En 2024, nous allons fêter les soixante ans de la promulgation de la Constitution apostolique Lumen gentium qui, dans son paragraphe 29, exprimait le projet de rétablir le diaconat comme degré propre et permanent de la hiérarchie. Selon les pays et les décisions des conférences épiscopales, cette possibilité a été ou non mise en œuvre. Il y a désormais des milliers de diacres permanents dans le monde1. Les textes du Concile ne donnaient pas de contours très précis à cette nouvelle figure, laissant les Églises s’approprier cette possibilité et la décliner selon leurs besoins2. Les théologiens, de leur côté, ont réfléchi sur ce ministère, leurs débats ont notamment porté sur la manière de concevoir sa spécificité, de penser et définir la sacramentalité du diaconat ainsi que sa place et son sens dans la mission de l’Église. La publication en 2002 d’un texte de la Commission théologique internationale, Le diaconat. Évolution et perspectives3, a représenté un point d’étape important. Mais il a essentiellement explicité et instruit les questions en suspens, sans se permettre de trancher. En 2004, dans une communication à l’occasion d’un colloque qui s’est tenu à l’Université catholique de Lyon, Bernard Sesboüé déclarait : « Depuis sa remise en œuvre, le diaconat permanent est l’objet d’une hésitation grave, à la fois théologique et pratique, sur son identité ministérielle. La question est à la fois simple et radicale : pourquoi des diacres et pour quoi faire4 ? »
Récemment Jacques Tyrol, diacre permanent du diocèse de Lyon a publié en 2021 un ouvrage, fruit d’une enquête auprès de trente-six diacres, au titre inquiétant : Le diaconat. Un ministère menacé ? L’auteur y constate, notamment parmi les 3 000 diacres permanents en France, différentes tendances, orientations et sensibilités, qui aboutissent à deux visages, « deux tenues de service qui peinent à se comprendre : un diacre plutôt au service à l’intérieur de la maison-Église, en aube et précautionneux en matière de liturgie ; un diacre plutôt au service à l’extérieur de la même maison, au large et les “mains dans le cambouis”5. » Au même moment étaient réalisés, par le Comité National du Diaconat, deux rapports très complets, l’un sur La formation fondamentale des diacres permanents en France (juin 2019) et l’autre, Le Diaconat permanent en France. Panorama et points d’attention (février 2021). Ils dressent un tableau précis de la situation du diaconat permanent, repèrent des évolutions6, signalent un certain nombre de points de friction7, indiquent des pistes à explorer8, tant au plan pratique que théologique9.
De cela, ressort un point à creuser : si une pluralité de figures de diacres est bénéfique (de même qu’il y a bien des manières d’être prêtre), cette diversité doit pouvoir se retrouver sur un essentiel, commun à tous. Il faut donc revenir à la question de l’identité ministérielle du diacre. Plusieurs théologiens, dans l’aire francophone notamment, y ont travaillé. C’est dans ce chantier que le présent article se situe.
Je partirai d’un trait majeur du ministère diaconal tel qu’il se présentait dans les premiers siècles de l’Église. On a beaucoup dit que Vatican ii n’a pas prétendu restaurer une forme de diaconat antérieur : c’est vrai, mais cela ne nous dispense pas de chercher à décrypter le sens que le ministère diaconal a pu avoir dans le passé, afin de confronter ces données avec l’actualité de l’Église. À partir de là, on abordera la question de la sacramentalité du ministère diaconal – c’est sans doute le point le plus difficile – et l’on réfléchira à la manière de comprendre sa mission. Enfin je proposerai une façon de penser ce ministère dans son rapport aux autres ministres ordonnés. Les points ici avancés10 sont émis pour être soumis au débat, sans prétendre clore celui-ci.
I Quand la liturgie éclaire le rôle du diacre
Quand on se réfère à l’histoire du diaconat, une constante apparaît clairement : le ministère diaconal est référé à celui de l’évêque (et de son presbyterium). C’est là un point de départ pour penser le ministère diaconal, peut-être même une structure de base qui donne une clé pour comprendre son rôle : le diacre agit dans la mouvance de ce qui a été célébré par l’Église locale réunie autour de son évêque, rassemblée par la Pâque du Christ. Et en même temps, le ministère du diacre ne relève pas du sacerdoce, comme l’affirme clairement Lumen gentium 29, citant une formule de la Tradition apostolique, elle-même abondamment reprise dans de nombreux textes de l’Antiquité chrétienne. Comment donc caractériser ce ministère, si lié à celui de l’évêque, et pourtant distinct ? Tel est le premier défi qu’une théologie du diaconat se doit de relever.
Pour comprendre l’articulation entre le rôle de l’évêque et le ministère du diacre, il n’est pas inutile de revenir sur quelques textes de l’Église des premiers siècles. Voici tout d’abord un extrait de l’Apologie de Justin qui décrit la célébration eucharistique telle qu’elle se pratiquait dans la première moitié du iie siècle :
« [3] Au jour que l’on appelle jour du soleil, tous ceux [d’entre nous], qui demeurent en ville ou à la campagne, se réunissent en un même lieu ; on lit les mémoires des apôtres ou les écrits des prophètes, autant que le temps le permet. [4] Quand le lecteur a fini, celui qui préside prend la parole pour nous admonester et nous exhorter à imiter ces beaux enseignements. [5] Ensuite, nous nous levons tous ensemble et nous adressons [à Dieu] des prières ; et, comme nous l’avons dit plus haut, lorsque nous avons achevé la prière, on apporte du pain, ainsi que du vin et de l’eau, et celui qui préside, pareillement, fait monter [vers Dieu] prières et actions de grâce, de son mieux, et le peuple exprime son accord en proclamant l’Amen. Puis on fait pour chacun la distribution et le partage des éléments eucharistiés ; on envoie aussi leur part aux absents par le ministère des diacres. [6] Ceux qui ont du bien et qui le veulent donnent librement ce qu’ils veulent, chacun selon son gré, et ce qui est recueilli est remis à celui qui préside. [7] C’est lui qui assure des secours aux orphelins, aux veuves, à ceux qui sont dans l’indigence du fait de la maladie ou de quelque autre cause, ainsi qu’aux prisonniers, les hôtes étrangers, en un mot, il prend soin de tous ceux qui sont dans le besoin11.
Ce texte – un des premiers qui décrit la célébration eucharistique – donne à voir l’importance de la dimension du partage vis-à-vis des plus vulnérables (orphelins, veuves, malades, prisonniers, étrangers de passage). À noter que c’est à celui qui préside la célébration que revient d’assurer ces secours, signe que ce geste engage véritablement toute l’assemblée. Ceci fait écho avec le signe de la fraternité qui caractérisait les chrétiens dans les premiers siècles et constituait, si l’on en croit Michel Dujarier, une marque de l’Église qui a beaucoup contribué au rayonnement de la foi12. On apprend aussi dans l’extrait de l’Apologie de Justin que les absents ne sont pas oubliés. Et c’est ici que les diacres interviennent. Ils sont chargés de donner aux absents leur part des éléments eucharistiés.
L’hypothèse que nous faisons ici c’est que cet envoi des diacres vers ceux qui n’ont pu bénéficier de la communion eucharistique est à rapprocher d’un thème qui court comme une constante dans beaucoup de textes des Églises de l’Antiquité (Lettres d’Ignace d’Antioche, Tradition apostolique, Didascalie des douze apôtres, Constitutions apostoliques, etc.), celui du lien privilégié entre l’évêque et le diacre.
Ignace d’Antioche (iie siècle), par exemple, écrit dans sa lettre aux Magnésiens :
Je vous en conjure, ayez à cœur de faire toute chose dans une divine concorde, sous la présidence de l’évêque, qui tient la place de Dieu, des presbytres, qui tiennent la place du sénat des apôtres, des diacres qui me sont si chers, à qui a été confié le service de Jésus-Christ [diakonian Ièsou Christou, on pourrait traduire « le ministère de Jésus Christ »], qui, avant les siècles était près de Dieu et s’est manifesté à la fin13.
Il faut se souvenir qu’à l’époque le presbyterium est un collège qui reste auprès de l’évêque, et que le premier rôle de l’évêque est de présider l’eucharistie dominicale, entouré donc de son presbyterium. Les diacres, dans ce schéma, sont comparés au Christ, alors que le presbyterium, lui, est comparé au sénat des apôtres, et l’évêque est présenté comme celui qui tient la place de Dieu. Non sans audace, Ignace fait une analogie entre la relation du Père au Fils dans la trinité, et la relation de l’évêque au diacre dans la vie de l’Église. Pourquoi une telle comparaison ? Parce que le diacre et le Christ sont tous deux des envoyés : ils sont là de la part d’un autre, le Christ, de la part du Père, le diacre, de la part de l’évêque. C’est là, d’ailleurs, d’après John N. Collins, le trait définitoire majeur qui permet de comprendre le ministère diaconal14.
Jean-Marie Tillard commente ainsi ce texte : « le diacre rend l’évêque proche de son peuple, le peuple proche de son évêque15 ». On retrouve la même insistance sur la grande proximité entre l’évêque et ses diacres, avec la même analogie entre les différents acteurs du ministère ordonné et la Trinité, dans cet extrait de la Didascalie des douze apôtres (début du iiie siècle) :
Soyez donc du même avis, ô évêques et diacres, et paissez le peuple dans la concorde, parce que vous ne devez former qu’un seul corps, le père et le fils, parce que vous êtes (faits) sur le modèle de la divinité. Que le diacre rapporte tout à l’évêque comme le Messie à son Père. Que le diacre ordonne par lui-même tout ce qui est de son ressort et que l’évêque juge le reste ; cependant, que le diacre soit l’oreille de l’évêque, (qu’il soit) sa bouche, son cœur et son âme, parce que vous êtes deux en une seule volonté et, dans votre unanimité, l’Église aussi trouvera la paix16.
Si l’on insiste tant sur la force des liens entre l’évêque et les diacres, c’est, selon notre hypothèse, que le rôle du diacre à cette époque consiste avant tout à partager la communion reçue dans la célébration de l’eucharistie, à ceux qui n’ont pas pu en bénéficier. Un extrait des Canons d’Hippolyte (écrits en Égypte vers 336-340) détaille les missions du diacre :
Le diacre n’est pas établi pour la prêtrise, mais pour le diaconat, comme un serviteur de Dieu. Il sert l’évêque et les prêtres en toute chose, non pas au moment de la liturgie seulement, mais il sert aussi les malades du peuple, ceux qui n’ont personne, et il (en) informe l’évêque pour qu’il prie sur eux, ou leur donne ce dont ils ont besoin, ou aussi aux personnes qui se cachent, mais sont dans le besoin. Qu’ils servent aussi ceux qui ont l’aumône des évêques, et puissent donner aux veuves, aux orphelins et aux pauvres. Qu’il accomplisse tous les services. Ainsi celui-ci en vérité, est le diacre dont le Christ a dit : « Celui qui me sert, mon Père l’honorera17. »
On peut remarquer le parallèle entre « servir l’évêque et les prêtres » et toute la liste des services ensuite énumérés ; comme s’il s’agissait d’un seul et même mouvement, comme si le rôle du diacre dans la liturgie incluait déjà celui des malades, de ceux qui sont dans le besoin, des veuves, des orphelins et des pauvres. Avec, il faut le noter, une mention spéciale pour « ceux qui n’ont personne » et ceux « qui se cachent mais sont dans le besoin », comme si le diacre était chargé de partager d’abord à ceux-là, les plus isolés, la communion eucharistique vécue avec l’évêque.
Pour bien comprendre, il faut se souvenir qu’à cette époque, on ne célèbre qu’une eucharistie dominicale par ville (voir à ce propos la première phrase du texte de Justin). Car on tient beaucoup à la symbolique de cet unique rassemblement de tout le peuple de Dieu : il préfigure le rassemblement de tous les croyants en Christ. C’est pourquoi il est hors de question de célébrer deux eucharisties distinctes en une même ville, car cela romprait cette symbolique des retrouvailles de tous les élus (évidemment, dans les grandes villes comme Rome, on ne pourra pas tenir longtemps cette règle ; mais les orthodoxes ont gardé quelque chose de cela : ils ne célèbrent pas deux fois dans une journée sur un même autel). Or, dans cette assemblée dominicale qui préfigure le rassemblement de tous en Christ, il en manque toujours ! C’est là qu’intervient le diacre : sa mission est de visiter les malades, les infirmes, ceux qui sont en prison, bref, ceux qui n’ont pas pu participer à l’eucharistie dominicale, et en les visitant, il leur partage la communion vécue par l’assemblée. De même, il a le souci de tous les membres fragiles de la communauté, les orphelins, les veuves, les pauvres, les étrangers, etc. Adalbert-Gautier Hamman résume : « Le diacre rend en quelque sorte sensible l’amour que le Christ porte aux siens, il lui permet d’atteindre son but en atteignant les membres les plus déshérités de la communauté18 ». Il me semble qu’on peut voir là, assez clairement ce qui constitue le cœur de sa mission ; et cela, dans toute la durée de l’Église de l’Antiquité. Dans la Didascalie des douze apôtres, on lit cette remarque qui ne manque pas de piquant : « Les diacres, dans leur conduite, prendront modèle sur l’évêque, mais cependant, ils travailleront beaucoup plus que lui » ; et l’on comprend pourquoi, lorsqu’à la fin de cette section il rappelle : « Il vous faut donc, diacres, visiter tous les indigents, et faire connaître à l’évêque ceux qui ont besoin ; vous devez être son âme et sa pensée, vous devez travailler et lui obéir en tout19. »
Ayant en tête ce repère précieux que nous lègue l’Église des premiers siècles, revenons aux discernements en cours à propos du diaconat.
II Sacramentalité du diaconat
La réflexion des deux dernières décennies à propos du ministère diaconal est marquée par le souci de distinguer le ministère diaconal du sacerdoce. La première version du code de droit canonique (c. 1008 et 1009) avait tendance à mettre sous le même chapeau – celui de la charge pastorale – les trois ministères ordonnés, leur attribuant du même coup les trois munera (enseigner, sanctifier, gouverner) traditionnellement associés à l’épiscopat et au presbytérat, au risque d’oublier que le ministère diaconal est défini par la triple diaconie de la liturgie, de la Parole et de la charité. Cela pouvait mettre sur la piste de penser le diaconat comme un ministère sacerdotal de taille réduite. La version de 1997 du Catéchisme de l’Église catholique (no 875) ainsi que le motu proprio Omnium in mentem (26 octobre 2009) corrigent ce trait et les deux canons problématiques sont modifiés. Des diacres, il est dit qu’ils « sont habilités à servir le peuple de Dieu dans la diaconie de la liturgie, de la parole et de la charité ». Pour Christian Delarbre, les trois diaconies doivent se comprendre par rapport au ministère apostolique de l’évêque, « elles ne se définissent pas à partir des tria munera de la charge pastorale de ceux qui sont revêtus du sacerdoce ministériel et dont elles seraient une participation. Ce serait, une fois encore, définir le diaconat à partir du presbytérat et du sacerdoce20. » Cela dit, les modifications apportées par Omnium in mentem – surtout celle concernant le canon 100821 – doivent aussi s’entendre au sens où tous les ministres sont rappelés à ce fondamental qu’est le service. Diacres, prêtres et évêques sont ici concernés au même titre.
Ce point commun et ces distinctions étant rappelés, faudrait-il comprendre le diacre comme celui qui, pour l’Église, représente le Christ-Serviteur, tandis que prêtres et évêques seraient chargés de signifier le Christ-Tête ? La Commission théologique internationale, dans son texte de 2002, Le diaconat, évolution et perspectives22 rechigne à aller en ce sens, car d’une part, prêtres et évêques sont également appelés à être signes du Christ serviteur, et d’autre part, au nom du respect de l’unité de la personne du Christ ainsi que du sacrement de l’ordre, on peut difficilement distribuer ainsi des significations associées aux différents ministres.
Mais alors, comment comprendre la sacramentalité du diaconat ? Dans son motu proprio Ad pascendum (sur la formation des diacres), Paul vi a tout de même bien parlé de ce ministère comme d’un « signe ou sacrement du Christ lui-même qui n’est pas venu pour être servi mais pour servir23 ».
Nous sommes ici devant une difficulté. Une piste pour la dénouer consiste à considérer que le diacre ne fait pas signe par sa personne seule ; il fait signe en tant qu’il est relié à d’autres : à l’évêque (lui-même associé au presbyterium), à l’assemblée qui a célébré ses retrouvailles avec Dieu, et également à l’humanité abandonnée, isolée ou en détresse, dont il a un souci premier. Ce jeu relationnel au sein duquel il œuvre, c’est la diaconie de l’Église – ces liens habités et fortifiés par le don de Dieu – à laquelle toute la vie du Christ nous engage. La sacramentalité du diacre ne peut être pensée indépendamment de ce triple lien. Elle se reçoit donc de celle de l’Église rassemblée autour de son évêque et envoyée jusqu’à ceux qui campent « au bord du monde ». Et, à l’assemblée réunie le diacre dès lors rappelle aussi que tous ne sont pas là, qu’il en manque, et que le rendez-vous avec ceux-ci est, pour tous, rendez-vous avec le Christ. Pour elle, il est donc signe d’une mission qui reste à vivre ; c’est lui, d’ailleurs, qui enverra l’assemblée à la fin de la célébration. Et le fait qu’il proclame l’évangile signale également que la Parole de Dieu doit encore se faire entendre aujourd’hui et reste à accueillir.
Voilà qui, il me semble, rejoint la formulation d’Alphonse Borras : les diacres « sont dans et pour l’Église, une représentation sacramentelle de la diaconie du Christ dans l’exercice du ministère pour lequel ils ont été envoyés24 ». Je commente : « dans et pour l’Église » souligne que ce ministère fait signe en tant qu’il s’inscrit dans ce tissu de liens que j’évoquais à l’instant ; et il est également chargé de le remettre au travail en l’ouvrant sans cesse à nouveau à ceux qui souffrent des plus grandes précarités, du rejet ou de l’abandon. En écrivant « une » représentation sacramentelle (et non « la »), Alphonse Borras souligne que les diacres ne sont pas les seuls à porter cette représentation sacramentelle : les autres ministres ordonnés le font également. C’est pourquoi l’Église peut vivre sans diacre permanent. Mais aussitôt il faut ajouter que, lorsqu’elle en ordonne, elle se donne la possibilité de signifier beaucoup plus clairement l’appel du Christ à sans cesse repartir vers les frères et sœurs qu’on a perdus.
Ici, je reviens sur un point pour souligner que la sacramentalité du diacre prend également forme du fait de ceux auprès de qui il est envoyé, « ceux qui n’ont personne », « ceux qui se cachent mais sont dans le besoin » comme on l’entendait dans les Canons d’Hippolyte. Car dans la rencontre avec ceux-là, il y a l’événement possible d’une présence du Christ : « Seigneur quand t’avons-nous vu… ? Tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? Tu avais soif et nous t’avons donné à boire ? Tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? (…) Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? » (Mt 25,37-39). Le diacre porte en lui l’attente de cette surprenante présence du Christ et il invite la communauté chrétienne à l’habiter également.
III Un ministère spécifique de communion
Le diacre exerce un ministère de communion25, même s’il est différent de celui qui revient à l’évêque et aux prêtres : il est chargé de porter cette communion de l’Église qui se manifeste particulièrement lors des célébrations eucharistiques. Et il la rend sensible tout spécialement à celles et ceux qui, abandonnés, épuisés, ou rejetés, vivent hors de toute communion26. Le diacre est envoyé à toutes ces personnes pour qui le lien à l’Église, la communion ecclésiale, n’ont jamais existé ou bien sont devenus très ténus. Rappelons au passage que, dans l’Antiquité, le ministère des diacres n’était pas orienté uniquement vers les baptisés ; ils étaient chargés du soin des pauvres, qu’ils soient chrétiens ou pas27. Ce qui indique que ce ministère de communion se prolonge jusqu’aux membres souffrants de la famille humaine, à qui les diacres sont chargés de signifier qu’ils ne sont pas oubliés, et que l’Église, signe de ce lien destiné à réunir toute la famille humaine, les rejoint eux aussi. Et dès qu’on oublie cette référence primordiale aux frères et sœurs en déréliction, il devient difficile de comprendre le ministère diaconal et d’en ressentir l’intérêt pour l’Église.
Bref, on pourrait dire que le diacre, à travers sa personne, et aussi à travers ce qu’il va impulser ou encourager dans la communauté chrétienne, manifeste que toute l’Église est engagée dans la quête des frères et sœurs que l’on a perdus. Et c’est à partir de là aussi, je crois, qu’on comprend l’insistance des auteurs de l’Antiquité sur la force du lien entre l’évêque et les diacres : c’est parce que le diacre est amené à aller au loin, auprès de ceux pour qui la communion à l’Église n’a rien d’évident, que la proximité à l’évêque est encore plus importante. Et si l’on insiste beaucoup moins sur le lien entre le presbyterium et l’évêque, c’est tout simplement parce que le presbyterium, à cette époque, reste auprès de l’évêque. Ce n’est qu’à partir des ive et ve siècles qu’apparaîtra le phénomène de la paroisse rurale, et à ce moment-là, le presbyterium va se disperser pour aller desservir les différents lieux où il y a des communautés chrétiennes. Et sur ces lieux (qui sont aujourd’hui, les paroisses), ce qu’on a dit du lien fort entre l’évêque et le diacre, peut être reformulé et repris à propos du lien entre le prêtre (le curé de la paroisse) et le ou les diacres. C’est le même schéma que celui qui existe entre l’évêque et les diacres, diffracté en de multiples lieux qui correspondent à ces paroisses.
À partir de là, nous avons de quoi travailler sur la tension parfois ressentie entre un ministère diaconal essentiellement liturgique et une manière de concevoir le diaconat avant tout comme présence à l’humanité souffrante28. Dans le schéma que je viens de présenter, il est capital que le diacre soit présent sur les deux lieux. Lors de la célébration eucharistique, il bénéficie lui-même de ce qui est alors donné à l’assemblée, cette communion à laquelle la Pâque du Christ nous introduit ; et cela, afin de pouvoir partager cette communion aux frères et sœurs séparés. Et il est important aussi qu’il soit au contact des personnes qui ne sont pas des familiers de la communauté ou bien qui en sont les membres en souffrance. Plus il est présent en un lieu, plus il est appelé à l’être dans l’autre. Et l’on ne peut pas raisonner comme si le diacre devait être soit un liturge soit un acteur de la fraternité, l’un éclipsant l’autre. Son rôle est au contraire de tenir les deux, ensemble. C’est ici que se situe le cœur de son ministère.
Une fois qu’on a dit cela, il faut préciser qu’évidemment, selon les contextes, les circonstances, et les étapes que vit tel ou tel diacre, un aspect ou l’autre de son ministère (liturgie et service de la charité) pourra être plus accentué. Mais en tout cas, un diacre ne peut pas négliger l’un de ces deux pôles de son ministère.
Cela le conduit d’ailleurs, à habiter de manière spécifique les fonctions liturgiques qu’il remplit. Pierre Faure écrit à ce propos :
Dans la liturgie eucharistique, qui est aussi un jeu de places, de formes et de conditions, le rôle du diacre est d’occuper et de manifester ces positions inversées. La principale diagonale de ce renversement va de la proclamation de l’Évangile, sommet de la liturgie de la Parole, jusqu’à son contraire, le silence obéissant du diacre, pendant la prière eucharistique, jusques et y compris lors de l’élévation du calice du sang du Serviteur29.
Pierre Faure commente en disant qu’ainsi la liturgie est préservée de sa possible dérive mondaine de domination, et que « seule l’articulation de ces deux positions inversées manifeste bien la spécificité chrétienne30 ». C’est tout à fait vrai ; et il me semble qu’on pourrait aussi lire l’articulation de ces deux positions inversées également à travers le prisme du rapport aux absents, aux frères et sœurs qui manquent à la communauté : la proclamation de l’Évangile peut s’entendre comme un appel destiné aussi à ceux-ci ; quant au silence du diacre, ne doit-on pas l’interpréter comme une disponibilité pour recevoir ceux qui sont attendus31 ?
Gilles Rebêche, diacre du diocèse de Fréjus-Toulon, dans une conférence aux moines de l’abbaye de Lérins, exprime très bien cette sensibilité qui conduit à habiter la liturgie en compagnie de ceux qui nous manquent :
En tant que diacre, lorsqu’à la fin de la messe, je ramasse les miettes pour nettoyer la patène et le calice, je pense à toutes ces syro-phéniciennes, toutes ces femmes qui ont du mal à trouver leur place dans la communauté chrétienne. L’eucharistie, finalement, c’est aussi l’eucharistie des miettes. De nombreuses personnes arrivent en miettes, elles n’arrivent même pas à raccrocher tous les morceaux de leur existence, elles ont parfois du mal à relationner de manière normale parce que dans leur vie, tout est cassé, tout est en miettes, alors elles vous agressent (…).
L’eucharistie nous invite à entrer dans le mystère même de l’ouverture et du partage qu’est ce mystère de la rencontre de Jésus avec la syro-phénicienne. L’Église n’est jamais totalement rassemblée, elle n’est jamais totalement elle-même car il y aura toujours des syro-phéniciennes qui viennent frapper à sa porte, il y a toujours des indésirables qui nous invitent à nous ouvrir à la rencontre, il y a toujours dans nos relations des personnes qui viennent nous rappeler qu’il y a quelque chose de nous-mêmes qui n’est pas totalement ajusté à la volonté du Père. Il y a toujours en nous un chemin qui s’ouvre pour devenir des hommes et des femmes de l’eucharistie, des hommes et des femmes de l’ouverture et du partage.
À partir de là, apparaît un deuxième trait du ministère du diacre, qui concerne cette fois-ci sa mission de partager quelque chose de cette communion vécue lors de l’assemblée dominicale. Le diacre, c’est aussi celui qui repart sans cesse sur les chemins pour annoncer la Bonne Nouvelle de cette communion retrouvée avec Dieu, grâce au Christ. Sa mission a quelque chose d’inaugural : il repart comme si c’était la première fois qu’il partait, parce que cette mission d’annonce est toujours à recommencer. Ce qui ici inspire le diacre pour cette mission, ce sont tout simplement les récits évangéliques où l’on voit Jésus parcourir les chemins de Galilée en tous sens, sans qu’il ait une pierre ou reposer sa tête, sans qu’il ait un lieu où il dise : je reste là. Le ministère du diacre a quelque chose de cette itinérance toujours à reprendre. C’est pourquoi, on pourrait aussi en parler comme d’un ministère de première annonce de l’Évangile ; faite à partir d’une expérience de réconciliation et de communion qu’on ne peut pas ne pas vouloir partager.
Cela pourra prendre des formes extrêmement différentes selon les lieux, les situations, les charismes des diacres, les activités déjà engagées par les communautés chrétiennes32. En tout cas, on pourrait dire que le ministère diaconal aide les communautés chrétiennes à ouvrir un espace qui fasse seuil pour la communauté. Un seuil, c’est un lieu où l’on peut se rencontrer, faire connaissance et, ensuite, entrer ou pas dans la maison. C’est un lieu où chacun peut se sentir tout à fait libre. Or l’Église actuellement manque de seuils. On l’entend quand on écoute les récits de catéchumènes qui disent qu’ils ont attendu parfois plusieurs années avant d’oser aller frapper à la porte d’une paroisse. C’est comme si, dans l’Église, soit on y était tout entier, soit on reste dehors. Il n’y a pas tellement de lieux où l’on puisse simplement faire connaissance sans se sentir obligé de s’engager tout de suite, parce que ce serait prématuré.
Un seuil c’est un lieu de première annonce. C’est un lieu où l’Évangile, dans toute sa force, ses couleurs et son relief, est annoncé. Ce n’est pas un Évangile édulcoré. Et là où nous avons rendez-vous pour annoncer l’Évangile dans toute sa vigueur, c’est notamment auprès de ceux qui sont en grande détresse ; du fait de leur santé, de leur histoire, de leurs handicaps, de la grande pauvreté. Car en ces lieux-là, il est question de vie et de mort. Et parfois, c’est la question avec laquelle des personnes se débattent dans la longue durée. Alors, là tout particulièrement, les diacres sont attendus ; et pas tout seuls mais comme des ministres qui entraînent avec eux la communauté chrétienne.
Parenthèse : on a parfois défini le diaconat comme un ministère du seuil. Ce que j’ai exposé à l’instant va en ce sens. En précisant toutefois deux choses : le diacre ne réside pas sur le seuil, mais il est sans cesse dans des allers et retours entre l’Église rassemblée et l’humanité en souffrance33. Et puis : le seuil des communautés chrétiennes n’existe pas spontanément, il devient un espace consistant quand ces allers et retours ont lieu.
IV Comprendre le diaconat dans son rapport avec les autres ministères
Il y a, à partir de là, une possible théologie du diaconat34. Non pas une théologie du ministère diaconal seul, mais une compréhension du diaconat à l’intérieur d’une théologie du ministère plus large, axée sur la mission de l’Église. Elle devra aider à comprendre notamment le rapport du diacre et de l’évêque (et aujourd’hui il faudrait dire, de l’évêque ou du prêtre, car en fait, le ministère presbytéral, ici, se distingue peu de celui de l’évêque35). Puisque les textes de l’Antiquité insistent tant sur l’importance du lien entre l’évêque et les diacres, c’est sans doute précisément parce que le rapport de ces deux ministères est pour l’Église, particulièrement important et signifiant.
On présente souvent les ministères ordonnés à partir de la figure de l’évêque, surtout depuis que le concile Vatican ii a affirmé qu’il représente la plénitude du sacrement de l’ordre (LG 21). On peut cependant se demander si c’est le bon point de départ pour une théologie du ministère. Je serais plutôt enclin à reconnaître dans les ministères ordonnés une bipolarité entre d’une part le ministère diaconal, et d’autre part, le ministère épiscopal et presbytéral. Et de considérer ce bipôle comme l’élément structurant qui permet de comprendre le ministère ordonné36. Car l’ensemble du ministère de l’Église a besoin que ces deux pôles soient honorés ; lorsqu’un de ces deux pôles ne l’est pas, l’Église est diminuée dans sa capacité à signifier les appels de l’Évangile et le don de Dieu. À cela j’ajoute que parler de bipolarité ne les situe cependant pas sur le même plan : en effet, on peut considérer que, si l’épiscopat constitue l’englobant de tout ministère ordonné, son élément fondamental est donné par le ministère diaconal. Souvent on en parle, de manière assez plate, comme d’une manière d’être au service. Mais beaucoup plus que cela, ce dont il est question, c’est de prendre le chemin du Serviteur, au sens de cette figure esquissée par Isaïe, que le Christ épouse par toute sa vie et qui le mènera jusque dans sa passion37.
La figure ministérielle du diacre est toujours inaugurale : le diakonos repart sans cesse sur les chemins pour annoncer l’Évangile ; il y retrouve tous les membres souffrants du peuple de l’Alliance à qui il peut signifier qu’ils sont les premiers accueillis dans le Royaume. Et en même temps, le diakonos, c’est celui qui vit aussi profondément que possible la proximité à cette humanité en détresse, souvent privée de parole, qui est pourtant la part de l’humanité la plus visitée par Dieu.
Cette figure diaconale empêche la communauté de fermer ses portes, elle l’invite sans cesse à repartir vers les frères et sœurs qui ont soif de paix, soif de vérité, soif de Dieu. Quand on oublie de faire toute sa place à cette figure ministérielle, on produit des communautés chrétiennes qui s’amenuisent, qui manquent d’audace, et ne sont plus aux rendez-vous de l’Évangile. Voilà pourquoi cette figure, à mon sens, est première. Et l’on peut voir ici ce qui est principiel dans tout ministère ordonné et qu’on ne doit jamais oublier.
Et l’évêque, et le prêtre ? Ils se situent à l’autre bout de l’histoire du salut, du côté de son achèvement, c’est ce ministère qui permet le rassemblement de cette humanité qui a la chance de pouvoir célébrer ses retrouvailles38. Grâce à lui, on connaît la forme qu’a prise la mission du Christ, ce par quoi elle est passée pour permettre cette réconciliation. Autour de l’évêque (ou du prêtre), on peut déjà célébrer ce qui nous est promis au terme de l’histoire, depuis l’événement de la Pâque du Christ, qui permet que tout soit réconcilié. C’est pourquoi leur présence est rassurante, alors que la figure du diacre garde quelque chose de pathétique39 : l’amour de Dieu va-t-il être accueilli ? Telle est la question qu’il rouvre pour chaque croyant. Avec le ministère de l’évêque (ou du prêtre), on est du côté de l’accomplissement, et l’on est donc aussi au sommet. Mais il est crucial de ne minimiser en rien le ministère diaconal : plus ce ministère d’envoi à tous vents est honoré, jusqu’à ceux qui vivent au bord du monde, plus le rassemblement des croyants autour du Christ prend véritablement le poids qui est le sien : celui d’un monde nouveau, réconcilié, par-delà tout ce qui le déchire et l’abîme.
Pour le redire en une formule, l’évêque (et le prêtre) se tiennent au point d’arrivée de la révélation et de l’histoire du salut ; le diacre est au point de départ. Pour que tout le parcours de l’histoire du salut soit honoré par une communauté, il y a vraiment besoin de ces deux pôles et nous avons la chance, depuis le concile Vatican ii, de pouvoir de nouveau symboliser l’importance de ce ministère du départ qu’est le diaconat. L’eucharistie que chaque communauté célèbre au moins le dimanche, est clairement du côté de l’accomplissement, du point d’arrivée. On peut être tenté de penser que tout y est ; et d’une certaine manière c’est vrai. Mais, heureusement, il y a un ministre qui est là, qui ne fait pas grand-chose, mais qui rappelle à la communauté qu’elle doit repartir, revenir au point de départ. C’est le diacre. Et ce n’est pas un hasard si c’est lui qui renvoie l’assemblée.
Le diaconat est (…) « sacrement du ministère apostolique » (Catéchisme de l’Église catholique 1536). Il fait partie intégrante du ministère de la succession apostolique : les diacres participent à leur façon à la mission que les Apôtres et leurs successeurs reçurent du Christ.40
C’est bien dans cette veine que la présente réflexion se situe. Et l’apostolicité de l’Église, en écho à la Pâque du Christ, est marquée par un double mouvement de rassemblement et d’envoi. Ordonner des diacres, c’est marquer clairement que l’envoi aussi participe d’un appel du Christ et que celui-ci s’y rend présent, jusqu’aux destinations les plus éloignées, jusqu’aux terminus qui font peur. C’est pourquoi les diacres sont si précieux : l’Église est parfois menacée d’asphyxie du fait qu’elle oublie d’expirer. Ministre de l’Évangile toujours à annoncer de nouveau, en commençant par ceux qui meurent de solitude et d’abandon, le diacre pourrait également être caractérisé comme ministre de l’expire.
Notes de bas de page
1 Leur nombre frôle les 50 000 dans le monde, selon l’Annuaire pontifical de 2021 (les chiffres portent sur 2018-2019) ; en augmentation de 1,5% (la même année on comptait plus de 400 000 prêtres dans le monde).
2 Sur la mise en œuvre du diaconat, voir les trois premiers chapitres du livre d’A. Borras, Le diaconat au risque de sa nouveauté, coll. La part-Dieu, Bruxelles, Lessius, 2007. Voir également de L. Forestier, Diaconat. Les promesses d’un ministère, Paris, Médiaspaul, 2021, les cinq premiers chapitres.
3 Publié dans la Documentation catholique (19 janv. 2003), p. 58-107.
4 B. Sesboüé, « Le diaconat a-t-il vraiment trouvé ses marques dans l’Église ? », dans B. Dumons, D. Moulinet, Le diaconat permanent, coll. Théologies, Paris, Cerf, 2007, p. 197. Souligné par l’A.
5 J. Tyrol, Le diaconat. Un ministère menacé ?, Paris, Salvator, 2021, p. 209.
6 Notamment une augmentation des missions proprement pastorales ou ecclésiales, tandis que le service de la charité est marqué par la dynamique impulsée par Diaconia 2013.
7 Je relève : les relations parfois difficiles entre prêtres et diacres, la place des épouses pas toujours facile à trouver, les tensions possibles entre contraintes professionnelles, vie familiale et mission d’Église.
8 Le rapport constate qu’un flou demeure quant à la manière de caractériser le ministère diaconal et une grande diversité des parcours de formation.
9 Les documents sont téléchargeables. Voir également le commentaire qu’en a fait Luc Forestier sur le site de La Documentation Catholique : « Diaconat permanent en France. Entre fragilités et pertinence ».
10 On les retrouvera, certains points plus développés, d’autres moins, dans le chap. vi de la 3e éd. de mon livre Un lien si fort. Quand l’amour de Dieu se fait diaconie, Ivry-sur-Seine, éd. de l’Atelier, 2018, intitulé : « Le diacre, ministre de l’Évangile en son surgissement premier ».
11 Justin de Rome, Apologie pour les chrétiens I, 67-3-7, trad. C. Munier, coll. Sources Chrétiennes 507, Paris, Cerf, 2006, p. 368-313.
12 M. Dujarier, Église-Fraternité. L’ecclésiologie du Christ-Frère aux huit premiers siècles. i. L’Église s’appelle « Fraternité » (ier-iiie siècles), coll. Patrimoines, Paris, Cerf, 2013 ; ii. L’Église est fraternité en Christ (ive-ve siècles), coll. Patrimoines, Paris, Cerf, 2016.
13 Ignace d’Antioche, Lettres, trad. P.T. Camelot, coll. Sources Chrétiennes 10, Paris, Cerf, 1950.
14 Voir J.N. Collins, Diakonia: Re-interpreting the Ancient Sources, Oxford, O.U.P., 1990.
15 Cité par Alphone Borras dans Le diaconat au risque de sa nouveauté (cité n. 2), p. 45 (l’ouvrage de J.-M. Tillard est L’Église locale. Ecclésiologie de communion et catholicité, Paris, Cerf, 1995).
16 Didascalie des douze apôtres, trad. F. Nau, chap. xi, 44, 2-4.
17 R.G. Coquin, Les Canons d’Hippolyte, coll. Patrologia orientalis, xxxi, 2, Paris, Firmin-Didot, 1966, p. 357. Cité par P. De Clerck, « Notes sur l’expression Non ad sacerdotium sed ad ministerium (episcopi) », LMD 249 (2007/1), p. 56.
18 A.-G. Hamman, Vie liturgique et vie sociale, coll. Bibliothèque de Théologie, Desclée, Paris, 1968, p. 110.
19 Didascalie des douze apôtres (cité n. 16), chap. xvi.
20 C. Delarbre, « Diaconat et épiscopat. Pour éviter une approche sacerdotale du diaconat », NRT 133 (2011), p. 242.
21 En voici le texte : « Par le sacrement de l’Ordre, d’institution divine, certains fidèles sont constitués ministres sacrés par le caractère indélébile dont ils sont marqués ; ils sont consacrés et députés pour servir, chacun selon son rang, à un titre nouveau et particulier, le Peuple de Dieu. »
22 Documentation catholique (19 janv. 2003), no 2, chap. vii, 2e partie, section 4, p. 97.
23 Paul vi, Motu proprio Ad pascendum (15 août 1972), section 2.
24 A. Borras, Le diaconat au risque de sa nouveauté (cité n. 2), p. 146. Souligné par l’A.
25 Mgr Robert Coffy le soulignait dans un texte publié en 1981 dans Diaconat aujourd’hui intitulé « Le diaconat, ministère de communion et de mission », accessible en ligne : <https://diaconat.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/5/2017/02/Le-diaconat-ministere-de-communion-et-de-mission-Mgr-Coffy.pdf> (consulté le 16 nov. 2022).
26 Parenthèse : il y a ici de quoi articuler sacrement du mariage et diaconat. Dans le sacrement du mariage, est donné aux époux d’être signes du don de Dieu, du fait du lien d’alliance établi entre eux. Ils sont, de la sorte, habilités, comme couple et comme famille, à vivre et partager l’expérience d’une présence de Dieu à partir de ce champ relationnel. Cela dispose au ministère diaconal, qui est lui aussi, un sacrement associé à la relation, dans la quête des frères et sœurs qui nous manquent. Seulement, alors que le sacrement du mariage concerne un champ relationnel à peu près stable, celui de la diaconie est ouvert à tous vents. Il est primordial que le premier ne soit jamais mis à mal par le deuxième, mais qu’au contraire celui-ci s’appuie sur celui-là.
27 Cf. A. von Harnack, Mission et expansion du christianisme dans les trois premiers siècles, Paris, Cerf, 2004, p. 233.
28 Le texte de la Commission théologique internationale évoquait deux manières d’envisager le ministère diaconal, comme « suppléance presbytérale » ou « service de la charité ». Leur défaut commun est un ancrage unipolaire (Le diaconat, évolution et perspectives, cité n. 22, chap. vi).
29 P. Faure, « La signification du ministère diaconal, à partir de ses actes liturgiques », LMD 249 (2007), p. 51.
30 Ibid., p. 52.
31 Une des fonctions du diacre dans la liturgie est de veiller à l’assemblée, afin d’aider les fidèles à participer à la célébration. Voir P. Faure, « La signification du ministère diaconal, à partir de ses actes liturgiques » (cité n. 29), p. 49-50.
32 Alphonse Borras se fait l’écho d’une typologie dressée par Paul Zulehner et Kristiaan Depoortere, qui distingue les « diacres samaritains », les « diacres prophètes » et les « diacres bergers ». Cf. Le diaconat au risque de sa nouveauté (cité n. 2), p. 184-188.
33 Comme l’écrit joliment Mgr Albert Rouet : « Si belle qu’elle soit, l’expression “ministère du seuil” reste insuffisante : on peut rester les deux pieds plantés à la porte. Le diaconat est un ministère de “l’aller et retour” » (Diacres Une Église en tenue de service, Paris, Médiaspaul, 2016, p. 103).
34 Là encore, c’est une proposition que nous émettons, qui ne prétend en rien être définitive mais doit être soumise à débat.
35 Avec tout de même un point important. C’est l’évêque qui envoie et non le prêtre : un diacre ne reçoit pas sa mission du curé de sa paroisse mais de son évêque.
36 On peut, du reste, également comprendre à cette lumière les ministères des laïcs : eux aussi sont marqués par cette même bipolarité.
37 Sur cette notion de service – diakonia – et de serviteur – diakonos et doulos – je me permets de renvoyer au chap. v (« Vous avez dit “diaconie” ? ») de mon livre Un lien si fort. Quand l’amour de Dieu se fait diaconie (cité n. 10), p. 105-128.
38 Être du côté de l’achèvement fait qu’on ne peut ignorer les commencements. C’est pourquoi prêtres et évêques peuvent se dispenser de diacres. Mais la présence d’un ministre du surgissement de l’Évangile aidera l’Église à revenir sans cesse à cette dynamique initiale.
39 Ce trait est à rapprocher d’un des rôles liturgiques majeurs du diacre : le service du calice du sang du Christ. Voir P. Faure, « La signification du ministère diaconal, à partir de ses actes liturgiques » (cité n. 29), p. 41-46.
40 A. Borras, « Le diaconat permanent : questions et perspectives », NRT 138 (2016), p. 568-584, citation p. 572.