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Le livre de l'Exode. Questions fondamentales et questions ouvertes

Jean-Louis Ska s.j.
Le livre de l'Exode est beaucoup plus complexe que le livre de la Genèse. Il contient en effet des narrations, des textes législatifs et des textes liturgiques. Il pose aussi de nombreux problèmes du point de vue de la critique textuelle, de la composition littéraire, de la théologie et de la structure d'ensemble. Ces différents aspects font l'objet d'un bref examen suivi de quelques propositions de solution. En gros, le livre décrit le passage de la servitude en Égypte au service de Dieu dans le désert (G. Auzou), où le Seigneur est reconnu et intronisé comme seul vrai souverain d'Israël.

I – Introduction

Le livre de l’Exode est, avec le livre des Nombres, l’un des deux livres les plus compliqués du Pentateuque. Il l’est pour plusieurs raisons, mais surtout à cause de la variété des matériaux qu’il contient [2]. Le lecteur y trouve des narrations telles que le récit de la sortie d’Égypte (Ex 1,1 – 15,21), suivi d’une série d’épisodes sur les premières étapes d’Israël dans le désert (15,22 – 18,27). Ensuite commence la longue section sur le séjour d’Israël près du mont Sinaï (19,1 – Nb 10,10). Dans le livre de l’Exode, nous assistons à plusieurs épisodes : la théophanie (19,1-25 ; 20,18-21), la proclamation du décalogue (20,1-17) et du code de l’alliance (20,22 – 23,19). À partir de ce moment, les choses se compliquent. Suite aux instructions sur le départ et l’entrée dans la terre promise (23,20-33), événements qui auront lieu bien plus tard, le premier en Nb 10,11 et le second dans le livre de Josué, le lecteur assiste à plusieurs rituels qui concluent la première phase de la théophanie et de la proclamation de la loi (24,1-11). Ensuite commence une longue section qui contient les directives divines sur la construction du sanctuaire et l’organisation du culte (24,12 – 31,18). Le lecteur s’attendrait à trouver, immédiatement à la suite de ces instructions, un récit où Moïse et le peuple se mettent à l’œuvre pour construire le sanctuaire et fabriquer tous ses accessoires. Il n’en est rien. La séquence est interrompue par la narration de l’épisode du veau d’or (32,1-35) suivi des longues négociations entre Dieu et Moïse pour remettre les choses au point, c’est-à-dire pour rétablir de nouveaux rapports ou une « nouvelle alliance » entre Dieu et son peuple (33,1 – 34,35). C’est alors seulement que le lecteur assiste à la construction du sanctuaire et à l’organisation du culte (35,1 – 40,38). La finale est abrupte puisque tout se termine au moment où la « gloire du Seigneur [Yhwh] » prend possession du sanctuaire en seulement deux versets (40,34-35). Comme nous le verrons, cette finale un peu abrupte a sans doute son sens. Mais le point le plus important qui ressort de ce premier parcours est la variété des matériaux qui sont rassemblés dans le livre de l’Exode. Le lecteur y trouve, côte à côte, des narrations, des textes législatifs et des textes cultuels. Le tout est organisé selon un ordre chronologique et semble donc faire partie d’une sorte de chronique des événements qui vont de l’oppression des Israélites en Égypte (Ex 1,1-22) jusqu’au moment où la gloire de Yhwh vient prendre possession de la tente de la rencontre (40,34-38). Mais cette première impression n’est qu’apparente. Il est en effet difficile de comprendre la logique de cette chronique qui relate, par exemple, bien peu de choses sur la vie des Hébreux durant tout le temps des plaies d’Égypte ou sur les difficultés de la vie quotidienne des familles durant la marche dans le désert, mais qui ne nous épargne aucun détail sur la construction du sanctuaire et de ses accessoires. Quels sont les principes qui ont guidé le choix des compilateurs du livre de l’Exode ? Pourquoi, entre autres, terminer le livre par la consécration de la tente de la rencontre ? Voilà une première série de questions qui se posent à qui entreprend l’étude du livre de l’Exode.

Le livre de l’Exode est donc complexe, déjà du simple point de vue littéraire. D’autres difficultés s’ajoutent à celle-ci. Je voudrais mentionner quatre séries de questions en particulier sans vouloir, en aucune façon, être exhaustif : la critique textuelle, la genèse ou la composition, les questions théologiques et la structure du livre.

II – Les problèmes de critique textuelle

1 – Exode 35-40 en hébreu, en grec et en latin

Les travaux sur le texte massorétique (TM) ont reçu une impulsion nouvelle depuis les découvertes de Qumrân en 1947. Ces travaux ont eu plusieurs conséquences. La première est que de plus en plus d’exégètes pensent aujourd’hui que le TM ne représente plus nécessairement la seule et authentique tradition manuscrite. D’autres traditions peuvent contenir, à l’occasion, un texte meilleur ou un texte plus ancien. Il faut tenir compte, désormais, des autres traditions, par exemple des textes de Qumrân, lorsqu’ils sont disponibles, de la traduction grecque de la Septante (LXX) et du Pentateuque Samaritain, sans parler des autres versions, entre autres la Vetus latina et la Vulgate [3]. Quelques exemples vont illustrer la chose.

Le cas le plus frappant est celui d’Ex 35-40. Cette section du livre, comme nous venons de le voir, décrit la construction du sanctuaire et la fabrication de tous ses accessoires selon les instructions données par Dieu à Moïse précédemment (Ex 25-31). Comme tel, le texte ne devrait présenter aucune difficulté. Or, il existe un grand nombre de différences entre le TM et la LXX. Les différences sont signalées par les éditions critiques, entre autres la Biblia Hebraica Stuttgartensia[4].

Le texte de la LXX est plus court et l’ordre des versets n’est pas le même que celui du TM. Parmi les différences les plus importantes, notons que la LXX omet 36,20-34 TM, une section sur la charpente du sanctuaire, et 37,25-28 TM qui décrivent la construction de l’autel des parfums. De même, la longue description des tentures (36,8b-19 TM) est résumée en deux versets dans la LXX (37,1-2) [5]. Ces différences avaient déjà été notées — au moins en partie — par Origène [6].

Ce n’est pas tout. Une étude de la Vetus latina qui, pour cette partie de l’Exode, nous est conservée dans le manuscrit Monacensis, permet de faire un pas de plus [7]. En effet, la Vetus latina est une traduction latine faite sur la LXX et qui n’a plus été utilisée — ni révisée — dès que Jérôme imposa la Vulgate. Elle est donc un témoin privilégié de l’état de la LXX avant l’introduction de la Vulgate au Ve siècle. Or, le Monacensis diffère en plusieurs endroits de la LXX qui semble bien avoir été corrigée pour correspondre davantage au TM. Toujours est-il que pour Pierre-Maurice Bogaert, spécialiste de la question, l’état le plus ancien du texte d’Ex 35-40 est à rechercher dans la Vetus latina. Une des différences entre le Monacensis et le TM concerne l’architecte de la tente de la rencontre. Pour le Monacensis, il s’agit de Ohaliab de Dan, tandis que le TM lui préfère Beçalel de Juda — une touche chauviniste du TM d’origine judéenne, pourrait-on dire. De même le Monacensis donne un habit rituel aux lévites alors que pour le TM les vêtements sacerdotaux ne sont plus fabriqués par les artisans et les restes de tissus ne sont pas attribués aux lévites. Le TM insiste donc davantage sur les privilèges des prêtres par rapport aux lévites, ce qui correspond bien à ce que nous connaissons par ailleurs du sacerdoce postexilique durant l’époque hellénistique et romaine.

Du point de vue de l’histoire du texte, la comparaison entre la Vetus latina, la LXX et le TM invite à penser (1) qu’au point de départ les instructions sur le culte d’Ex 25-31 se limitaient à peu de chose ou n’existaient pas ; (2) que le texte le plus ancien contenait surtout la description d’Ex 35-40, dans une forme plus brève et dans un ordre qui est préservé par le manuscrit Monacensis ; (3) que, par la suite, les instructions d’Ex 25-31 ont été ajoutées pour introduire par un discours divin les chap. 35-40, puis que ces derniers ont été révisés, complétés, et réarrangés en fonction de ces chap. 25-31 nouvellement introduits.

2 – Exode 24,9-11 en hébreu et en grec

Il est un autre exemple très intéressant parce qu’il oblige à tirer une conclusion opposée à la première. Il s’agit d’Ex 24,9-11 où, cette fois, nous avons de bonnes raisons de croire que la LXX a introduit une correction théologique importante. En Ex 24,10 le TM dit que « [Moïse et Aaron, Nadab et Abiu et soixante-dix parmi les anciens d’Israël] virent le Dieu d’Israël ». La LXX lit un texte différent : « Ils virent le lieu où se tenait le Dieu d’Israël ». De même au v. 11, là où le TM dit que les mêmes personnages « contemplèrent Dieu », la LXX a un texte assez différent qui, traduit littéralement, donne ceci : « ils apparurent au lieu de Dieu ». Il faut évidemment comprendre que les notables d’Israël, Moïse en tête, se sont montrés ou ont été reçus dans la « résidence » de Dieu. Il est assez évident que la LXX a corrigé le texte pour éviter de dire que des êtres humains aient pu voir Dieu. La Bible dit plusieurs fois qu’il est impossible de voir Dieu sans mourir [8]. C’est pourquoi la LXX remplace « Dieu » par le « lieu » qui peut être une référence au temple de Jérusalem [9]. Cette tendance s’accentuera dans le judaïsme rabbinique.

3 – Le texte massorétique et le Pentateuque samaritain

Il est un autre cas où la supériorité du TM par rapport aux autres versions est assez évidente. Il s’agit de la version du décalogue dans le Pentateuque samaritain (Sam) [10]. En effet, le Sam ajoute, à la suite du dernier commandement, l’ordre de construire un autel sur le mont Garizim à partir de citations qui proviennent de Dt 11,29 et 27,2-7 [11]. Cette fois, il est évident que Sam a voulu donner toute son importance à « son » autel du mont Garizim en lui conférant autant d’importance qu’aux commandements proclamés par Dieu lui-même tout au début de la théophanie du Sinaï [12]. De même, le Sam ajoute le texte de Dt 1,9-18 à la suite d’Ex 18,24. Dt 1,9-18 et Ex 18,14-24.25-27 parlent en effet de l’institution de juges et officiels par Moïse [13].

Dans le récit des plaies, le Sam offre un texte plus complet que le TM parce qu’il rapporte avec exactitude l’exécution des ordres divins par Moïse ou Moïse et Aaron, alors que le TM, fidèle en cela aux règles de la concision propres aux récits bibliques, est beaucoup plus elliptique [14]. Selon J.E. Sanderson, la tendance du Sam à la répétition, en particulier dans le récit des plaies d’Égypte, et à compléter le texte de l’Exode à partir du Deutéronome se trouve déjà dans un fragment de l’Exode découvert à Qumrân [15].

En conclusion, il est devenu manifeste qu’il existe différentes traditions manuscrites et que chacune à sa valeur. Il ne faut donc pas nécessairement privilégier le TM, même s’il reste le texte normatif pour la synagogue et les églises chrétiennes.

III – Problèmes de composition littéraire

1 – Textes sacerdotaux (P) et non sacerdotaux

Comme chacun sait, il n’existe plus actuellement de consensus dans les études sur le Pentateuque. La situation confine parfois même au chaos [16]. Il ne m’est bien évidemment pas possible d’énumérer tous les problèmes que le livre de l’Exode pose aujourd’hui à l’exégèse critique, ni toutes les discussions qu’il suscite et, encore moins, de proposer quelque solution que ce soit.

Cette situation confuse est sans doute due à deux facteurs principaux. D’une part, le texte du livre de l’Exode est, comme nous l’avons vu, complexe et peu unifié. Certaines sections ont depuis longtemps posé problème, par exemple Ex 19 et 24 ou encore Ex 32-34. D’autre part, il est évident que de très nombreux exégètes, appartenant à des cultures, des confessions et des mentalités très différentes, se sont penchés sur le même texte. Il n’est donc pas étonnant que des avis très divergents et même contradictoires aient pu être exprimés sur les mêmes points. Il n’en reste pas moins vrai que J. Wellhausen considérait que l’ensemble des livres de l’Exode, du Lévitique et des Nombres, étaient plus faciles à étudier que le livre de la Genèse et que, si l’étude critique du Pentateuque avait commencé par l’Exode et non par la Genèse, l’hypothèse documentaire se serait imposée immédiatement plutôt que l’hypothèse des suppléments (ou des fragments). Pour Wellhausen, il est en effet aisé de montrer que, dans Exode — Nombres, le Jéhoviste (JE) — source qui, dans le système de Wellhausen réunit le Yahwiste [J] et l’Élohiste [E] — n’est pas un complément du récit sacerdotal (P), mais bien une source indépendante [17]. Wellhausen, comme chacun sait, voulait surtout montrer que le Sacerdotal était postérieur à JE.

15J’ai cité Wellhausen pour une raison très simple. Aujourd’hui, en effet, les exégètes parlent de plus en plus volontiers de deux sources principales en ce qui concerne le Pentateuque. La terminologie peut varier, mais, pour l’essentiel, ils distinguent souvent textes sacerdotaux et textes non-sacerdotaux [18]. Certains continuent à parler du Yahwiste (J), par exemple J. Van Seters et Ch. Levin. Pour ces deux auteurs, toutefois, il s’agit d’une source postexilique [19].

16Le problème le plus important est celui des textes non-sacerdotaux. Plusieurs auteurs, à la suite de R. Rendtorff et d’E. Blum, pensent qu’ils sont en majorité d’inspiration deutéronomique ou deutéronomiste. D’autres pensent au contraire qu’il existe une série de textes post-deutéronomistes et post-sacerdotaux. La question est encore débattue, même si la tendance actuelle va plutôt dans le sens d’une datation tardive d’une série de textes non-sacerdotaux [20].

2 – Les deux « mythes de fondation » d’Israël

17Il est un autre problème important qu’il vaut la peine de mentionner. Il n’est pas entièrement neuf, mais il a connu ces dernières années un notable regain d’intérêt. Il s’agit des liens entre les traditions de la Genèse et celles de l’Exode. La thèse de plus en plus défendue ces dernières années est qu’il existe en réalité deux « mythes de fondations » d’Israël [21]. Le premier, contenu dans le livre de la Genèse, est l’histoire patriarcale. Selon ces récits, l’identité d’Israël est de type généalogique. L’Israélite se définit comme un descendant d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. On pourrait ajouter : et non de Lot, d’Ismaël, ou d’Ésaü, entre autres. Le principe identitaire est généalogique et ethnique. À côté de ce premier mythe de fondation, il en existe un autre que l’on peut définir comme juridique parce que basé sur l’observance de la loi et de l’alliance. Il est présent dans l’ensemble des livres suivants, de l’Exode au Deutéronome, et la figure principale de cet ensemble est bien sûr Moïse. Si le premier principe est de l’ordre de la nature et des liens de sang, le second est de l’ordre de la liberté et de la culture puisque basé sur l’engagement libre dans l’alliance et la promesse d’observer la loi (Ex 24,3-8) [22].

18Il est vrai que les différences entre le livre de la Genèse et le livre de l’Exode sautent aux yeux. Le Dieu de la Genèse est celui d’une alliance unilatérale et il est peu exigeant du point de vue du comportement. Le monde du livre de la Genèse est celui du clan et Dieu est l’allié inconditionné du clan, s’il est permis de s’exprimer ainsi. Le Dieu de l’Exode est le Dieu de la liberté et de la responsabilité, il est le Dieu de la Torah et de l’alliance. Il devient un Dieu exigeant qui demande des comptes à son peuple.

19Du point de vue littéraire, les liens entre les deux livres sont souvent ténus et plusieurs auteurs considèrent qu’ils sont tardifs. Par exemple, il n’est plus guère question de la terre promise aux patriarches dans le livre de l’Exode (cf. Ex 32,13 ; 33,1). En outre, Dieu ne promet pas à Moïse de conduire son peuple dans la terre promise à Abraham, Isaac et Jacob après l’avoir libéré de l’esclavage égyptien. Le texte parle de la « terre où coulent le lait et le miel » (Ex 3,8.17), alors que Dieu vient de se révéler comme le Dieu des trois patriarches (Ex 3,6.15.16 ; 4,5). Ce sont les textes sacerdotaux qui, pour la première fois, affirment avec le plus de clarté les liens entre Genèse et Exode en faisant de l’Exode l’accomplissement des promesses faites par Dieu dans le livre de la Genèse (Ex 2,23-25 ; 6,2-8) [23].

20Cette question des rapports entre Genèse et Exode est encore débattue et n’a pas encore reçu de réponse définitive [24]. Il reste à savoir, par exemple, si la fin de l’histoire de Joseph n’envisage pas le retour des fils de Jacob en Égypte et si la naissance de Moïse peut s’interpréter indépendamment d’Ex 1 et de la menace qui pèse sur tous les nouveau-nés d’Israël après Ex 1,22, comme le pensent certains [25]. Faut-il aller jusque là ?

IV – Quelques problèmes théologiques

21Les problèmes théologiques du livre de l’Exode sont très nombreux. Il me faudra à nouveau me contenter d’en citer seulement quelques-uns qui, à mon sens, ont une plus grande importance. Les deux premiers, le problème de l’endurcissement du cœur et celui de la mort des premiers-nés, sont plus connus. Les deux suivants, l’importance de la loi et du culte, méritent qu’on s’y attarde davantage qu’on ne le fait d’habitude.

1 – L’endurcissement du cœur [26]

22Le thème est très souvent traité et la bibliographie sur le sujet est très longue [27]. Le problème théologique est celui de la liberté. Si Dieu endurcit le cœur de Pharaon, celui-ci est-il encore responsable de ses actes et, par conséquent, peut-il être châtié par Dieu ? Plusieurs solutions ont été proposées. Pour d’aucuns, le vocabulaire de l’endurcissement est celui de la lutte. Dieu « incite » le Pharaon à se mesurer avec lui [28]. Les textes invoqués à l’appui de cette thèse sont Dt 2,30 ; Jos 11,20 ; Is 63,17. Sans entrer dans une longue discussion, il semble toutefois que le contexte de l’endurcissement du cœur soit plutôt à chercher dans le monde prophétique. L’argument principal vient du contexte : Moïse discute avec le pharaon et cherche à le convaincre. Il ne cherche pas à l’entraîner dans une guerre. Les textes prophétiques les plus importants sont Is 6,10 ; Ez 2,4 ; 3,7 [29]. Ensuite, le récit d’Exode 14 ne contient pas, quoi qu’on en dise, un vrai récit de bataille. Israël ne combat pas et assiste en spectateur passif à la « défaite » des Égyptiens (voir Ex 14,13-14.30-31) [30].

23Quel est alors le sens théologique de l’endurcissement du cœur ? En quelques mots, il me semble qu’il faille replacer ce thème dans son contexte culturel, c’est-à-dire celui d’un monde théocentrique et non pas anthropocentrique comme le nôtre. Le problème principal du récit des plaies d’Égypte n’est pas celui de la liberté et de la responsabilité de pharaon. Il est plutôt celui de la puissance du Dieu d’Israël. Le récit veut montrer que cette puissance s’étend jusqu’en Égypte et que même le personnage le plus puissant de cette époque ne peut se soustraire au pouvoir du Dieu d’Israël. C’est pourquoi il fallait montrer que la parole de Dieu est efficace même lorsque quelqu’un refuse d’écouter, ce qui est le cas de pharaon. Le but des plaies est la « reconnaissance » de Dieu et de sa souveraineté [31]. D’où ce langage paradoxal : c’est le message de Dieu, transmis par Moïse, qui « endurcit le cœur », c’est-à-dire qui provoque ou entraîne le refus de pharaon. Celui-ci n’a jamais l’initiative et ne peut agir indépendamment du Dieu d’Israël. Il est donc essentiel d’interpréter le thème selon ses propres paramètres culturels et religieux.

2 – La mort des premiers-nés [32]

24La mort des premiers-nés est un autre thème qui scandalise le lecteur moderne [33]. Peut-on encore aujourd’hui chanter le verset 10 du Ps 136 : « Il frappa l’Égypte en ses premiers-nés, car éternel est son amour ! » Qu’ont pu penser les parents égyptiens de cet amour de Dieu qui massacre des enfants innocents [34] ?

25Ici encore, il est important d’aborder le problème à partir de son contexte culturel et littéraire. Du point de vue culturel, il est évident que le texte biblique ne cherche en aucune façon à comprendre le point de vue égyptien. Il est partial et unilatéral. La seule chose qui compte à ses yeux est la libération d’Israël. Par ailleurs, il est certain que la mort de l’héritier du trône est une catastrophe nationale parce que la succession est remise en cause et, avec elle, la stabilité du royaume [35]. C’est donc une calamité sans pareille qui touche l’Égypte.

26D’un point de vue littéraire, il est important de se souvenir que la mort des premiers-nés est la dernière, la dixième des plaies. Elle est précédée de neuf autres plaies qui sont autant d’avertissements donnés au pharaon et aux Égyptiens. Ils avaient donc été prévenus et le récit insiste beaucoup sur ce point. En outre, il est très probable que le récit actuel soit un embellissement d’un récit plus ancien où seul le fils premier-né du pharaon, l’héritier du trône, était frappé par la maladie et mourait, comme semble le suggérer Ex 4,22-23.

27Il n’en reste pas moins vrai que pour une théologie plus attentive à la dignité de tous les êtres humains devant Dieu, tout comme à la justice universelle, ce récit ne peut plus être pris au pied de la lettre et demande à être corrigé en fonction d’une image de Dieu plus affinée et plus nuancée.

3 – Les lois et la « constitution » d’Israël [36]

28Les textes législatifs n’ont guère la sympathie des lecteurs de la Bible. C’était déjà le cas de J. Wellhausen dans un célèbre paragraphe introductif de ses Prolegomena[37]. La question qu’il convient de poser ne dépend pas, toutefois, des humeurs du monde contemporain. Il s’agit de savoir pourquoi le Pentateuque contient autant de lois et des lois aussi détaillées. Cela vaut en particulier pour le livre de l’Exode. Est-ce donc bien nécessaire ? Deux raisons principales permettent de comprendre la chose, à mon avis.

a – Israël a ses propres lois

29Le propre d’une nation, que ce soit dans l’antiquité comme de nos jours, est d’avoir ses propres lois. Une nation gouvernée par une autre nation obéit aux lois de cette autre nation. Or Israël a tout au long de son histoire subi l’influence d’encombrants voisins, l’Égypte d’une part et les puissances de la Mésopotamie de l’autre, l’Assyrie d’abord et la Babylonie ensuite. D’un point de vue politique et idéologique, il était important de démontrer qu’Israël possédait ses propres lois. Il s’agissait d’une question de prestige, mais pas seulement de prestige. Il en allait aussi de l’indépendance politique, culturelle et religieuse de la nation.

30Le rôle fondamental d’une législation propre est devenu encore bien plus important durant et après l’exil, lorsqu’Israël est devenu une province de l’empire babylonien, puis perse. C’est très probablement sous l’empire perse, d’ailleurs, que notre Pentateuque a été compilé, en partie au moins à partir de sources anciennes. La communauté postexilique a montré qu’elle avait une identité juridique propre en compilant et en organisant ses anciennes collections de lois [38]. Israël est une « nation » parce qu’elle a ses propres lois dont elle est d’ailleurs très fière. Si d’autres peuples peuvent se vanter de leurs conquêtes ou de leur culture, par exemple de leurs grandes réalisations architecturales ou artistiques, de leurs écrivains, de leurs philosophes ou de leurs poètes, Israël se vante de posséder une loi qu’il considère sans pareille [39].

31Il est possible qu’Israël ait commencé à mettre ses lois par écrit sous l’influence de la Mésopotamie. Ce petit royaume — je parle du royaume du nord, celui de Samarie — a imité son puissant voisin et a voulu montrer, de cette manière, qu’il pouvait se targuer, lui aussi, de posséder ses propres lois. L’influence des lois mésopotamiennes sur le « code de l’alliance » (Ex 21-23) a, en effet, été souvent soulignée [40].

b – Les lois d’Israël sont plus anciennes que la monarchie

32À cela s’ajoute un autre élément essentiel dans le monde ancien. Les premières lois d’Israël lui ont été données de suite après la sortie d’Égypte, dans le désert. Ceci veut dire qu’elles sont aussi anciennes que le peuple lui-même. Il n’a pas fallu attendre l’entrée dans la terre ou la monarchie pour avoir des lois. Elles ont été données par Dieu, par l’intermédiaire de Moïse, dans le désert, auprès du mont Sinaï. Si cette loi est plus ancienne que la conquête de la terre et plus ancienne que la monarchie, cela veut dire, dans le monde antique, qu’elle peut survivre à la perte de la terre et à la disparition de la monarchie. Cette loi reste donc valide si Israël ne peut plus vivre dans un territoire indépendant et s’il n’a plus de rois. Il était essentiel, par conséquent, de démontrer que la loi était ancienne, très ancienne, plus ancienne que les conquêtes de Josué ou que la monarchie de Saül, David et Salomon [41].

33Cela est d’autant plus frappant que les lois sont dans la plupart des cas liées à un territoire et proclamées par l’autorité qui gouverne ce territoire. Dans le Proche-Orient ancien, les lois étaient promulguées par les souverains. Or Israël connaît la « loi de Moïse », mais aucune « loi de Saül », « de David » ou « de Salomon ». Même la loi découverte dans le temple sous le roi Josias ne porte pas son nom (2 Rois 22-23). 2 Rois 23,25 — texte sans doute plus tardif que le récit lui-même — parle de la « loi de Moïse ». Israël affirme donc à temps et à contretemps que sa « loi » est plus ancienne que la royauté et ce fait mérite d’être souligné.

4 – Le culte : Israël au « service » de son Dieu — peuple sacerdotal (Ex 19,3) [42]

34Les treize chapitres sur le culte occupent un peu plus d’un quart du livre de l’Exode (Ex 25 – 31 ; 35 – 40). Dans les commentaires sur ce livre, toutefois, ces chapitres n’ont droit qu’à « la portion congrue » [43]. Ils ne reçoivent certainement aucun traitement de faveur. Les raisons sont multiples. Tout d’abord le texte est difficile. Ensuite, les lecteurs chrétiens se souviennent de la lettre aux Hébreux qui souligne la supériorité du culte de la nouvelle alliance sur celui de l’ancienne (He 8,1 – 9,28). Il suffira de citer à cet effet He 9,24 : « Ce n’est pas, en effet, dans un sanctuaire fait de main d’homme, simple copie du véritable, que le Christ est entré, mais dans le ciel même, afin de paraître maintenant pour nous devant la face de Dieu » [44]. Enfin, il est difficile de dire que le texte éveille un grand intérêt chez le lecteur contemporain qui se perd, si l’on peut dire, dans le désordre d’une ancienne sacristie.

35Il doit pourtant y avoir une raison à l’importance que le livre de l’Exode accorde au culte. Certes, il faut sans doute remettre ces chapitres dans leur contexte historique, celui de la communauté postexilique qui se reconstruit autour du temple et qui accorde donc de plus en plus d’importance au culte qui a une fonction clairement identitaire. « Israël » est avant tout une communauté qui se distingue par ses institutions cultuelles [45]. Les livres des Chroniques fournissent, à ce propos, une ample confirmation de l’importance que le culte acquiert durant l’époque perse et hellénistique.

36Mais il est un autre motif, d’ordre plus littéraire. Il convient de se souvenir que le même mot hébreu, ‘?b?dâ, peut signifier tout aussi bien « esclavage », « servitude », « travail », « culte », « liturgie » et « service liturgique ». Un commentaire des années soixante sur le livre de l’Exode avait d’ailleurs été intitulé de façon très appropriée : De la servitude au service[46]. Or, ce passage de la servitude au service est également celui de l’esclavage en Égypte au culte de Dieu dans le désert. Le culte est en réalité une des manifestations les plus éclatantes de la liberté à peine acquise. Il ne faut pas oublier que Moïse et Aaron demandent tout d’abord au pharaon de pouvoir aller célébrer une fête dans le désert. C’était, semble-t-il, la première requête d’un espace de liberté [47]. Ensuite, il vaut la peine de rappeler que la liberté est célébrée anticipativement par la liturgie de la Pâque [48].

37Mais il y a plus. Ex 35,4-29, qui décrit la collecte des matériaux en vue de la construction du sanctuaire, insiste beaucoup sur le fait que les dons sont « volontaires » (35,5.21.22.26.29). Les expressions hébraïques peuvent varier légèrement, mais le sens est très clair [49]. Nous sommes loin des « corvées » et des « travaux forcés » de l’esclavage égyptien (Ex 1,11-12.13-14 ; 5,1-23). Le contraste est frappant et il est probablement intentionnel.

38C’est également grâce au culte qu’Israël devient un « royaume sacerdotal », expression que l’on trouve dans le discours divin d’Ex 19,6 — mamleket koh?nîm. Il est vain de vouloir entamer une discussion sur ce texte. Il me paraît toutefois important de dire que cette expression définit de manière parfaite l’identité de l’Israël postexilique. Israël est un « royaume », même s’il n’a pas de roi, et il se définit par son caractère « sacerdotal ». Comme les prêtres de l’antiquité étaient avant tout des personnes consacrées au service du temple, Israël tout entier est consacré au service de son Dieu [50]. En d’autres termes, Ex 19,3-6 affirme que le Dieu de toutes les nations s’est réservé une de ces nations, Israël, pour son service personnel. Israël est au « service de Dieu » et au « service de la maison de Dieu » comme les serviteurs d’un souverain sont à son service, à la différence des autres sujets du pays qui lui sont simplement soumis [51].

39Les textes sur le culte, dans le livre de l’Exode, sont à interpréter dans ce contexte. Ils supposent que tout le peuple soit au service de son Dieu et que toute activité soit, en fin de compte, un « service de Dieu ». Ceci est confirmé, entre autres, par le fait que les lois de l’Exode — et non seulement celles de l’Exode — unissent droit civil (ius dans le vieux droit romain) et droit cultuel (fas dans le vieux droit romain). Le code de l’alliance, par exemple, commence par une loi sur l’autel (fas ; Ex 20,22-26) et se termine par une autre section de droit cultuel sur le calendrier liturgique (23,10-19). Ces deux sections de droit cultuel entourent une longue section où prédomine le droit civil (ius ; 20,1-23,9). Israël abolit, en principe, la différence entre droit civil et droit cultuel, entre monde profane et monde sacré. Toute activité profane acquiert un sens sacré puisqu’elle devient « service de Dieu ».

V – La structure du livre de l’Exode

40Il est un dernier point qui mérite une certaine attention. Il s’agit de la structure du livre de l’Exode. Plus que d’une organisation de type stylistique, ce qui est à peu près impossible en ce qui concerne l’Exode, il me semble plus opportun de parler d’un concept ou d’un fil conducteur qui permette d’intégrer toutes les composantes du livre que nous avons énumérées au début de cet article.

1 – Quelques essais

41Il existe peu d’essais dans ce sens. Trois d’entre eux méritent d’être mentionnés, ceux de John Durham, Thomas Dozeman et Mark Smith. Le premier propose de voir dans le thème de la « présence de Dieu » le fil conducteur de tout le livre de l’Exode. C’est pourquoi le livre ne peut être considéré comme « a literary or theological goulash » malgré son caractère très composite [52]. Dieu révèle d’abord sa présence à Moïse (Ex 3-4), puis à Israël (Ex 19-20) ou encore à Moïse qui représente Israël (Ex 32-34). Il révèle encore sa présence lorsqu’il libère et soutient son peuple dans le désert (Ex 15-17), lorsqu’il lui communique ses commandements et conclut une alliance avec lui (Ex 20-23, 24), et enfin dans le culte (Ex 25-31 ; 35-40) [53].

42Cette proposition a tous ses mérites. Elle reste toutefois un peu trop abstraite. En effet, le thème de la présence de Dieu peut tout aussi bien servir à expliquer d’autres livres bibliques, par exemple la Genèse où Dieu se révèle dans la création, puis en accompagnant les patriarches, ou le Lévitique où il révèle sa présence en organisant la vie de son peuple autour du sanctuaire. En d’autres termes, de quelle présence divine s’agit-il dans le livre de l’Exode ?

43La proposition de Thomas Dozeman est assez semblable [54]. Pour lui, le livre de l’Exode met en évidence tour à tour la puissance (« power ») et la présence de Dieu. Dans la première partie, Ex 1,1 – 15,21, Dieu manifeste sa puissance, en particulier dans le conflit qui l’oppose au pharaon. Dans la seconde partie (Ex 15,22 – 40,38), Dieu révèle plutôt sa présence. Il répond de cette façon à la question posée par le peuple en Ex 17,7 : « Yhwh est-il au milieu de nous, oui ou non ? ». J’ajouterais que la première partie (Ex 1,1 – 15,21) pourrait répondre à la question que le pharaon pose à Moïse et Aaron en Ex 5,2 : « Qui est Yhwh pour que j’écoute sa voix en laissant partir Israël ? Je ne connais pas Yhwh […] ». La difficulté de cette proposition, à mon avis, est dans sa dualité. Quel est le lien entre la première et la seconde partie ? Il serait essentiel de découvrir un principe structurel qui puisse unir tous les éléments qui composent le livre de l’Exode.

44Une proposition plus ancienne nous vient d’un grand spécialiste des religions du Proche-Orient ancien, Mark Smith [55]. Selon cet auteur, la structure du livre de l’Exode est celle d’un pèlerinage. L’idée de pèlerinage est centrale dans la foi d’Israël, nous dit Mark Smith, et il ne faut pas s’étonner de la retrouver au cœur de l’expérience essentielle du peuple, celle de l’exode. Le livre de l’Exode peut être divisé en deux parties. Dans la première, Ex 1-15, c’est Moïse qui accomplit son pèlerinage vers le mont Sinaï ou Horeb (Ex 3,1) pour y recevoir sa mission. Dans la seconde partie, Ex 16-40, Moïse et le peuple marchent ensemble vers le mont Sinaï pour y faire l’expérience de Dieu et y recevoir leur nouvelle mission. Entre les deux se trouve le chap. 15, un pivot puisque Ex 15,1-12 fait référence au passé récent et 15,13-18 contemple la marche future du peuple vers le Sinaï. Cette proposition contient nombre d’éléments très valables et qui seront d’ailleurs en partie repris dans la proposition que nous voudrions faire à notre tour. Il me semble toutefois qu’elle ne saisit pas exactement ce que le pèlerinage de l’exode a d’unique, ce qui en fait un pèlerinage fondateur. En outre, le pèlerinage ne s’achève pas au Sinaï. La destination finale d’Israël est la terre promise. Ex 15,13-18 décrit la traversée du désert vers la terre promise plus qu’un pèlerinage vers le mont Sinaï.

2 – Une proposition concrète : la souveraineté de Yhwh et son intronisation (Ex 40,34-35)

45Le point de départ de la recherche devrait être, à mon avis, la conclusion du livre. Fréquemment, les commentaires s’étonnent de voir le livre de l’Exode se terminer alors que le peuple est encore au pied du Sinaï et qu’il y restera jusqu’au chap. 10 du livre des Nombres. Nous arrivons à la conclusion de l’Exode, en effet, lorsque la « gloire de Yhwh » vient remplir la tente de la rencontre (Ex 40,34-35) : « La nuée couvrit la tente de la rencontre et la gloire du Seigneur remplit la demeure. Moïse ne pouvait pas entrer dans la tente de la rencontre, car la nuée y demeurait, et la gloire du Seigneur remplissait la demeure ». Ce moment est essentiel, toutefois. Moshe Weinfeld a sans doute le mieux expliqué la chose dans un article datant de 1981 [56].

46Dans les mythes de création du Proche-Orient ancien, le récit de la création se termine par la construction d’un temple pour le dieu créateur. Ce temple n’est autre que le palais de la divinité qui règne désormais sur l’univers qu’elle a créé ou organisé. C’est le cas de Marduk dans le poème Enima elish et de Baal dans les mythes d’Ugarit.

47Dans la Bible, le récit de la création, au contraire, se termine par le « repos » de Dieu (Gn 1,2-3) et il faut attendre, dans le récit sacerdotal auquel appartient Gn 1,1 – 2,3, la construction de la tente de la rencontre pour que Dieu ait un sanctuaire ou un palais au milieu de la création. Les rappels de Gn 1,1 – 2,3 dans les derniers chapitres de l’Exode sont bien connus et ils ont pour but de montrer que nous arrivons ici à la vraie conclusion de ce qui a été amorcé lors de la création du monde [57].

48À présent, le créateur de l’univers peut régner sur sa création parce qu’il s’est acquis un peuple qui le reconnaît comme souverain. Il peut donc établir sa résidence — son palais royal — au milieu du campement d’Israël. Le texte d’Ex 40,34-35 décrit donc un moment décisif pour le peuple d’Israël.

49Pour en arriver là, il a toutefois fallu surmonter bien des obstacles. Tout d’abord, c’est le pharaon qui régnait sur Israël et il a donc fallu que Dieu libère son peuple avant de pouvoir affirmer sa souveraineté sur son peuple comme Moïse le chante en Ex 15,18, après la sortie d’Égypte : « Yhwh est roi à tout jamais ! ». Ceci est la réponse définitive à la question que pose le pharaon lors de la première entrevue avec Moïse et Aaron : « Qui est le Seigneur pour que j’écoute sa voix en laissant partir Israël ? J’ignore le Seigneur et je ne veux pas laisser partir Israël ».

50Lors du passage de la mer et dans le désert, le Seigneur qui a libéré son peuple le protège et le nourrit. De la sorte, il « prouve » en quelque sorte qu’il est bien Seigneur et créateur du ciel et de la terre. C’est ainsi que dans le récit sacerdotal du passage de la mer (Ex 14), Dieu fait apparaître la « terre sèche » qu’il avait fait apparaître au troisième jour de la création (Gn 1,9-10 ; Ex 14,16.22.29 ; cf. 15,19). Le Dieu qui libère son peuple est bien le créateur de l’univers [58].

51Dans le désert, Dieu fournit de l’eau (Ex 15,22-25 ; 17,1-7) et de la nourriture à son peuple (Ex 16,1-17). Dans le récit de la manne réapparaît une autre formule du récit de la création : « C’est la nourriture que Yhwh vous a donné à manger ». La même formule se retrouve en effet en Gn 1,29, 6,21 et Ex 16,15. Encore une fois, le Dieu qui accompagne Israël dans le désert « prouve » qu’il est bien le créateur de l’univers puisqu’il est capable de nourrir son peuple dans cette zone aride et stérile. Dieu donne aussi la victoire à son peuple contre ses ennemis (Ex 17,8-16). Là encore le récit « prouve » que la victoire vient du Dieu d’Israël puisqu’elle est due moins aux prouesses de Josué qu’au geste de Moïse qui reste les mains levées sur le sommet de la montagne (Ex 17,10-12).

52La législation d’Israël et son organisation juridique sont des prérogatives des souverains du Proche-Orient ancien et il est donc normal que Dieu les exerce dans le livre de l’Exode dans les chap. 18 et 19 à 23. Ce souverain, par exemple, n’impose pas sa loi, mais il la propose et elle entre en vigueur uniquement après que l’alliance eut été conclue, c’est-à-dire après que le peuple eut donné son accord (Ex 24,3-8). Nous avons là le principe même de la démocratie [59].

53La construction du palais royal, le sanctuaire, est projetée en Ex 25-31, mais la crise du veau d’or (Ex 32) vient s’interposer entre le projet (Ex 25-31) et sa réalisation (Ex 35-40). Car Israël se choisit un autre « souverain », plus proche et plus visible, le veau d’or en l’occurrence. La construction du sanctuaire et de son ameublement ne pourra commencer qu’ensuite, lorsque la crise sera surmontée et qu’Israël aura reconnu à nouveau la souveraineté du Dieu qui l’a fait sortir d’Égypte.

54Ajoutons une seule note à ces brèves réflexions. Dieu vient habiter une « tente » et non un « temple ». Le Dieu de l’Exode n’attend pas que Salomon lui construise un sanctuaire splendide pour venir habiter au milieu de son peuple. Il vient le rejoindre déjà dans le désert pour partager avec lui les conditions précaires du voyage. Le Dieu de l’Exode fait le voyage avec son peuple. Il est un Dieu « en chemin ». L’évangile de Jean, dans le prologue, dira le dernier mot sur ce goût du voyage qui caractérise le Dieu de la Bible : « Le Verbe s’est fait chair et il a planté sa tente parmi nous » (Jn 1,14) [60].

55En conclusion, c’est à notre avis ce fil conducteur, celui de la souveraineté de Yhwh sur son peuple, et corrélativement le passage d’Israël de la servitude en Égypte au service de Dieu dans le désert, qui permet de comprendre pourquoi le livre de l’Exode commence par la description de l’oppression en Égypte et qu’il se termine par la prise de possession de la tente de la rencontre par la « gloire de Yhwh ». C’est également ce thème qui permet de donner un sens aux nombreux matériaux rassemblés dans le livre.

Conclusion

56La tentation est de conclure ce bref article en plagiant la conclusion de l’évangile selon saint Jean : « Il y aurait encore bien des choses à dire. Mais si on les écrivait toutes, le monde entier ne suffirait pas à contenir tout ce qu’on pourrait écrire sur le livre de l’Exode ». Il y aurait certes d’autres choses à dire, mais il me semble que ceci devrait suffire à donner le goût de lire et relire le livre de l’Exode, le livre qui décrit comment Israël s’est constitué et quelle est la « constitution » qu’Israël s’est donnée. C’était le but que je m’étais fixé et j’espère l’avoir atteint. Que le lecteur en soit le juge !

Notes

  • [1]
    Conférence donnée à Badín (Slovaquie) le 11 septembre 2010 au cours d’un congrès sur le livre de l’Exode. Le texte sera publié en traduction slovaque dans la revue Studia Biblica Slovaca. Je remercie la direction de la revue de me permettre de publier la version française de cette conférence.
  • [2]
    J. DurhamExodus, coll. Word Commentaries 3, Waco, TX, Word Books, 1987, p. xxi, emploie à propos de l’Exode l’expression imagée de “literary or theological goulash” qu’il corrige aussitôt.
  • [3]
    Voir E. TovHebrew Bible, Greek Bible, and Qumran. Collected Essays, coll. Texts and Studies in Ancient Judaism 121, Tübingen, Mohr Siebeck, 2008.
  • [4]
    W. Rudolph – H.-P. Rüger (éds), Biblia Hebraica Stuttgartensia, Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 1984, p. 148, note b à propos d’Ex 38,8.
  • [5]
    Voir P.-M. Bogaert, « L’importance de la Septante et du “Monacensis” de la Vetus latina pour l’exégèse du livre de l’Exode (Chap. 35–40) », dans M. Vervenne (éd.), Studies in the Book of Exodus. Redaction – Reception – Interpretation, coll. BETL 126, Leuven, Peeters, 1996, p. 399-428 (p. 409). Nous résumons son article.
  • [6]
    Origène, La lettre à Africanus sur l’histoire de Suzanne. Introduction, texte, traduction et notes par M. Harl et N. De Lange, coll. Sources Chrétiennes 302, Paris, Le Cerf, 1983, p. 532-533.
  • [7]
    Le manuscrit Monacensis se trouve à la Bayerische Staatsbibliothek de Munich. Il date de la fin du Ve siècle.
  • [8]
    Gn 16,13-14 ; 32,31 ; Ex 19,21 ; 33,20-23 ; Lv 16,2 ; Nb 4,20 ; Dt 5,24 ; Jg 6,22-23 ; 13,22 ; Is 6,5. Ex 33,20-23 est le texte le plus explicite.
  • [9]
    Voir E. Wyckoff, « When Does Translation Become Exegesis ? Exodus 24 :9-11 in the Masoretic Text and the Septuagint », dans CBQ (2011).
  • [10]
    Voir A. Tal (éd.), The Samaritan Pentateuch. Edited According to Ms 6 (C) of the Shekhem Synagogue, coll. Texts and Studies in the Hebrew Language and Related Subjects 8, Tel-Aviv, University Press, 1994.
  • [11]
    Le Samaritain parle de la construction d’un autel sur le mont Garizim en Dt 27,4 tout comme la LXX, la Vetus latina et un fragment de Qumrân. Le TM parle d’un autel à construire sur le mont Ébal. Voir J.H. Tigay, « Conflation as Redactional Technique », dans J.H Tigay (éd.), Empirical Models for Biblical Criticism, Philadelphia, PA, University of Pennsylvania Press, 1985, p. 78-83.
  • [12]
    Voir J.-D. MacchiLes Samaritains. Histoire d’une légende. Israël et la province de Samarie, coll. Le monde de la Bible 30, Genève, Labor et Fides, 1994 ; M. KartveitThe Origin of the Samaritans, coll. SVT 128, Leiden, Brill, 2009.
  • [13]
    Voir Tigay, « Conflation as Redactional Technique… (cité supra n. 11), p. 61-68, 90-91.
  • [14]
    Voir M. GreenbergUnderstanding Exodus, New York, Behrman House, 1969, p. 163.
  • [15]
    J.E. SandersonAn Exodus Scroll from Qumran. 4QpaleoExodm and the Samaritan Tradition, Atlanta, GA, Scholars Press, 1986.
  • [16]
    Voir, par exemple, Th. Römer – Ch. Nihan, « Le débat actuel sur la formation du Pentateuque », dans Th. Römer e.a. (éd.), Introduction à l’Ancien Testament, coll. Le Monde de la Bible 49, Genève, Labor et Fides, 2004, p. 85-113.
  • [17]
    J. WellhausenDie Composition des Hexateuchs und der historischen Bücher des Alten Testaments, Berlin, Georg Reimer, 31899, p. 61.
  • [18]
    Voir Th.B. DozemanCommentary on ExodusI, coll. Eerdmans Critical Commentary, Grand Rapids, MI, Eerdmans, 2009, p. 35-43.
  • [19]
    J. Van SetersThe Life of Moses. The Yahwist as Historian in Exodus-Numbers, Louisville, KY, Westminster John Knox, 1994 ; Ch. LevinDer Jahwist, coll. FRLANT 157, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1993.
  • [20]
    Voir, par exemple, E. Otto,“Die nachpriesterschriftliche Pentateuchredaktion im Buch Exodus”, dans Studies in the Book of Exodus (voir n. 5), p. 61-111.
  • [21]
    Le mot « mythe » est à prendre dans son acception la plus large, c’est-à-dire récit ancien sur les origines.
  • [22]
    Pour un bref résumé sur la question, voir DozemanExodus, p. 18-20. Sur la question des deux mythes de fondation, voir surtout A. De Pury, « Osée 12 et ses implications pour le débat actuel sur le Pentateuque », dans P. Haude Bert (éd.), Le Pentateuque. Débats et recherches. Xive Congrès de l’ACFEB, Angers 1991, coll. LD 151, Paris, Le Cerf, 1992, p. 175-207.
  • [23]
    C’est la thèse de K. Schmid, traduite en anglais sous le titre Genesis and the Moses Story, coll. Siphrut 3, Winona Lake, IN, Eisenbrauns, 2009. Voir, dans le même sens, Ch. BernerDie Exoduserzählung. Das literarische Werden einer Ursprungslegende Israels, coll. FAT 73, Tübingen, Mohr Siebeck, 2010.
  • [24]
    Quelques auteurs continuent à affirmer les liens entre Genèse et Exode, par exemple J. Van Seters, « The Patriarchs and Exodus : Bridging the Gap between Two Origin Traditions », dans R. Roukema e.a. (éd.), The Interpretation of Exodus. Studies in Honour of Cornelis Houtman, Leuven, Peeters, 2006, p. 1-15 ; H.-Ch. Schmitt, « Erzvätergeschichte und Exodusgeschichte als konkurrierende Ursprungslegenden Israels — ein Irrweg der Pentateuchforschung », dans A.C. Hagedorn – H. Pfeiffer (éds), Die Erzväter in der biblischen Tradition. Festschrift für Matthias Köckert, coll. BZAW 400, Berlin – New York, de Gruyter, 2009, p. 241-266.
  • [25]
    Voir K. Schmid, « The So-Called Yahwist and the Literary Gap between Genesis and Exodus », dans Th.B. Dozeman – K. Schmid (éds), A Farewell to the Yahwist ? The Composition of the Pentateuch in Recent European Interpretation, coll. Society of Biblical Literature Symposium Series 34, Atlanta, GA, Society of Biblical Literature, Leiden, Brill, 2006, p. 29-50.
  • [26]
    Voir, dans le récit des plaies, Ex 4,21 ; 7,3.13.14 ; 8,11.28 ; 9,7.12.35 ; 10,1.20 ; 11,10 ; dans le récit sacerdotal du passage de la mer, Ex 14,4.17. Le vocabulaire et les formules varient d’un texte à l’autre, et les textes appartiennent à des sources différentes.
  • [27]
    Voir E. KellenbergerDie Verstockung Pharaos. Exegetische und auslegungsgeschichtliche Untersuchung zu Exodus 1-15, coll. BWANT 171, Stuttgart, Kohlhammer, 2006 ; E.P., MeadorsIdolatry and the Hardening of the Heart. A Study in Biblical Theology, New York, T&T Clark, 2006.
  • [28]
    L’idée a été défendue par P. WeimarUntersuchungen zur priesterschriftlichen Exodusgeschichte, coll. FzB 9, Würzburg, Echter Verlag, 1973, p. 208 ; R.R. Wilson, « The Hardening of Pharaoh’s Heart », dans CBQ 41 (1979) p. 18-36 (p. 33-34).
  • [29]
    Sur ce point, voir J.-L. Ska, « La sortie d’Égypte (Ex 7-14) dans le récit sacerdotal (Pg) et la tradition prophétique », dans Bib 60 (1979) p. 191-215 (p. 213-215).
  • [30]
    Sur ce point, voir J.-L. SkaLe passage de la mer. Étude de la construction, du style et de la symbolique d’Ex 14,1-31, coll. AnBib 109, Rome, Biblical Institute Press, 1986, p. 47-53.
  • [31]
    La formule de reconnaissance « afin que tu/vous sachiez que je suis YHWH/le Seigneur » se retrouve, avec des variantes, dans le récit non sacerdotal des plaies (7,17 ; 8,6.18 ; 9,14.16.29 ; cf. 10,1-2) et dans le récit sacerdotal du passage de la mer (Ex 14,4.18). Cette formule de reconnaissance est une réponse, dans le récit final, à la question posée par le pharaon à Moïse et Aaron en Ex 5,2 : « Qui est Yhwh […] ? Je ne connais pas Yhwh […] ? ».
  • [32]
    Voir Ex 4,22-23 ; 11,1-8 ; 12,29-34.
  • [33]
    Voir J. DayMolech. A God of Human Sacrifice in the Old Testament, Cambridge, Cambridge University Press, 1989.
  • [34]
    Voir, par exemple, W.H. Schmidt, « Die Intention der beiden Plagenerzählungen (Exodus 7 – 10) in ihrem Kontext », dans Studies in the Book of Exodus (voir n. 5), p. 225-243 (p. 225).
  • [35]
    Cf. Am 8,10 ; Za 12,10.
  • [36]
    Voir, entre autres, E. Otto, « Das Recht der Hebräischen Bibel im Kontext der antiken Rechtsgeschichte. Literaturbericht 1994-2004 », dans TRu 71 (2006) p. 389-421 ; Id., « Neue Literatur zur biblischen Rechtsgeschichte », dans ZAR 12 (2006) 72-106. Cf. J.-L. Ska, « Le droit d’Israël dans l’Ancien Testament », dans F. Mies (éd.), Bible et droit. L’esprit des lois, Namur, Presses Universitaires de Namur – Bruxelles, Lessius, 2001, p. 9-43.
  • [37]
    J. WellhausenProlegomena zur Geschichte Israels, Berlin, Georg Reimer, 51899, p. 1.
  • [38]
    À ce propos, voir J.W. Watts (éd.), Persia and Torah. The Theory of Imperial Authorization of the Pentateuch, coll. Society of Biblical Literature. Symposium Series 17, Atlanta, GA, Society of Biblical Literature, 2001.
  • [39]
    Voir Dt 4,6 : « Vous garderez [ces lois], vous les mettrez en pratique : c’est ce qui vous rendra sages et intelligents aux yeux des peuples qui entendront toutes ces lois ; ils diront : Cette grande nation ne peut être qu’un peuple sage et intelligent ! » Voir aussi Is 2,1-4 = Mi 4,1-3.
  • [40]
    Voir D.P. WrightInventing God’s Law. How the Covenant Code of the Bible Used and Revised the Laws of Hammurabi, Oxford, Oxford University Press, 2009.
  • [41]
    Voir J.A. SandersTorah and Canon, Philadelphia, PA, Fortress Press, 1972.
  • [42]
    Voir M.S. SuhThe Tabernacle in the Narrative History of Israel from the Exodus to the Conquest, coll. Studies in Biblical Literature 50, Frankfurt, Peter Lang, 2003 ; F. BarkEin Heiligtum im Kopf der Leser. Literaturanalytische Betrachtungen zu Ex 25-40, coll. SBS 218, Stuttgart, Katholisches Bibelwerk, 2009 ; M. SchmidtThe Tabernacle of Exodus as a Work of Art. An Aesthetic of Monotheism, Lewiston, NY, Edwin Mellen Press, 2010.
  • [43]
    Le commentaire très connu de B.S. Childs, S., The Book of Exodus. A Critical, Theological Commentary, Philadelphia, PA, Wesminster Press, 1974, consacre une cinquantaine de pages environ à ces deux sections (p. 512-552 et 624-638), c’est-à-dire plus ou moins un douzième de son commentaire. Ch. DohmenExodus 19-40. Übersetzt und ausgelegt, Freiburg, Herder, 2004, accorde plus ou moins un cinquième de son commentaire à ces chapitres (p. 221-281 et 379-403) dans un volume qui traite seulement d’Ex 19-40.
  • [44]
    Les traductions françaises sont reprises, en général, à la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB) (1998).
  • [45]
    Sur ce point, voir K. GrünwaldtExil und Identität. Beschneidung, Passa und Sabbat in der Priesterschrift, coll. BBB 85, Frankfurt, Hain, 1992.
  • [46]
    G. AuzouDe la servitude au service. Étude du livre de l’Exode, Paris, L’Orante, 1961.
  • [47]
    Voir Ex 3,18 ; 5,1.3 ; 7,16.26 ; 8,4.16.23 ; 9,1.13 ; 10,3.24.
  • [48]
    Voir Ex 12,1-14. Le lien entre la Pâque et l’exode est souligné par les lois cultuelles. Voir Ex 23,15 ; 34,18 ; Dt 16,1.
  • [49]
    Le texte hébreu utilise trois fois la racine ndb, « être généreux », « être bien disposé », « être incliné à » (Ex 35,5.22.29). Ex 35,21.26 (cf. 36,2) emploie l’expression n?’leb, littéralement : « ceux que leurs cœurs portent [à agir] », que la TOB traduit par « volontaires ». Voir N. Lohfink, « Freizeit. Arbeitswoche und Sabbat im Alten Testament, insbesondere in der priesterlichen Geschichtserzählung », dans N. LohfinkUnsere grossen Wörter. Das Alte Testament zu Themen dieser Jahre, Freiburg i. Breisgau, Herder, 1977, p. 190-208.
  • [50]
    Voir I. CardelliniI “Leviti”, l’esilio e il tempio. Nuovi elementi per una rielaborazione storica, Roma, Lateran University Press, 2002.
  • [51]
    Sur Ex 19,6 voir, parmi les études récentes, J.A. DaviesA Royal Priesthood. Literary and Intertextual Perspectives on an Image of Israel in Exodus 19.6, coll. JSOTSS 395, London – New York, T&T Clark, 2004 ; A. Graupner, « Ihr sollt mir ein Königreich von Priestern und ein heiliges Volk sein ». Erwägungen zur Funktion von Ex 19,3b-8 innerhalb der Sinaiperikope », dans A. Graupner – M. Wolter (éd.), Moses in Biblical and Extra-Biblical Traditions, coll. BZAW 372, Berlin – New York, de Gruyter, 2007, p. 33-49.
  • [52]
    Cf. DurhamExodus, p. xxi.
  • [53]
    Ibidem, p. xxi-xxiii. Pour lui, la présence divine est une “theological anchor”, un “compass indicating the direction in which the book is to go” (p. xxi).
  • [54]
    DozemanExodus, p. 44-47.
  • [55]
    M.S. SmithThe Pilgrimage Pattern in Exodus, coll. JSOTSS 239, Sheffield, Academic Press, 1997.
  • [56]
    Voir M. Weinfeld, « Sabbath, Temple, and the Enthronement of the Lord - The Problem of the Sitz im Leben of Gen 1 :1-2 :3 », dans A. Cacquot – M. Delcor (éds), Mélanges bibliques et orientaux en l’honneur de Henri Cazelles, coll. AOAT 212, Neukirchen-Vluyn, Neukirchener Verlag, 1981, p. 501-512.
  • [57]
    Voir Ex 24,16 qui mentionne une semaine de six plus un, c’est-à-dire de sept jours, ce qui est le cadre temporel de Gn 1,1 – 2,3 ; voir aussi Ex 39,43 et Gn 1,31 ; 2,1 ; Ex 40,33 et Gn 1,30 ; 2,1.
  • [58]
    Voir J.-L. SkaLe passage de la mer … (cité supra n. 30), p. 93-96.
  • [59]
    Cf. J.-L. Ska, « Diritto biblico e democrazia occidentale », dans Civiltà cattolica 155 (2004) p. 12-25.
  • [60]
    Voir, sur ce point, DozemanExodus, p. 574-575, qui cite Y.-F. TuanSpace and Place. The Perspective of Experience, Minneapolis, MN : Minneapolis University Press, 1977, p. 6 et passim ; voir aussi M.K. GeorgeIsrael’s Tabernacle as Social Space, coll. Ancient Israel and Its Literature 2, Atlanta, GA, Society of Biblical Literature, 2009.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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