pas pour autant un père génétique ; qu’il s’agisse d’une femme, elle ne serait pas pour autant une mère génétique. La complémentarité propre à la paternité et à la maternité ferait défaut. La conception d’un embryon humain par transfert de noyau, même sans intention de l’implanter, réaliserait une véritable génération humaine hors filiation biologique.

Certes, la paternité, la maternité et la filiation ne sont pas d’abord, ni exclusivement, des réalités de nature biologique. Ce sont des relations qui se nouent à plusieurs niveaux : charnel, affectif, légal51. Toutefois, on ne peut soutenir que l’origine biologique et le lien génétique soient sans importance ni signification. Les notions de paternité et de maternité biologique ont un sens et recouvrent une réalité qui a son importance.

L’embryon humain surnuméraire de la fécondation in vitro, abandonné par ceux qui l’ont conçu, est privé de parents au sens intentionnel et légal, mais il a un père et une mère biologiques. Il n’entre pas dans un projet parental, mais il n’en est pas moins issu de la fusion des gamètes d’un homme et d’une femme. Au contraire, le transfert de noyau permettrait de constituer des embryons humains hors paternité et maternité biologiques. Dans la perspective du deuxième critère éthique que nous avons formulé, nous pensons que ce fait n’est ni anthropologiquement ni moralement anodin. Il contribue à la chosification et à la déshumanisation de l’embryon. Celui-ci risque de n’apparaître que comme le prolongement du « donneur ». Enfant de personne, conçu en dehors de tout projet parental, l’embryon ainsi produit serait plus facilement disponible pour servir de matériel d’expérimentation. Le verbe « produire », que nous retrouvons ici, signifie la violence propre à cette génération sans filiation.

Conclusion

Le respect dû à la personne humaine doit être intégral. Il s’applique à tout l’homme et à tous les hommes. Il s’étend à l’être humain en formation, dès la conception. Nous ne pouvons pas rejeter hors de notre histoire le temps de notre formation. Nous ne devons pas exclure hors de l’humanité l’être humain en développement. La production et la destruction d’embryons humains pour diverses finalités scientifiques, thérapeutiques ou autres est une instrumentalisation de la vie humaine commençante. Elle est contraire au respect dû à la vie humaine. Ces pratiques font dépendre le regard porté sur l’embryon humain et la valeur qui lui est accordée du projet dans lequel il entre ou n’entre pas, au lieu de le reconnaître et de le respecter pour ce qu’il est. En particulier, l’embryon humain ne peut jamais être considéré comme un simple réservoir de cellules souches. La production d’embryons humains par transfert de noyau ajoute un mal spécifique parce que, en réalisant une génération humaine sans filiation biologique, elle soumet le commencement de la vie à une emprise de la technique sans commune mesure avec les fécondations in vitro. Un seuil serait franchi dans la chosification et la déshumanisation de l’embryon humain en phase préimplantatoire.

Notes de bas de page

  • * L’auteur a défendu le 14 octobre 2009 sa thèse à la faculté de Théologie de la Compagnie de Jésus (I.É.T.) : Le clonage humain et la condition filiale. Recherche de théologie morale. Cet article fait référence à ce travail de recherche.

  • 1 Dolly est née le 5 juillet 1996, en Écosse. L’article scientifique est paru le 27 février 1997 dans la revue Nature. Dolly est morte au mois de novembre 2003, à la suite d’un cancer du poumon d’origine virale.

  • 2 Cf. H. Atlan, M. Augé, M. Delmas-Marty, R.-P. Droit, N. Fresco, Le clonage humain, Paris, Seuil, 1999 ; A. McLaren (dir.), Le clonage, coll. Regard éthique, Strasbourg, éditions du Conseil de l’Europe, 2002 ; F. Haldemann, H. Poltier, S. Romagnoli, (dir.), Le clonage humain en arguments, coll. Controverses en éthique, Genève, Georg éditeurs, 2005 ; D. Müller et H. Poltier, (dir.), Un Homme nouveau par le clonage ? Fantasmes, raisons, défis, coll. Le champ éthique, Genève, Labor et Fides, 44, 2005. Au plan théologique, cf. P. Verspieren, « Le clonage humain et ses avatars », dans Études, novembre 1999, p. 459-471 ; A. Chapelle, « Le clonage d’êtres humains », dans NRT 123 (2001) 27-45.

  • 3 Belgique, Chine, Corée du Sud, Finlande, Inde, Pays-Bas, Royaume-Uni, Singapour, Suède, certains états des États-Unis. Cf. UNESCO, Législations nationales relatives au clonage humain reproductif et thérapeutique, Paris, juillet 2004.

  • 4 Par exemple, un rapport de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (Parlement français), rédigé par Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte, recommande d’« autoriser, sous réserve de la disponibilité des ovocytes humains, la transposition nucléaire avec un dispositif rigoureux de contrôle par l’Agence de la biomédecine et une interdiction d’implantation » (A. Claeys et J.-S. Vialatte, La loi de bioéthique demain, Rapport de l’OPECST, Assemblée nationale n. 1325, Sénat n. 107, 17 décembre 2008, tome 1, Rapport, p. 221). De même, dans son rapport au premier ministre, Pierre-Louis Fagniez recommande d’« autoriser le transfert nucléaire sous contrôle strict » (P.-L. Fagniez, Cellules souches et choix éthiques. Rapport au Premier ministre, Paris, La Documentation française, 2006, p. 176).

  • 5 Une cellule est dite totipotente lorsqu’elle est capable de générer un individu complet.

  • 6 Certaines de ces anomalies, comme le « syndrome du gros veau » (Large Offspring Syndrome), sont probablement d’origine épigénétique. Cf. J. Suaudeau (Mgr), « Le statut biologique de l’embryon préimplantatoire, les réponses de la génétique », dans Institut Catholique de Rennes, L’embryon. Problèmes de bioéthique : le statut ontologique et éthique de l’embryon. Actes du colloque « Bioéthique » de l’Institut Catholique de Rennes le 25 Novembre 2008 sous la présidence de Mgr Pierre d’Ornellas, Parole et Silence, 2009, p. 47-85.

  • 7 En France, l’INRA, à Jouy-en-Josas, est à la pointe dans ce domaine. On sait les discussions en cours sur l’accès à la consommation de viande ou de lait provenant de bovins clonés.

  • 8 A. French et al., « Development of Human cloned Blastocysts Following Somatic Cell Nuclear Transfer (SCNT) with Adult Fibroblasts », dans Stem Cells, 2008, vol. 26, p. 485-493.

  • 9 En février 2004, la revue Science publie un article du professeur sud-coréen W.-S. Hwang qui rapporte avoir établi une lignée de cellules souches embryonnaires humaines dérivées d’un embryon créé par transfert de noyau. Cet article, ainsi qu’un autre en mai 2005, ont eu un retentissement mondial. C’est une étape essentielle en direction du « clonage thérapeutique » qui semble avoir été franchie. Le professeur Hwang devient un héros national en Corée du sud, avant que l’on dénonce les conditions dans lesquelles il avait obtenu les indispensables ovules, puis que l’on découvre que les résultats étaient truqués.

  • 10 Une cellule pluripotente est capable de se différencier en n’importe quelle sorte de cellule, mais ne peut pas être à l’origine d’un nouvel individu.

  • 11 Cf. J.-H. Kim et al., « Dopamine neurons derived from embryonic stem cells function in an animal model of Parkinson’s disease », dans Nature 2002, vol. 418, p. 50-56 ; H. Keirstead et al., « Human embryonic stem cell derived oligodendrocyte progenitor cell transplants remyelinate and restore locomotion after spinal cord injury », dans The Journal of Neuroscience, 2005, vol. 25, p. 4694 – 4705.

  • 12 La Food and Drug Administration américaine (FDA) a autorisé le 23 janvier 2009 la société californienne Geron à entreprendre les premiers essais cliniques de traitement de la moelle épinière à partir de cellules dérivées de cellules ES humaines.

  • 13 « Certaines expériences, bien que montrant une amélioration partielle du comportement, ont également montré la tumorogénèse des cellules souches embryonnaires injectées. La formation de tumeurs est toujours un problème pour l’utilisation clinique potentielle des cellules souches embryonnaires ; la croissance incontrôlée des cellules natives ou même des cellules progénitrices dérivées de cellules ES est un facteur qui a, jusqu’à présent, rendu impossible leur utilisation chez l’homme » (D.A. Prentice, « Current Science of Regenerative Medicine with Stem Cells », dans Journal of Investigative Medicine, 2006, vol. 54, p. 33-37. Traduction française sur le site Genethique.org : « Données actuelles de la science dans les thérapies régénératrices par cellules souches »).

  • 14 Cette voie de recherche prometteuse a été ouverte en 2006 par une équipe japonaise de l’université de Kyoto sous la direction de Shinya Yamanaka. Cf. K. Takahasi, S. Yamanaka, « Induction of Pluripotent Stem Cells from Mouse Embryonic and Adult Fibroblast Cultures by Defined Factors », dans Cell, vol. 126, p. 663-676.

  • 15 Voir par exemple : J.A. Robertson, « Deux modèles de clonage humain », dans F. Haldemann, H. Poltier, S. Romagnoli, (dir.), Le clonage humain en arguments, (cité supra n. 2), p. 237-265 ; J. Harris, « “Goodbye Dolly ?” : l’éthique du clonage humain », dans Ibid., p. 107-122.

  • 16 Cf. H. Atlan, « Le “clonage” thérapeutique », dans F. Haldemann, H. Poltier, S. Romagnoli, (dir.), Le clonage humain en arguments, (cité supra n. 2), p. 147-152, spécialement p. 149-150.

  • 17 A. Kahn, « Le clonage “thérapeutique” et le statut de l’embryon », dans A. McLaren (dir.), Le clonage, (cité supra n. 2), p. 118.

  • 18 Ibid.

  • 19 Ibid., p. 118-119.

  • 20 L’objection sans cesse répétée tirée du phénomène de la gémellité ne tient pas. Un individu est indivis, ses composants sont intégrés dans une unité (ce qui le distingue de l’agrégat). Mais, au moins dans les stades élémentaires de la vie, il n’est pas nécessairement indivisible : « Pour rappel, un individu n’est pas indivisible, mais un indivis (indivisum in se), un ensemble organique et autonome que sa singularité originale distingue actuellement de tout autre (et divisum a quolibet alio) » (A. Chapelle, s.j., « Pour lire “Donum vitae” », dans NRT 109 [1987] 488). Dès la constitution de la cellule initiale (zygote ou ovule recomposé), l’embryon humain répond à la définition de l’individu. Il n’est pas interdit de penser qu’une ou plusieurs cellules puissent se détacher d’un embryon précoce pour en former un autre sans que le premier soit détruit.

  • 21 Congrégation pour la doctrine de la foi, Instruction Donum vitae, I, 1.

  • 22 Cf. Donum vitae, I, 1 et Dignitas personae, Première partie, n. 4 à 6.

  • 23 Congrégation pour la doctrine de la foi, Instruction Dignitas personae n. 30 (souligné dans le texte).

  • 24 La thèse de l’ontologie progressive est soutenue par Anne Fagot Largeault et Geneviève Delaisi de Parseval dans un article de la revue Esprit : « Qu’est-ce qu’un embryon ? Panorama des positions philosophiques actuelles », dans Esprit, Juin 1989, p. 86-120. Paul Ricœur s’y rallie dans : Soi-même comme un autre, coll. Points Essais, Paris, Seuil, 1996, p. 314-317.

  • 25 Cf. Ph. Caspar, La saisie du zygote humain par l’esprit. Destin de l’ontogenèse aristotélicienne, coll. Le Sycomore, Paris, édition Lethielleux, Namur, Culture et Vérité, 1987.

  • 26 Cl. Bruaire, L’être et l’esprit, coll. Épiméthée, Paris, Presses Universitaires de France, 1983, p. 6.

  • 27 Ibid., p. 6.

  • 28 Ibid., p. 196.

  • 29 Cl. Bruaire, Une éthique pour la médecine. De la responsabilité médicale à l’obligation morale, préface du professeur E.-C. Froge, Fayard, 1978, p. 72.

  • 30 Ibid., p. 71-72.

  • 31 La joie devant le nouveau-né est le point de départ de L’être et l’esprit : « La joie des parents au premier sourire de l’enfant, c’est l’allégresse en présence de l’être manifeste, à la prime parution de l’esprit » (L’être et l’esprit, [cité supra n. 26], p. 36).

  • 32 Ibid., p. 35.

  • 33 « Les puissances de l’esprit, désir, liberté en acte, pensée sise dans le langage … » (Ibid., p. 57).

  • 34 Ibid., p. 70.

  • 35 Ibid., p. 66.

  • 36 Claude Bruaire forge ce terme. Il explique que « ce vocable [est le] seul adéquat pour conjuguer les mots grecs signifiant l’être et le don » (Ibid., p. 51, note 1).

  • 37 Ibid., p. 198.

  • 38 Cf. Aristote, Histoire des animaux (VII, 3).

  • 39 Cf. P. Ide, Le zygote est-il une personne humaine ?, coll. Questions disputées : Saint Thomas et les thomistes, Paris, Pierre Téqui, 2004.

  • 40 Cf. Dame Mary Warnock, Report of the Committee of Inquiry into Human Fertilization and Embryology, London, Her Majesty’s Stationary Office, 1984. Traduction française : Fécondation et embryologie humaines (dit Rapport Warnock), trad. I. Espalieu, Paris, La Documentation française, 1985.

  • 41 Cf. Académie pontificale pour la vie, L’embryon humain dans la phase préimplantatoire. Aspects scientifiques et considérations bioéthiques, Città del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana, 2006.

  • 42 « Dès que l’ovule est fécondé, se trouve inaugurée une vie qui n’est ni celle du père, ni celle de la mère, mais d’un nouvel être humain qui se développe par lui-même. Il ne sera jamais rendu humain s’il ne l’est pas dès lors » (Congré-gation pour la doctrine de la foi, Déclaration Questio de Abortu sur l’avortement provoqué, 12, cité dans Donum vitae I,1). Nous avons discuté plus haut (note 20) l’objection tirée du phénomène de la gémellité homozygote.

  • 43 Cf. Somme Théologique, I, Q. 76 ; Q. 118, a. 2.

  • 44 « Corps et âme, mais vraiment un » (Gaudium et spes 14) ; « comment un individu humain ne serait-il pas une personne humaine ? » (Donum vitae, I, 1). L’expression « corps embryonnaire » qu’emploie la Congrégation pour la Doctrine de la foi dans la récente instruction Dignitas personae (2008) est une manière de dire que « l’embryon humain a donc, dès le commencement, la dignité propre à la personne » (Dignitas personae 5).

  • 45 Ps 139,13 : « C’est toi qui m’as formé (qānîtā) les reins, qui m’as tissé (tesukkēnî) au ventre de ma mère » ; Jb 10,8-12 : « Tes mains m’ont façonné (‘iṣṣebûnî), créé (wayya‘ăśûnî) ; puis, te ravisant, tu voudrais me détruire ! Souviens-toi : tu m’as fait (‘ăśîtānî) comme on pétrit l’argile et tu me renverras à la poussière. Ne m’as-tu pas coulé comme du lait et fait cailler comme du laitage, vêtu de peau et de chair, tissé en os et en nerfs ? Puis tu m’as gratifié de la vie, et tu veillais avec sollicitude sur ámon souffle ».

  • 46 H. de Lubac (Cardinal), Sur les chemins de Dieu, coll. Traditions chrétiennes, Paris, Cerf, 1983, p. 13.

  • 47 Nous empruntons le néologisme « nescience » à Paul Beauchamp commentant Gn 2,21-22 : « La nescience de l’Adam a pour effet qu’il ne connaît pas la naissance de la femme et donc n’a pas de maîtrise d’elle » (P. Beauchamp, L’un et l’autre Testament, t. 2, Accomplir les Écritures, coll. Parole de Dieu, Paris, Seuil, 1990, p. 128.)

  • 48 Cf. Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, Q. 27, a. 2 ; Q. 33, a. 3, rép.

  • 49 « Dans le quotidien de son exercice, le médecin est en contact avec des embryons très différents, même si leur développement biologique est identique. Il y a ceux qui, bien que vivants, sont sans avenir du fait de l’absence de désir de leurs géniteurs. Il y a ceux, encore à peine formés, voire inexistants, mais si réels, si ardemment voulus par leurs parents. D’où mon idée de définir la dignité de l’embryon par le projet dont il est porteur » (R. Frydman, Dieu, la médecine et l’embryon, Paris, Odile Jacob, 1997, p. 13-14).

  • 50 Cf. L. Ségalat, La fabrique de l’homme. Pourquoi le clonage humain est inévitable, Paris, Bourin éditeur, 2008.

  • 51 Cf. X. Lacroix, Passeurs de vie. Essai sur la paternité, Paris, Bayard, 2004. Chapitre 1 : « Un lien tressé de plusieurs fils ».

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