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Règne temporel et règne éternel ? Méditation ignatienne sur les relations ecclésiales en Russie aujourd’hui

Jean-Marie Glorieux s.j.
Au portique de la deuxième étape (« semaine ») des Exercices spirituels composés par Ignace de Loyola se trouve l’étonnante parabole d’un roi temporel dont le retraitant est invité à considérer l’appel, en vue de se disposer à « contempler la vie du (Christ), Roi éternel », objet des trois « semaines » qui suivent (Ex. Spir. 91-99). L’A. suggère que la confrontation de deux autorités ecclésiales aujourd’hui en Russie relève du premier temps de la parabole plus que du second. Confirmée par l’enseignement du Concile Vatican II, cette relecture actualisée de la méditation du « Règne » laisse entendre, dans sa visée œcuménique, que la conversion s’opère toujours par une offrande « de plus haut prix ».

On sait que le Pape Jean-Paul II évoque souvent la « nouvelle évangélisation » ; il y a douze ans, le Père Alexandre Men, prêtre orthodoxe, assurait dans une conférence1 donnée à Moscou la veille du jour où il fut assassiné (le 9 septembre 1990) : « Le christianisme ne fait que commencer ». De quelle nouveauté, de quel commencement s’agit-il ? Le présent essai abordera ces questions et leur pertinence pour la Russie aujourd’hui, dans les limites d’un commentaire de la méditation du Règne, texte célèbre qui ouvre la deuxième « semaine » des Exercices Spirituels de saint Ignace de Loyola.

Introduction : la méditation du Règne dans les Exercices Spirituels de saint Ignace (nos 91-98)

Rappelons d’abord que ces Exercices sont répartis en quatre semaines ou étapes, proposées selon un processus linéaire ; elles représentent en même temps des aspects spirituels inhérents à tout cheminement intérieur ; elles peuvent d’ailleurs se recouvrir ou s’imbriquer. La première semaine se distingue cependant comme un parcours de conversion intime, alors que dans les autres, le retraitant contemplera comme à l’extérieur de lui le Christ prêchant et opérant des miracles, sauvant le monde par sa passion et apparaissant aux disciples pour les envoyer jusqu’aux extrémités de la terre. La méditation du Règne (ES 91-98)2, qui conclut la première semaine et introduit aux suivantes, joue ainsi un rôle charnière, puisqu’elle reprend l’étape précédente et engage la suite.

Évoquons en quelques mots la trame de cette méditation et les réponses qu’elle suscite. Après les préambules d’usage, le texte est constitué en diptyque. Il s’agit, dans une première partie, de poser devant soi un roi humain, élu de Dieu, qui appelle les siens à conquérir le territoire des « infidèles » ; pour cela, il appelle qui veut être « avec lui » à vivre « comme lui », donc à peiner avec lui pour prendre part ensuite à sa victoire ; les « fidèles » répondront généreusement à un tel roi, et les récalcitrants seront justement tenus pour lâches « chevaliers ». Dans une seconde partie, l’exercice consiste à « appliquer » cet exemple au Christ, dont l’appel est bien plus digne de considération ; il sera donc raisonnable de s’offrir avec lui à la peine. Mais ceux qui voudront se laisser davantage toucher et se distinguer au service d’un tel roi offriront plus encore que leur personne, ils se détermineront à imiter le Christ en endurant injustices, mépris, pauvreté, « si le Seigneur veut les choisir » pour ce genre de vie-là. Tels sont les termes de la prière conçue par Ignace pour clore l’exercice ; son exaucement se vérifiera au cours des « semaines » à venir.

Nous suggérons que le roi temporel qui appelle, s’actualise en des figures nouvelles aujourd’hui et que les « aides » aujourd’hui proposées ouvrent toujours sur la vie du Roi éternel, au prix d’un retournement semblable à celui qu’induit l’exercice ignatien.

I L’appel du roi temporel

La méditation a pour titre exact : « l’appel du roi temporel aide à contempler la vie du roi éternel ». Nous voici plongés d’un coup dans l’univers d’une parole qui rencontre la conscience humaine. Pour « ne pas être sourd à l’appel » qui retentit au cours des semaines suivantes, Ignace pose ce préalable de la « représentation d’un roi humain… parlant à tous les siens ». En quoi cela « aide-t-il à contempler la vie du roi éternel » ? De quelle « aide » s’agit-il ? L’appel du Christ se ferait-il entendre par le jeu d’une médiation obligée ? La question surgit d’autant plus fortement que le texte ignatien exprime, semble-t-il, une conception de la royauté propre à une chrétienté qui n’est plus : voici « un roi humain choisi par la main de Dieu », dont la « volonté de conquérir toute la terre des infidèles » va obliger la conscience des « princes chrétiens et de tous leurs hommes » et les classer, selon la réponse, en « bons sujets » ou en « chevaliers indignes ». Pour mieux comprendre un saint qui a fortement perçu le débat des consciences de son temps (et des siècles suivants), nous allons relever quelques points caractéristiques de la parabole, en rappeler la place dans les Exercices et relire les premières pages de ce Récit du Pèlerin3 où le secrétaire d’Ignace a consigné l’espèce d’autobiographie du fondateur vieillissant.

Plusieurs caractéristiques peuvent être mises en évidence. Le roi parle « aux siens » : il y a entre lui et « les princes et fidèles chrétiens » une relation immédiate de confiance, dont le fondement est « respect et obéissance »4. Ensuite, sa volonté est d’entreprendre une sorte de guerre sainte, portée sur la « terre des infidèles » à « conquérir » ; en ce sens, on s’engage au prosélytisme, pour répandre la foi sur un territoire où celle-ci ne se trouverait que peu ou pas encore implantée. De plus, à « qui veut se joindre à lui », le roi demande un engagement de toutes les forces, « jour et nuit », se « contentant de se nourrir comme (le roi), de boire et de se vêtir de même », en vue de la « victoire » qui viendra « ensuite » ; pour celui qui répond, l’effort doit être soutenu tant que le but n’est pas atteint. Enfin, l’esprit de corps se manifeste par cette sanction sociale qui menace le « chevalier indigne » : « être blâmé par tout le monde ». Même si les rois se font rares, il est permis de penser qu’Ignace souligne quelques traits de l’autorité qui, aujourd’hui comme alors, joue ou devrait jouer un rôle religieux dans la conscience humaine.

La première semaine a une portée existentielle ; elle dirige vers le haut le sens des choses créées. Au fil de la mémoire des fautes passées (ES 56), avec la question angoissante : « moi donc, tout seul, que puis-je être ? » (ES 58), dans l’expérience de la laideur qui flétrit la chair (ES 58), en tous ces points, par le jeu des motions intérieures de joie et de tristesse, se confirmera pour le retraitant une expérience exemplaire de l’union à Dieu recouvrée, c’est-à-dire de la conversion. Le retraitant a prié devant « l’image du Christ… mis en croix » (ES 53) et peut-être n’a-t-il encore qu’une faible connaissance de la miséricorde par laquelle Dieu le garde jusque dans les liens les plus naturels (ES 60) ; la conscience de la gravité de son péché (ES 57) et la connaissance intérieure du mystère de la croix qui lui ouvre les bras du Père peuvent être bien pauvres encore, un fruit majeur de la première semaine n’en demeurera pas moins d’être porté par une consolation fondamentale, où se trouvent ressaisies une sagesse et une énergie mystérieuse : « j’irai vers mon Père… » (Lc 15,18). La parabole du roi temporel « représente » évidemment ce mouvement de la première semaine sous la forme d’un appel qui échappe le plus souvent à la réflexion de l’homme, mais qui le meut profondément.

Nous n’avons pas relevé jusqu’à présent un dernier trait de l’appel, à savoir que le roi humain était « choisi par la main de Dieu notre Seigneur ». On comprendra par là que la figure du roi temporel n’existe pas en soi, comme une structure a priori de la conscience humaine, mais qu’elle est référée à un au-delà, à une alliance divine intrinsèquement reconnue au terme de la première semaine, dans le pardon des péchés et la conversion à Dieu. Cette figure du roi est une « représentation » agissante déposée dans la conscience humaine par les multiples appels entendus depuis l’enfance, mêlés aux réponses les plus intuitives de la personne ou du milieu et de la culture où elle est plongée ; cette figure peut d’ailleurs se diffracter, comme nous allons l’indiquer.

1 Figures actuelles du roi temporel

Faut-il toujours, comme dans la parabole, donner au roi temporel des connotations religieuses ? Il ne semble pas. Les caractéristiques retenues et la conception ignatienne de la consolation spirituelle (présente en toute forme d’union à Dieu) suggèrent une acception plus large. En ce sens, certaines impulsions de la conscience contemporaine peuvent être méditées comme autant de paraboles vivantes du roi temporel : appel à la promotion de la justice, à la défense des droits de l’homme, à l’ouverture à d’autres cultures et religions, etc. S’y retrouvent en effet un bien commun immédiat des consciences généreuses, une volonté missionnaire, un engagement entier, un reproche adressé aux non-partisans. C’est l’honneur de l’homme d’être sensible à ces appels qui embrassent par ailleurs l’engagement dans tant de tâches humaines, la famille, le métier, la responsabilité sociale, la pratique religieuse, les œuvres de bienfaisance…

Sans doute, autrefois, le roi temporel avait-il un seul visage et donnait-il cohésion à l’ensemble de ses sujets, puisque ceux-ci pouvaient éprouver une connivence avec celui qui faisait leur identité et leur unité. Parler des appels multiples qui meuvent la conscience dans le combat pour des causes justes, au nom de la liberté et de la raison, revient à proposer un roi sans visage, sans réduire pour autant la force de son appel dans les consciences « fidèles ».

Ce transfert d’une figure unique vers la voix qui retentit à l’intime pose la question de la multiplicité ; en démocratie, il y aurait sans doute autant de rois temporels que d’individus, ou, mieux, que de groupes constitués ou d’institutions établies. Nous y reviendrons par l’exemple des Églises en Russie. Qu’il suffise pour l’instant de relever la permanence des caractéristiques retenues et de leur référence dernière au « choix de Dieu »5.

2 Les Évangiles au fondement des Exercices

En se référant à un point ultérieur de la méditation du Règne, on voit se confirmer l’actualité du déplacement de la figure du roi. En Matthieu 19, l’appel lancé à une offrande de plus grand prix (« si tu veux être parfait… ») a longtemps été considéré comme prototypique de l’engagement à la vie religieuse, avant d’être réinterprété par l’exégèse. Des textes magistériels récents, comme la lettre encyclique Veritatis Splendor (6 août 1993) voient désormais dans ce passage un fondement pour la vie morale de tout homme. Le religieux ou le moine, sans rien perdre de leur vocation à témoigner d’une intimité personnelle avec le Christ, ont désappris le privilège de représenter à eux seuls la réponse à cet appel de l’Évangile. Le dialogue intime avec le jeune homme riche en reçoit une physionomie nouvelle, plus universelle. Si l’on admet que la rencontre du Christ et de l’homme riche fonde heureusement la méditation du Règne6, cette interprétation a un effet sur la pratique même des Exercices, à savoir que la dynamique spirituelle de deuxième semaine sera agissante dans la conscience du plus grand nombre.

3 En « croisade » ?

Revenons au roi temporel. Les énergies suscitées par son appel tendent naturellement à l’expansion, à la « conquête » ; elles font les prosélytes, comme on l’a dit. La nouveauté qui surgit, après une première conversion, dans un cœur encore rude et une âme encore aveugle (RP 14), peut induire la tentation de la violence et le goût des conflits, notamment dans le domaine religieux. Un épisode du Récit du Pèlerin le montre : en route pour Jérusalem, Ignace rencontre un Maure et les deux voyageurs en viennent à disputer de la virginité de Notre-Dame. Son compagnon l’ayant quitté, Ignace s’arrête, songeur, et des pensées l’assaillent : « il estimait avoir mal agi en le laissant tenir de tels propos sur Notre-Dame. Il se croyait obligé d’en venger l’honneur. L’envie lui vient de rattraper le Maure et de lui donner quelques bons coups de poignard pour ce qu’il avait dit… » (RP 15). Ne sachant que faire, Ignace lâcha à un croisement les rênes de sa mule, qui choisit le chemin de l’éloignement… et de la paix. Il faudra encore du temps pour que le pèlerin, entré dans une communion plus personnelle avec le Christ, pratique le travail du discernement proprement dit.

Le Père Alexandre Men notait aussi, dans sa dernière conférence, en songeant à la déjà longue histoire du christianisme : « …alors que la flèche de l’Évangile a pour cible l’éternité, nous sommes encore des néandertaliens de l’esprit et de la morale »7. La conversion doit elle-même être convertie.

4 Une « aide »

Conversion première, honneur, prosélytisme, force… Ayons la sagesse de considérer la bonté de ces apparitions encore frustres des mouvements de l’âme, avant que de vouloir en extraire l’ivraie. Car selon le texte d’Ignace, ce premier mouvement constitue une « aide » ouverte sur le mystère du Christ. De même, quand le Saint-Père, à Assise en 1986, accueille les représentants des grandes familles religieuses, sans fermer les yeux sur certaines défaillances et sur le chemin qui reste à parcourir, les forces des grandes religions du monde sont entendues dans la bonté native qui les tourne vers Dieu. Et si la parole de l’Église s’appuie en de nombreuses occasions sur la défense des droits de l’homme, c’est bien pour proclamer la valeur unique et les droits fondamentaux de la personne ; mais c’est aussi en raison d’une vision surdéterminée de ces droits : ils ouvrent sur la personne du Sauveur.

II L’appel du Roi éternel

Le deuxième volet de la méditation du Règne consiste justement à regarder le Christ ; il s’agit « d’appliquer l’exemple précédent », à « une réalité plus digne d’attention ». Les points caractéristiques de la première partie sont repris et transformés. Le roi ne s’adresse pas seulement aux « siens », mais il provoque une sorte de vis-à-vis où s’affirme une autorité universelle autant qu’une relation personnelle avec chaque homme : « voir le Christ notre Seigneur, Roi éternel, et devant lui tout l’univers qu’il appelle et chacun en particulier ». C’est toujours le projet d’une conquête, mais qui ne vise plus un territoire, tandis que les ennemis sont partout : « ma volonté est de conquérir le monde entier et tous les ennemis ». La « peine » et la « gloire », dans leur rapport de simultanéité, sont tous deux objets de la « suite » du Christ et donnés dans le présent ; la tension de l’effort pour obtenir un jour la « victoire » n’est pas moindre, mais il y a en elle plus de paix qu’auparavant. Enfin, il ne s’agit plus de sanction sociale, mais on prend la liberté et le réalisme de distinguer deux sortes de réponse face au Christ. Les clivages et divisions entre royaumes semblent dépassés ; le combat spirituel n’en sera peut-être que plus intense, mais déjà agit une force de communion.

1 La fidélité

La première réponse, à ce second niveau, est « offrande de toute la personne à la peine ». Rien n’est dit sur la disposition de l’âme, si ce n’est que l’homme fait ainsi preuve de « jugement et raison ». L’insistance sur l’agir est analogue à l’engagement antérieur à la suite du roi temporel ; ce qui, on l’a vu, doit être entendu comme un honneur ou une grandeur recouvrée. Ainsi est loué le croyant qui fait de grandes choses ou porte de grandes responsabilités, surtout s’il peut tenir debout dans les épreuves. D’ailleurs que faudrait-il de plus ? Être un serviteur avisé et disponible ne constitue-t-il pas le support, l’« aide » d’une vie donnée au Christ et à sa mission, n’est-ce pas là le sens obvie de la contemplation dans l’action ? L’humilité de la conscience qui s’en remet avec « jugement et raison » à toute parole qui vient d’en haut est bien ajustée. Nous voici proches de l’obéissance d’Abraham, et du courage de tous ceux qui vivent dans une confiance héroïque. La référence au mystère du Christ est implicitement présente, avec le sceau d’authenticité souvent lié à l’épreuve du juste et à la mort8.

Mais l’agir se réfère-t-il personnellement au Seigneur ? Rien ne surpasse, certes, une vie donnée avec grandeur, mais la réponse au : « que me manque-t-il encore ? » (Mt 19,20) suscité par la présence universelle du roi éternel, peut-elle demeurer toujours cachée à l’intime de l’être ? Notre temps appelle, dans le domaine de l’agir, des manifestations qui soient plus explicites. Rappelons-nous le constat provocant du Père A. Men, quand il indiquait qu’il faut « commencer » à suivre le Seigneur.

2 La manière de faire : en imitant le Christ

La deuxième réponse, à ce second niveau, est le vrai commencement qui met le retraitant à la suite du Christ ; elle se caractérise, dans le jargon d’Ignace, par ces termes : « vouloir davantage être touché en son affectivité et être plus éminent, en tout service du Roi éternel et Seigneur universel ».

Dans la conférence déjà citée, le P. Alexandre Men annonçait aussi un imminent changement de mystique. La foi-confiance, pensait-il, est entrée dans la mémoire de l’humanité avec la figure d’Abraham, obéissant en silence à un appel mystérieux qui l’invitait à franchir le rideau de la réalité mortifère et absurde du monde. D’où sa grandeur insurpassable, que l’on retrouve en espérance en beaucoup d’aveux : « je voudrais avoir plus de confiance, je n’ai pas assez de foi… ». Mais avec la nouvelle Alliance, en ce face-à-face immense entre la Parole divine et la conscience humaine, est offert de surcroît un don qui apaise : une relation nouvelle à Dieu, tout entière réalisée dans l’Eucharistie où résonnent ces mots : « Prenez…, ceci est mon corps…, ceci est mon sang… ».

Au moment où nous sommes dans les Exercices, cette nouveauté du Don peut susciter des offrandes « de grande valeur » qui permettent d’« agir contre » la sensualité et l’amour, entendus selon l’esprit de ce monde. Cet « agir contre » est souvent compris comme un effort moral supplémentaire, alors qu’il s’agit d’abord d’un saut de qualité, d’un « que me manque-t-il encore ? », fondé sur une rencontre plus personnelle avec le Christ. Le Frère Roger Schutz exprimait en son langage cette attitude nouvelle : « Dans la simplicité de la foi, nous pouvons saisir que le Christ, le Ressuscité, est avant tout communion… Il n’est pas venu sur la terre pour créer une nouvelle religion ; il n’a pas été critique pour les religions ; mais il est venu offrir à tous ce mystère d’une communion d’amour dans son Corps, son Église »9.

En ce sens, les religions dans leur diversité, mais aussi les branches chrétiennes qui se reconnaissent sœurs séparées, figurent autant de rois temporels avec leurs invitations puissantes, alors que la communion et les nouvelles relations en Christ (Ga 3,28) appellent une manière de faire qui se situe à un niveau supérieur. Le propos du Frère Roger est d’autant plus exact et actuel que l’attitude à laquelle il invite ne relève pas seulement des relations d’individus à individus, mais de communautés à communautés.

Une longue route commence ainsi. Si au début, l’offrande pour un « agir contre » est une ardente prière, Dieu sait comment, en cours de route, nous désapproprier de nous-mêmes et rendre limpide notre cœur, pour que nous puissions entrer dans une relation personnelle avec le Christ et le prochain. Il ne nous demande pas de mener tout de suite des combats impossibles. Dans le volet du roi temporel, la réponse primitive comprenait en soi une certaine violence, celle de la « nature », celle d’une « conquête » et de son prosélytisme, celle de la perfection comprise comme un effort « jour et nuit » pour se surpasser toujours, celle d’un vis-à-vis immense où la parole venant d’en haut ne peut qu’appeler à une obéissance sans faiblesse ; tandis que le « va, vends… » du Christ à l’homme riche, qu’Ignace traduit en offrandes (et plus loin en « élection » ou décision de réformer sa vie) est d’abord de l’ordre de la confiance et de l’amour, cachés dans un cœur humble et toujours pécheur. C’est pourquoi il demeure des réserves. Certes, « je veux, désire, choisis délibérément » une proximité plus grande avec le Christ, jusqu’à « l’imiter » ; mais j’ajoute aussitôt : « … si cela contribue à Ta Gloire divine » ; « si Tu le veux… ». La vérité d’une telle demande d’intimité avec l’Agneau de Dieu traverse toute la vie. On peut qualifier d’éminemment active cette libre offrande d’amour, œuvre tout ensemble divine et humaine, à l’intime du cœur.

Comme dans la contemplation de l’Incarnation qui va suivre aussitôt celle du Règne, l’appel à une telle communion avec le Christ et avec tous ne peut qu’éveiller des questions immenses. En Marie comme plus tard en Jean-Baptiste, en Nicodème et chez l’homme riche, l’espace du Royaume s’ouvre devant la liberté humaine, et surgissent les interrogations : « comment cela se fera-t-il ? », « es-tu celui qui doit venir ? », « comment un homme peut-il naître une fois qu’il est vieux ? », « que me manque-t-il encore ? ». Garder ces questions au cœur permet, à ce moment des Exercices, de commencer le travail du discernement et de l’élection (du choix), lesquels visent à « chercher et trouver la volonté divine » (ES 1).

Ce labeur n’épuisera pourtant jamais, quel que soit son objet, le mouvement de l’offrande finale du Règne, qui va du « respect et de l’obéissance » au roi temporel à l’intimité de la connaissance du Seigneur, « qui pour moi s’est fait homme » (ES 104). Les choix que l’homme réalise au départ comme en cours de route sont la partie émergée de l’histoire spirituelle individuelle aussi bien que communautaire ou sociale. À l’exemple de Marie, cette mémoire du cœur est enveloppée dans la prière d’offrande ; comme à l’avance sont ainsi abandonnées les pauvres décisions humaines, personnelles, œcuméniques, missionnaires, etc., que l’on s’efforce de prendre devant le Christ. L’esprit de cette « offrande de plus grand prix » donnera fécondité aux autres décisions prises devant Dieu, dans l’actualité des circonstances et il donnera sens à des règles de vie toujours inachevées, parfois dépassées ou encore, réformables.

3 À nouveau, « le roi temporel »

Que de forces et de générosités, quel sens de l’offrande proprement chrétienne, chez les missionnaires partant naguère vers l’Afrique, l’Inde, l’Amérique, en disant définitivement adieu à leurs parents, pour mourir après peu d’années, ou même avant d’arriver… ! Un tel don de soi était communion directe à la personne du Christ, et cela a certes suffi.

Cependant la rencontre de l’expérience religieuse et spirituelle, de chaque homme, des groupes de croyants, des églises particulières, etc., avec le Christ, a pris aujourd’hui un relief nouveau. La diversité des traditions culturelles spécifiques est davantage reconnue (et même au-delà des frontières du monde chrétien), ce qui peut souligner le trait plus personnel de la présence et de l’action du Christ Sauveur dans le cœur des hommes. Des caractéristiques représentées autrefois par la chrétienté resurgissent aujourd’hui en d’autres « figures », pour être appelées à la première conversion et devenir ensuite une plus grande « aide » dans la rencontre avec le Christ ; l’homme contemporain est invité, par leur force temporelle plus accusée, à s’offrir au Roi éternel comme à neuf, dans une relation plus singulière, pour être envoyé vers autrui.

Sous ces termes de « roi temporel », on entend donc ce qui oblige tout à la fois l’honneur du chevalier, la générosité de l’homme riche « depuis l’enfance » (Mc 10,20), la conscience éprise de justice, le courage de la confiance, les différentes expériences spirituelles personnelles et communautaires, bref, tout ce qui constitue l’homme, avec son histoire faite de motions puissantes et de choix conscients ou intuitifs, posés par lui-même comme par ceux qui l’entourent ou le précèdent, et avec les questions qu’il fait monter vers le ciel, jusqu’au jour de la rencontre avec le Roi éternel.

Cette méditation du « Règne » nous permet de considérer la difficile question de la liberté de conscience, surtout quand elle est opposée, comme c’est le cas en Russie aujourd’hui, à la mission propre de l’Église en place.

III Liberté de conscience

Parmi les droits de l’homme, celui de la liberté religieuse semble à beaucoup le plus fondamental. Quand le Concile Vatican II et le Saint-Père parlent de ces droits laborieusement acquis par l’humanité, ils affirment en quelque sorte qu’on peut les comprendre comme une « aide » pour entrer « plus avant et avec plus de cœur » dans le mystère du Christ. À la veille du voyage du Pape en Ukraine en juin 2001, Joaquim Navarro-Valls, responsable du service de presse du Saint-Siège, affirmait : « la liberté de conscience, voilà le choix du 21e siècle »10. Plus récemment, le Cardinal W. Kasper écrivait qu’elle est un « problème central », au cœur des tensions actuelles entre Rome et Moscou11 ; il répondait ainsi à la vigoureuse réaction de l’Église Orthodoxe Russe, suite à une décision romaine du 11 février 2002, selon laquelle les « administrations apostoliques » catholiques, érigées en 1991 (à Moscou et Novosibirsk) et en 1999 (à Saratov et Irkoutsk), deviennent des diocèses proprement dits, réunis en une province ecclésiastique, dont le centre est à Moscou12.

Dans la position catholique, on peut à juste titre faire apparaître les caractéristiques d’un « roi temporel choisi par Dieu » : un bien commun des esprits est recherché par des instances autorisées, une volonté d’expansion s’affirme (au moins pour le 21e siècle), un préalable est posé pour toute mission comme pour tout dialogue œcuménique, un jugement sévère est adressé aux réfractaires13. On observera également, du côté orthodoxe, les mêmes singularités, à savoir l’attachement au peuple et au territoire, sinon à la conquête, et une méfiance militante vis-à-vis du patriarcat de l’Occident14.

En ce sens, on peut parler de « rois temporels », qui semblent se dresser à nouveau l’un en face de l’autre, après la parenthèse des septante ans du communisme en Russie. Parler ainsi n’est pas restrictif, mais dynamique, car nous avons compris ces figures particulières comme le produit des appels et des réponses qui ont fait l’histoire et sont ainsi déposés dans la mémoire des peuples chrétiens de Russie ; mais c’est pour les conduire plus avant dans le mystère du Christ, pour leur donner d’entendre selon leurs manières propres l’appel du Roi éternel.

Aujourd’hui donc Rome affirme que sans le droit à la liberté de conscience, l’Église se trouve entravée dans sa mission de porter l’Évangile au monde entier, tandis que Moscou soutient que l’appellation d’Église-sœur, que le Concile Vatican II lui a adressée, est contredite par le prosélytisme catholique actuel, à savoir la formation d’un clergé autochtone, les œuvres de bienfaisance à l’intention d’enfants baptisés orthodoxes ou nés dans le communisme athée, l’implantation d’ordres monastiques missionnaires venant de l’étranger15. La discussion est lourde de conséquences, car le face-à-face des rois temporels peut prendre les allures d’une concurrence sévère ; davantage, il met en jeu, en plus des forces du passé, le sens de l’avenir et de la mission en Christ.

1 Liberté de conscience et manières de faire

Un lien profond unit les trois réponses du Règne, car elles tissent, pour chaque homme et pour chaque Église, une histoire spirituelle unique devant Dieu. En ce sens, une première réflexion s’impose : nier chez les siens toute forme de prosélytisme propre à la première réponse, ou le condamner totalement chez les autres, est vain, car en fonction de leur élan même, les énergies mobilisées ne se soumettent pas aisément. Il ne s’agit pourtant pas d’en rester là ; l’appel du Roi éternel nous presse évidemment d’aller plus loin.

Examinons seulement la portée de l’argument de la liberté de conscience, sous la forme de questions, puisque c’est ainsi que commence, disions-nous, le travail de discernement propre à la deuxième semaine. S’attacher ainsi au commencement souligne la limite volontaire de notre propos.

Le mouvement de la conscience pour la défense et la propagation de la liberté religieuse ne peut laisser personne indifférent ; il a une portée universelle : face à Dieu et au prochain, il n’y a qu’une vocation humaine ; un vrai dialogue entre personnes n’est possible que dans le respect et la paix attachés à ce droit. Cependant l’universalité ainsi comprise suscite de nouvelles interrogations : ne demeure-t-elle pas abstraite16 ? N’est-elle pas grevée par son lien étroit avec l’hégémonie de la culture occidentale et sa puissance d’expansion ? Ou encore, par la conception qu’a cette culture de la relation entre l’Église et l’État17 ? Comment cette liberté est-elle rattachée à la communion et à la mission en Christ ? Dans quel esprit, et à quelles conditions, la partie catholique peut-elle la proposer à tous, en tant que patriarcat latin qui a acquis cette latitude au prix d’une histoire longue et douloureuse18 ? Comment peut-elle être accueillie par un groupe de chrétiens qui en a fait une autre expérience, la reçoit dans une autre tradition spirituelle, selon une autre ecclésiologie19 ? S’il n’y a pas de doute possible sur la valeur et l’« aide » des droits de l’homme et s’il est vain de vouloir en nier la force expansive, s’il faut souhaiter par conséquent qu’ils soient un « choix du 21e siècle », lequel d’ailleurs donne sens au propos de « nouvelle évangélisation » et de « commencement du christianisme », en faire comme un choix pressant pour tous, dès aujourd’hui ou pour demain, n’est-ce pas trop, ou bien trop peu ?

Les droits de l’homme, en effet, ne font qu’ouvrir le champ du discernement auquel invite le Roi éternel. Trop affirmés pour eux-mêmes, ils prennent facilement un ton défensif et le danger n’est pas illusoire de voir chaque Église locale s’organiser pour elle-même, pour autant qu’elle ne viole pas la loi de l’État où elle se trouve. Or, ces droits doivent nous ouvrir à la manière de faire qui est au commencement de la dernière réponse à l’appel du Règne, adressé non seulement aux individus, mais aux groupes de croyants, donc aux Églises. Les efforts qui prennent en compte cette nouveauté ne manquent d’ailleurs pas. On a parlé du Frère Roger de Taizé ; citons encore le Document de Balamand, rédigé peu après la chute du communisme en Russie20. Qui douterait que ce soit un lieu de combat spirituel très aigu ? Saint Paul avait déjà choisi, « tenant à honneur de limiter (son) apostolat aux régions où l’on n’avait pas invoqué le nom du Christ, pour ne point bâtir sur les fondations posées par autrui » (Rm 15,20). Sans oublier que la liberté de conscience elle-même est toujours le fruit d’une histoire où agit d’abord la miséricorde de Celui qui le premier entend la clameur muette pour plus de justice montant du cœur des pauvres21.

2 Mission

Si l’œcuménisme touche à la nature même de l’Église comme communion, il informera la mission chrétienne. On se limitera ici encore à poser quelques questions.

Aujourd’hui, le patriarcat latin, avec sa grande énergie missionnaire, est présent partout dans le monde, de l’Alaska à l’Australie, mais peut-il « représenter » à lui seul « devant tout l’univers » le débat de la conscience humaine face à l’« appel du Christ notre Seigneur » ? Sans doute, il a gardé et développé la figure de Pierre et il exerce par là comme un rôle maternel vis-à-vis de toutes les Églises. La question se redouble : comment penser ce rôle, sans faire peser sur les autres Églises les traits propres de sa tradition originale, y compris sa façon de vivre la grâce du service de Pierre ? Cette diaconie est le bien de tous ; ainsi peut-on comprendre la demande de l’évêque de Rome en 1995 dans Ut unum sint (1995) : « [Que nous trouvions] une forme d’exercice de la primauté ouverte à une situation nouvelle, mais sans renoncement aucun à l’essentiel de sa mission »22.

Il paraît décisif, du point de vue de la mission, que l’unité naisse de la communion qui respecte le caractère indicible de l’appel du Christ « à tous et à chacun ». Si la diversité n’est pas reconnue et vécue en Christ à l’intérieur même de l’Église, comment le fidèle d’une autre tradition spirituelle séculaire pourra-t-il rencontrer le Christ aujourd’hui ? L’« aide » ne lui viendra-t-elle que d’une tradition étrangère, fût-elle universelle, et jamais du meilleur de la sienne ? Comment en outre doit-il recevoir les « missionnaires » d’une branche de l’Église séparée de l’autre ? Au nom de quoi ceux-ci veulent-ils porter au monde une Bonne Nouvelle liée à leur tradition particulière, plus qu’à la « communion d’amour dans le Corps du Christ, son Église », comme l’écrit le Frère Roger ?

Qui peut en effet rassembler les différentes traditions chrétiennes — et même non-chrétiennes — jusqu’en ce point où elles sont face au Roi éternel ? Celui-ci peut seul confirmer, et par là apaiser, le dynamisme de conversion et la quête spirituelle qui emportent ces traditions. Or le Christ nous a donné, en plus d’une prière pour l’unité, un ministère d’apaisement confié à Pierre : « … j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi, donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères » (Lc 22,32). Ce service de la confirmation, illustré à un certain niveau par la rencontre d’Assise de 1986, est un bien de tous, même si l’histoire lui a donné une expression propre à l’Église catholique romaine ; il est pour la mission de tous par le monde entier.

Comment cela se fera-t-il ? Aujourd’hui, après le 11 février 2002 et l’instauration d’une métropolie catholique en Russie, le dialogue œcuménique est paralysé et c’est une grande pitié, au moment où l’Europe se construit. Certes, reconnu ou non, Pierre ne cesse d’exercer mystérieusement, en l’une comme en l’autre partie de l’Église naguère séparées, le rôle qu’il a reçu du Christ ; ce qui expliquerait en partie, semble-t-il, la forte réaction du patriarcat de Moscou. Aujourd’hui du moins, il n’est plus possible de fermer les yeux sur les résistances intérieures de chaque côté, ni sur l’appel au pardon à se donner pour le passé et peut-être pour le futur, ni sur la conversion à accomplir maintenant pour penser à nouveau la manière de vivre en communion.

De ce point de vue résonne toujours l’appel du Concile Vatican II, dont l’Église, de tous les côtés, peine à traduire le véritable esprit. La question nouvelle des droits de l’homme (et de la liberté religieuse) peut nous ouvrir, comme dans l’offrande finale du Règne, au mystère de l’Amour déposé dans les cœurs. C’est lui qui agira pour la béatitude de ceux qui sont victimes (et cependant acteurs) du mal-vivre ensemble des hommes et des communautés ecclésiales aujourd’hui.

Notes de bas de page

  • 1 Cf. Men A., Le christianisme ne fait que commencer, Paris, Cerf, 1996, p. 43s.

  • 2 ES suivi d’un chiffre donne la référence selon la division habituelle du texte des Exercices ; les citations entre guillemets sont tirées de la méditation du Règne.

  • 3 Les références au Récit seront désormais indiquées par le sigle RP, suivi du numéro du texte.

  • 4 « Respect et obéissance » sont des mots-clés de la considération par laquelle s’ouvrent les Exercices (« Principe et Fondement », ES 23).

  • 5 Ainsi, la promotion de la justice est une obligation majeure, insurpassable du point de vue humain, et tout de même appelée à s’ouvrir sur la contemplation du Roi éternel.

  • 6 La noblesse et la droiture de celui qui affirme : « tout cela, je l’ai gardé dès ma jeunesse », peuvent « aider » beaucoup à « contempler » le roi éternel. Le texte ignatien, avant de souligner le combat spirituel de qui veut « connaître… aimer… et suivre le Seigneur » (ES 104), se fait hospitalier aux énergies humaines et à l’appel mystérieux qui les anime.

  • 7 Men A., Le Christianisme ne fait que commencer (cité supra, n. 1), p. 49.

  • 8 Dans Une vie bouleversée, tr. Ph. Noble, Paris, Seuil, 1985, Etty Hillesum nous livre par son journal, tenu de 1941 à 1943, un portrait saisissant de cette attitude.

  • 9 Fr. Roger, dans Lettre de Taizé 1997.

  • 10 Cf. Svet Evangelia (SvE), hebdomadaire de l’administration des catholiques en Russie, du 1er juillet 2001. Nous nous référons à la présentation de l’échange téléphonique entre des journalistes russes et J. Navarro-Valls, telle qu’elle a pu être lue par les chrétiens de l’Est, sous le titre : « La liberté de conscience, choix du 21e siècle ».

  • 11 Cf. SvE du 31 mars 2002, où est donnée la traduction russe d’un article de la Civiltà Cattolica 3642 (16 mars 2002) 531-541 : « Les racines théologiques du conflit entre Moscou et Rome ».

  • 12 Cette volonté semble réfléchie, puisque le 4 mai de cette même année 2002, le Vatican a institué en Ukraine orientale et méridionale deux nouveaux diocèses.

  • 13 Cf. SvE du 31 mars 2002 (cité supra, n. 11), reprenant à nouveau W. Kasper : « Le fait que l’Église orthodoxe russe s’identifie à une culture ethnique déterminée… conduit en dernière analyse à une hérésie ecclésiologique » (cf. Civiltà Cattolica, p. 540).

  • 14 Cf. Zielinsky Vl., « Cheminer avec l’Église de Russie », dans La Croix du 8 août 2002 : « La Russie conserve une sensibilité particulière vis-à-vis de n’importe quelle invasion, même purement spirituelle. Sa conscience dite ‘nationale’ (elle n’est pas tout à fait abstraite) inclut le peuple, la terre et la foi dans une entité indivisible. Toujours menacée, donc, toujours en garde contre tout ennemi ».

  • 15 Cf. Nouvelles de l’Église Orthodoxe Russe, www.russian-orthodox-church.org.ru : Le prosélytisme catholique parmi la population orthodoxe de Russie.

  • 16 Que veulent dire, par exemple, au regard de la foi, la liberté de conscience et la liberté religieuse de l’enfant et celle des peuples chrétiens des deux premiers millénaires ?

  • 17 À poser de façon trop simplifiée, l’une en face de l’autre, la liberté de conscience et la mission de l’Église, on prônerait un modèle mondialiste, où en chaque grande ville de la planète, existeraient des structures parallèles, catholique, orthodoxe, protestante, juive, musulmane, hindoue, bouddhiste, animiste, etc…

  • 18 Dans l’article mentionné plus haut, le Cardinal W. Kasper rappelle comment cette liberté première du christianisme, confirmée par les Pères de l’Église et le sang des martyrs, a été réduite à une tolérance à partir de Constantin et de son choix pour une religion d’État. Il a fallu attendre le Concile Vatican II et la Constitution Dignitatis humanae pour que le lien profond entre vérité et liberté soit à nouveau compris chrétiennement, au-delà des raideurs du dialogue de l’Église avec l’humanisme libéral.

  • 19 Cf. Zielinsky Vl., « Cheminer avec l’Église de Russie » (cité supra, n. 14).

  • 20 Cf. « L’uniatisme, méthode d’union du passé, et la recherche actuelle de la pleine communion », Document de Balamand (Liban), 1993. Texte français dans Doc. Cath. 2077 (90, 1993) 711-714.

  • 21 De quelle façon l’Europe des droits de l’Homme, par exemple, peut-elle en exporter l’exigence en Afrique qu’elle a épuisée par la traite des Noirs, si ce n’est dans l’esprit de la liturgie de pénitence du 12 avril 2000 ? Cf. Lustiger J.-M., Pour l’Europe, un nouvel art de vivre, coll. Communio, Paris, PUF, 1999, p. 9s. En Russie, pour que ces mêmes droits ne paraissent pas imposés par les plus forts, n’y a-t-il pas lieu de réaliser un même examen de conscience face aux erreurs et péchés de l’histoire passée ?

  • 22 Texte français dans Doc. Cath. 2118 (92, 1995), n° 95.

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