Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

Un nouveau droit pénal canonique ?

Alphonse Borras
Alors que l’Église est secouée par la révélation d’abus divers en matière de mœurs, comme en matière patrimoniale et financière, le pape François a promulgué un nouveau Livre vi du Code de droit canonique qui révise les dispositions pénales du Code de 1983. Cette étude en présente les traits majeurs marqués par une sévérité accrue et en dégage les limites, notamment dans le rapport entre ces disposition pénales et le droit séculier.

Par la Constitution apostolique Pascite Gregem Dei (PGD) du 23 mai 20211, le pape François promulguait le nouveau Livre vi du Code de droit canonique. Celui-ci abroge ainsi l’antérieur de 1983 qui, lui-même, était le résultat d’une révision conséquente du droit pénal du Code de 1917. L’entrée en vigueur du nouveau Livre vi est prévue pour le 8 décembre 2021. Cette étude se propose d’en présenter les traits majeurs ainsi que d’en dégager les limites. Je rappellerai cependant au préalable les circonstances de la révision du Livre vi de 1983.

I Les circonstances de la révision du Livre vi du Code de 1983

Comme la Constitution Pascite Gregem Dei y fait brièvement allusion, le nouveau Livre vi est le fruit d’un travail de longue haleine. En 2007, le pape Benoît xvi donna mandat au Conseil pontifical pour les textes législatifs (CPTL) d’envisager la révision des dispositions pénales contenues dans le Code de 1983. C’est ainsi que s’enclenchèrent les consultations d’usage dans les milieux ecclésiastiques – dicastères romains et conférences épiscopales – et auprès d’instances académiques qui, au terme de diverses réunions en commission restreinte et en assemblée du CPTL, aboutirent à un premier projet, puis à un second daté du 26 juillet 2011. Entre ce projet de 2011 (textus emendatus schematis recognitionis Libri vi) et le texte récemment promulgué, il y eut encore un autre projet (novissimus textus) en son temps transmis à l’appréciation des consulteurs. En date du 9 décembre 2019, le CPTL le soumit aux membres de son assemblée plénière qui y apporta quelques corrections ultérieurement insérées dans le texte transmis au pape François en février 2020.

Dès le début de ce travail de révision, il fut question d’identifier les problèmes de la pratique pénale en vigueur et de formuler des propositions de solutions dans un contexte où l’Église catholique continuait entre-temps d’être secouée par la révélation d’abus divers en matière de mœurs, comme en matière patrimoniale et financière. Les Praenotanda du textus emendatus de 2011 notaient d’emblée l’exigence d’adapter les normes pénales en vigueur en même temps qu’ils reconnaissaient l’usage parcimonieux du « système pénal » par les pasteurs dans l’exercice de leur charge de gouvernement. Et ils mentionnaient deux raisons « fondamentales » de l’inobservance des dispositions canoniques : la compréhension de la fonction des peines comme allant à l’encontre de la charité et les défauts du système pénal canonique en vigueur. Le textus emendatus de 2011 s’inscrit dans un contexte d’anti-juridisme persistant depuis plus de cinquante ans, lié à l’antagonisme entre la justice et la charité, avatar de ces autres oppositions entre grâce et loi, charisme et institution. Le droit canonique a continué à être perçu comme un obstacle au renouveau ecclésial et à l’ouverture pastorale que Vatican ii encourageait2.

La déferlante succession de révélations aussi tristes qu’accablantes des abus a provoqué des requêtes pressantes de sanctions plus sévères à l’égard des auteurs de ces délits sexuels3. Le Saint-Siège y a fait face dès les années 90, en particulier par la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF) et par son préfet Joseph Ratzinger. En date du 30 avril 2001, le pape Jean-Paul ii promulguait un Motu proprio Sacramentorum sanctitatis tutela traitant des délits contre la sainteté des sacrements de l’eucharistie et de la pénitence et de « délits contre les mœurs ». Il y insérait le délit d’abus sexuel d’un clerc sur mineur de moins de dix-huit ans dans la liste des delicta graviora. Quelques semaines plus tard, le 18 mai 2001, la CDF publiait une lettre sur ces délits les plus graves en matière de sacrements et contre les mœurs en statuant qu’elle se les réservait4. Neuf ans plus tard, Joseph Ratzinger, devenu Benoît xvi, promulguait, le 21 mai 2010, un Motu proprio sur les delicta graviora suivi quelques semaines plus tard, le 15 juillet 2010, par un décret général législatif de la CDF5. Ce décret actualisait les normes sur les delicta graviora de 2001 pour en améliorer l’efficacité du point de vue procédural.

À travers ces réactions du Saint-Siège, on comprend comment se consolida la conviction exprimée dans les Praenotanda de 2011, à savoir que ces mesures pénales s’imposaient pour un bon gouvernement du peuple de Dieu, y recourir étant une exigence de la charité quand le salut des âmes postule que son usage ne soit pas différé6. D’où le rappel des trois finalités du droit pénal qui le rendent également nécessaire dans la société ecclésiale, à savoir le rétablissement de la justice, l’amendement du coupable et la réparation du scandale.

Le pape François a été, lui aussi, habité par le même tourment des scandales liés aux délits sur mineurs et à l’inertie de chefs d’Église quant à la poursuite des responsables. Sous cet angle, il en vint à promulguer le Motu proprio Vos estis lux mundi en date du 7 mai 20197, invitant à « continuer à apprendre des amères leçons du passé pour regarder avec espérance vers l’avenir ». Afin que ces « crimes d’abus sexuels » ne se reproduisent plus, il y rappelait le chemin d’une effective conversion des cœurs pour que la sainteté personnelle et l’engagement moral contribuent à la crédibilité de l’annonce évangélique et à l’efficacité de la mission de l’Église (cf. préambule). Le pape François en appelait à la responsabilité des évêques et de tous les chargés d’office ainsi que des religieux et religieuses pour « prévenir et (…) contrer ces crimes qui trahissent la confiance des fidèles ».

Plutôt que d’évoquer négativement l’incurie des pasteurs et des supérieurs comme dans les Praenotanda de 2011, la Constitution Pascite Gregem Dei de 2021 a préféré en appeler positivement à leur responsabilité et inscrire l’exercice du droit de punir dans leur gouvernement pastoral. Si, comme elle le rappelle, il revient à l’intégralité du peuple de Dieu d’observer la discipline pénale, sa correcte application relève de la responsabilité des pasteurs et des supérieurs. La discipline pénale n’est pas séparable de leur charge pastorale et de l’exigence de charité à laquelle ils ne peuvent renoncer à l’adresse de la communauté chrétienne et des victimes mais aussi à l’égard de l’auteur du délit « qui a besoin à la fois de la miséricorde et de la réprimande de la part de l’Église » (lat. : qui indiget et misericordia et correptione ex parte Ecclesiae). Exhorter et persuader ne suffisent plus, dit la Constitution, ces attitudes rendent plus difficile l’amendement ou la correction des coupables et sèment confusion et scandale parmi les fidèles8.

Pour faire face à la situation sur le terrain, la révision du Livre vi a intégré les normes déjà en vigueur, en particulier les dispositions du Saint-Siège relatives aux delicta graviora de 2001 et de 2011. À l’instar du Code de 1983, le nouveau Livre vi réaffirme d’entrée de jeu le droit intrinsèque – « inné » et « propre » – de l’Église catholique de contraindre par des sanctions les fidèles qui ont commis des délits9. Le législateur de 2021 conçoit indéniablement le droit pénal comme un instrument de gouvernement. C’est en fonction de cette préoccupation présente dans toutes les lois spéciales du Saint-Siège depuis plus de vingt ans qu’il faut comprendre le second paragraphe du canon 1311, nouveau par rapport à 1983 :

Celui qui préside dans l’Église doit protéger et promouvoir le bien de sa communauté et de chacun des fidèles du Christ avec charité pastorale, par une vie exemplaire, des conseils et des exhortations ainsi que, le cas échéant, par l’imposition ou la déclaration de peines, en conformité avec des dispositions légales qui devront toujours être appliquées avec équité canonique et en considérant le rétablissement de la justice, l’amendement du coupable ainsi que réparation du scandale.

II Plus de rigueur et surtout plus de sévérité : l’effet de balancier

Le canon 2214 § 2 du Code de 1917 avait repris un passage d’un décret du concile de Trente (sess. xiii, de ref. cap. 1) où, en 1551, les Pères conciliaires rappelaient que les évêques devaient se comporter comme des pasteurs et non comme des bourreaux (pastores sed non percussores). Dans son effort d’élaborer une codification selon les critères de la science juridique de l’époque, le Code de 1917 ne voulut pourtant en rien sacrifier la dimension juridique de son dispositif pénal, notamment par son souci d’y intégrer des éléments propres aux droits pénaux séculiers, apparaissant sous cet angle plus « juridique » que « pastoral ».

Le Code de 1983 ne renonça pourtant pas à la technique juridique du Code de 1917. En conformité avec le premier des principes directeurs de la révision du Code pio-bénédictin, entérinés lors du Synode des évêques de 196710, il s’agissait bel et bien de sauvegarder son caractère juridique et sa mise en œuvre au for externe en ce qui concerne l’application des peines11 tout comme il importait d’honorer, selon le troisième principe, la bonté, la tempérance, l’humanité, la modération et la recherche de l’équité et, selon le sixième principe, de mieux protéger le droit des personnes.

Le Code de 1983 simplifia la législation antérieure en même temps qu’il valorisa le for externe, le respect des droits des « délinquants », les auteurs de délit, le favor rei et en définitive des sanctions pénales caractérisées par une bienveillance pastorale. Depuis lors le dispositif de 1983 – largement méconnu et souvent déprécié – s’est avéré inopérant face à des délits graves susceptibles de mettre en danger la communion ecclésiale, l’adhésion des fidèles et sa protection autant que la crédibilité de l’Église. Avec le Livre vi de 2021, on assiste à un effet de balancier dès lors qu’il fait preuve de plus de rigueur, de sévérité et d’efficacité.

Commençons par la rigueur : elle se traduit tout d’abord par plus de précision. C’est par exemple le cas avec les transferts de canons précédemment situés sous d’autres titres qui se trouvent désormais sous le Titre ii de la 2e Partie qui s’énonce désormais comme suit : « Les délits contre l’autorité ecclésiale et l’exercice des charges ». Parmi les précisions terminologiques et modifications d’énoncés12, je cite la nouvelle appellation du Livre vi, à savoir « Les sanctions pénales dans l’Église ». Malgré cette précision dans le titre du Livre vi, c’est le mot « peine » qui prévaut ! L’expression « sanction pénale » n’apparaît d’ailleurs que trois fois par la suite dans le dispositif, c’est-à-dire une seule et unique fois de plus qu’en 1983, où elle n’apparaissait déjà qu’à trois reprises (cf. c. 1311 devenu 1311 § 1, c. 1312 § 1 et dans le Titre iii de la 1re Partie).

La rigueur s’exprime surtout par une présentation plus précise des délits. C’est tout spécialement le cas à propos des délits jadis qualifiés in sexto, c’est-à-dire à l’encontre du sixième commandement. Le nouveau Livre vi tire profit des lois spéciales du Saint-Siège qui ont précisé différentes figures de délits dans ce domaine. Il a en effet réparti autrement ce qui était antérieurement disposé en deux paragraphes dans le canon 1395 et ajouté un troisième paragraphe à ce canon. Le canon 1395 § 1 envisage deux délits : celui de concubinage au sens strict et celui de persistance avec scandale dans un péché extérieur contre le sixième commandement. Le canon 1395 § 2 envisage d’autres fautes contre le sixième commandement, cette fois-ci uniquement publiques, et il prévoit à leur encontre une peine indéterminée sans exclure éventuellement le renvoi de l’état clérical. Mais il ne traite plus de ces mêmes péchés s’ils ont été commis avec violence ou avec menaces ou s’ils ont été perpétrés sur une personne mineure. Le canon 1395 § 3 ajoute à des délits in sexto l’hypothèse de l’abus d’autorité (précédemment traité par le biais de la menace, lat. metus, c’est-à-dire la violence morale)13 et, d’autre part, en en traitant également au titre suivant dans le nouveau canon 1398 § 1.

Le nouveau canon 1398 est un autre exemple de plus grande précision à la fois dans les destinataires de la norme et dans son contenu. Les destinataires sont répartis en deux catégories : les clercs (§ 1), les membres des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique ainsi que des fidèles jouissant d’une dignité ecclésiastique ou exerçant un office ou une fonction dans l’Église (§ 2).

Quant à son contenu, le canon 1398 § 1 précise trois délits, sous plusieurs figures, susceptibles d’être commis par un clerc.

Le premier délit énoncé au canon 1398 § 1,1° reprend ce que l’ancien canon 1395 § 2 envisageait, à savoir le délit in sexto commis avec une personne mineure, mais, à l’instar du Motu Proprio Sacramentorum sanctitatis tutela (art. 6 § 1,1°), il ajoute désormais une autre catégorie de victimes, à savoir toute personne jouissant habituellement d’un usage imparfait de la raison ou encore sur laquelle le droit reconnaît une tutelle similaire14.

Se basant sur l’art. 1 § 1 du Motu proprio Vos estis lux mundi, le canon 1398 § 1,2° concerne les délits qui consistent à convaincre (lat. devincere, soumettre totalement) ou à inciter (lat. inducere, induire) une personne mineure ou ne jouissant qu’imparfaitement de l’usage de la raison ou encore sous tutelle, à s’exposer de manière pornographique ou à participer à des exhibitions pornographiques, soit réelles soit simulées.

Quant au canon 1398 § 1,3°, il concerne enfin les délits d’acquisition, de détention, d’exhibition et de diffusion, quels qu’en soient les moyens et les supports, d’images pornographiques de mineur(e)s ou de personnes jouissant habituellement d’un usage imparfait de la raison. Sa source est le Motu proprio Sacramentorum sanctitatis tutela, en son art. 6 § 1,2° qui, tout en spécifiant ces délits, prévoit que leur jugement est réservé à la CDF15.

Le législateur de 2021 fait enfin preuve de plus de sévérité dans la prévision des peines et dans leur application. L’effet de balancier est ici évident en comparaison avec le troisième principe directeur de la révision qui avait inspiré le législateur de 198316. À cause des scandales suscités par les agressions sexuelles et les délits en matière financière, c’est non seulement la majorité de nos contemporains mais bon nombre de fidèles catholiques qui estiment insuffisant de s’en tenir « à l’exhortation et à la persuasion » face à des auteurs de délits dont l’imputabilité grave et la responsabilité morale, civile et pénale, en leur chef, ne font aucun doute. Le pape François est de leur avis : exhorter et persuader sont des attitudes insuffisantes et inopérantes (cf. PGD, cité plus haut).

Le canon 1341 est le premier du titre relatif à l’application des peines (Titre v de la 1re Partie). Dans le Code de 1983, ce canon s’énonçait comme suit :

L’Ordinaire aura soin de n’entamer aucune procédure judiciaire ou administrative en vue d’infliger ou de déclarer une peine que s’il est assuré que la correction fraternelle, la réprimande ou les autres moyens de sa sollicitude pastorale ne peuvent suffisamment réparer le scandale, rétablir la justice, amender le coupable.

Désormais, la perspective est différente dès lors que le législateur de 2021 prescrit qu’une fois épuisés les moyens de la sollicitude pastorale, surtout la correction fraternelle, ainsi que la monition et la réprimande, l’Ordinaire devra entamer (lat. promovere debet) une procédure judiciaire ou administrative pour infliger ou déclarer une peine. Celle-ci n’intervient comme extrema ratio qu’après l’échec des autres moyens pastoraux (conseils et exhortations, cf. c. 1311 § 2) et quasi-pénaux (que sont la monition et la réprimande au sens du c. 1338).

L’énoncé actuel du canon 1341 n’est donc plus une recommandation, mais une injonction. Il évite ainsi que l’on interprète ce principe de façon indûment minimaliste comme une dissuasion d’appliquer une sanction pénale. Il entend ainsi persuader de la nécessité de la peine, certes toujours comme extrema ratio, moyen ultime face au refus ou à l’incapacité de l’auteur du délit de corriger son injustice, de s’amender et de réparer le scandale, le rétablissement de la justice passant en premier lieu par rapport à 1983 – indice, s’il en est, de la volonté de protéger les fidèles et de promouvoir le bien de la communauté ecclésiale (cf. c. 1311 § 2).

C’est surtout dans la prévision des peines pour chaque délit que se marque l’effet de balancier. Le législateur de 2021 a entrepris de déterminer de nombreuses peines précédemment indéterminées (en général désignées par l’expression « iusta poena puniatur »), il s’agit la plupart du temps de peines expiatoires, aidant de ce fait les Ordinaires et les supérieur(e)s dans le choix et l’application de la peine17. De plus, le nouveau Livre vi rend obligatoires des peines précédemment facultatives, aussi bien quant à leur prévision que quant à leur application : on passe ainsi du potest punire au debet punire18 ! Ce glissement vers l’obligation d’appliquer la peine se comprend souvent en fonction du scandale causé par le délit (cf. c. 1344,1°, 2° et 3°). À propos du scandale, le Livre vi le mentionne plus souvent qu’auparavant ainsi que la nécessité de sa réparation. Plus que l’amendement du coupable, c’est la protection de la communauté qui semble primer face aux effets du délit. C’est un signe évident d’une plus grande sévérité vu les retombées de la commission de certains délits, (plus) gravement réprouvés (que dans le passé) sur la collectivité humaine et la communauté ecclésiale19.

Alors que le Code de 1983 envisageait déjà l’ajout d’autres peines à celles prévues de manière obligatoire et déterminée – c. 1364 § 1 in fine (cf. praeterea) ; c. 1377 § 1 (non exclusa privatione) –, le législateur s’est empressé d’aggraver la sanction de certains délits par l’ajout éventuel d’une ou de plusieurs peines expiatoires (c. 1365 in fine ; c. 1371 § 1 in fine ; c. 1379 § 4), voire d’une censure (c. 1389 ; c. 1390 § 2). Parfois il entrevoit aux peines existantes, interdit ou suspense, l’alternative d’une peine expiatoire (c. 1380). Dans ce même registre de l’aggravation, il a envisagé des éventualités supplémentaires de renvoi de l’état clérical20 à celles déjà existantes21.

La rigueur et la sévérité plus grandes de la part du législateur reflètent sa volonté d’efficacité dans la poursuite des délits. À cet effet, il se montre moins réservé que dans le Code de 1983 quant au recours à une procédure extra-judiciaire, c’est-à-dire par voie administrative, débouchant de ce fait sur un décret extra iudicium (c. 1342 § 1). La procédure administrative demeure néanmoins l’exception par rapport à la procédure judiciaire22. De ce fait, le législateur de 2021 se montre légitimement soucieux que les procédures ad hoc soient observées en évitant l’arbitraire. Toujours en termes d’efficacité, le canon 1342 § 2 maintient l’interdiction d’imposer ou de déclarer par voie administrative des peines perpétuelles et d’autres peines (que la loi ou le précepte interdisent d’appliquer), mais il a ajouté la clause « à moins que l’autorité suprême n’en ait disposé autrement ». C’est le cas quand les lois spéciales du Saint-Siège prévoient le renvoi de l’état clérical.

Une dernière chose à signaler : le délai de prescription de l’action criminelle reste en général celui de trois ans, mais il est prolongé dans une série de délits où clercs et religieux(ses) sont susceptibles d’en être les auteurs. C’est ainsi que, d’après le canon 1362 § 1,2°, il passe à sept ans pour différents délits en matière de biens ecclésiastiques (c. 1376), pour les délits de corruption (c. 1377) et d’abus de pouvoir (c. 1378), pour les délits de commerce ou de négoce illicite (c. 1393 § 1) ainsi que pour la tentative de mariage de la part d’un clerc (c. 1394), pour les délits à l’encontre de la vie ou de la dignité humaine (c. 1397) et pour différents délits d’agression sexuelle (cc. 1395 et 1398). Quant aux délits réservés à la CDF, leur délai de prescription est régi par les lois spéciales les concernant (c. 1362 § 1,1°).

La Constitution apostolique Pascite Gregem Dei signale également, pour sa part, la plupart des modifications et améliorations présentées jusqu’ici. Elle évoque l’introduction dans le nouveau Livre vi de quelques nouvelles figures de délits en fonction des exigences actuelles de la justice et elle diminue le pouvoir discrétionnaire dans l’application des peines pour favoriser l’unité ecclésiale en particulier à l’encontre des délits qui causent le plus de dommages et de scandales. En matière de délais de prescription et de détermination des peines ainsi que de droits de la défense, la Constitution considère que la nouvelle législation répond à l’exigence de légalité pénale en même temps qu’elle offre aux Ordinaires et aux juges des critères objectifs pour l’application des peines. Elle nourrit enfin l’espoir que l’entrée en vigueur, le 8 décembre 2021, du nouveau Livre vi contribue au bien des âmes et que ses dispositions soient appliquées par les pasteurs et les supérieur(e)s.

Plus de rigueur, donc, et de sévérité tout en honorant la fonction réparatrice et médicinale du droit pénal pour le bien des fidèles et leur sanctification, personnelle et communautaire, autant que pour la sauvegarde et la promotion de l’unité ecclésiale. C’est à cet effet que le droit pénal révisé entend rencontrer les préoccupations majeures du législateur dans le contexte actuel. Je songe tout spécialement en matière de délits commis par des clercs ou des religieux(ses) dans le domaine des agressions sexuelles, des abus de pouvoir et d’autorité et des malversations économiques et financières. Le lecteur pourra s’en convaincre en parcourant la seconde partie du Livre vi (cc. 1364-1398).

III Un travail de retouches plus qu’une véritable refonte

Le législateur de 2021 a indéniablement réussi la prouesse d’être resté dans le cadre des canons assignés au Livre vi en 1983, à savoir ses quatre-vingt-neuf canons (cc. 1311-1399), et même d’avoir respecté la numérotation ancienne à l’intérieur des titres nouveaux, tout en opérant quelques transferts déjà signalés de canons d’un titre à l’autre et en ajoutant quelques paragraphes nouveaux à certains canons. Il a voulu intégrer les dispositions pénales émanées du Saint-Siège au fil de ces trois dernières décennies. Il a fait le choix de ne pas laisser des normae extravagantes en dehors du Code23.

Face à l’étendue du fléau des délits graves en matière d’agressions sexuelles et à l’incurie des évêques diocésains et autres Ordinaires, le législateur de 2021 ne s’est pas préoccupé d’autres questions de fond qui tenaient pourtant à cœur aux canonistes et théologiens lors de la révision du Code de 1917 après Vatican ii. Outre la question du principe d’une codification, je songe en particulier à celle des fondements théologiques du droit de punir et à leur appropriation dans une doctrine « pénale » canonique, y compris la réflexion intrinsèque à celle-ci sur la nature pénitentielle des sanctions « pénales ».

Corrélativement à cette indispensable clarification doctrinale aujourd’hui au xxie siècle entre le pénitentiel et le pénal, il importe, à mon humble avis, de distinguer entre droit pénal et droit disciplinaire ou administratif. Le droit pénal poursui(vrai)t la finalité principale d’amener le coupable à se convertir et pour laquelle le rétablissement de la justice et la réparation du scandale sont des conditions sine qua non. En revanche, le droit disciplinaire se situerait sans équivoque au for externe et viserait d’abord et avant tout la protection de la communauté, l’adhésion des fidèles et leur incorporation ecclésiale, en poursuivant sans ambages le rétablissement de la justice et, de ce fait, la réparation des dommages autant que du scandale. Manifestement les temps ne sont pas mûrs pour ces perspectives doctrinales.

La révision du Code de 1983 a également été une occasion ratée quant à des évolutions souhaitées, voire attendues. J’évoque brièvement quelques points faibles, sinon problématiques.

Il y a tout d’abord le fait que le législateur n’a pas envisagé, même partiellement, l’éventualité de la canonisation des procédures séculières pour certains délits par exemple en matière d’agressions sexuelles et dans les questions patrimoniales et financières. Pourquoi ne pas transférer la poursuite de ces délits au bras séculier et ne prévoir du côté canonique que les mesures conservatoires – tant que les faits et leur imputabilité ne sont pas établis – et, au terme de la procédure séculière, appliquer les peines canoniques – selon une procédure pénale administrative ? Selon moi, la justice ecclésiastique n’est pas outillée pour faire la vérité en ces domaines où dire le droit requiert beaucoup d’expertises, techniques, psychologiques et autres. De plus, bon nombre de concitoyens et même de fidèles catholiques sont suspicieux par rapport à l’impartialité de la justice ecclésiastique. La canonisation éviterait de laisser croire que l’Église veut traiter ces questions « en interne ».

Le deuxième point problématique concerne le maintien du canon 1399 en tant qu’exception au principe de légalité selon lequel il n’y a pas de peine s’il n’y a pas eu préalablement de délit au sens strict du terme (cf. c 1321 § 1)24. Je me contente à ce propos de rappeler que le Code des canons des Églises orientales promulgué en 1990 ne contient pas cette exception qui pose problème pour la culture juridique de nos États démocratiques.

La troisième faiblesse tient, au regard de la culture démocratique, aux procédures administratives qui risquent, malgré les précautions prises par le législateur (cf. cc. 1342 § 2, 1608 et 1720), de discréditer la lutte des Ordinaires contre les délits de clercs, notamment sexuels, dès lors que, dans les faits, ceux-ci ont toujours des fidèles qui les soutiennent et qui dénoncent la partialité de la voie administrative, voire refusent la légitimité de la justice ecclésiale. La voie administrative (qui relève de l’exécutif et non du judiciaire) atténue la lisibilité de la distinction (qui n’est pas une séparation) des pouvoirs dans l’Église (cf. c. 135) : c’est au nom de l’évêque diocésain que procède un Ordinaire du lieu (vicaire général ou épiscopal) à l’égard d’un clerc, la plupart du temps du clergé diocésain. Ce télescopage serait évité en instaurant une instance interdiocésaine, voire supra-diocésaine de saisine. Cela mettrait déjà un peu de distance par rapport au continuum signalé. N’est-ce pas à l’étude actuellement par la Conférence des évêques de France ?

La quatrième question problématique est celle de la pérennité des peines latae sententiae, c’est-à-dire de ces peines qui sont encourues du fait même de la commission du délit (cf. c. 1314)25. Elles sont un héritage du droit pénitentiel qui s’explique d’un point de vue proprement théologal : le fidèle qui commet un péché grave (pleine advertance, entier consentement et matière grave) ne vit plus de ce fait en état de grâce ; il est au mieux dans l’attente de l’accueillir à nouveau, par sa décision libre sous l’action de l’Esprit. En attendant, il est « puni » par le fait même qu’il a commis un péché (qualifié de délit). Cette modalité de punir a, selon moi, tout au plus une fonction de prévention générale, avertissant la communauté ecclésiale de la gravité de certains actes. N’est-il pas temps de faire preuve de réalisme face à l’inefficacité de peines latae sententiae qui, prétendument encourues par l’auteur du délit, ne l’affectent en rien dans sa volonté effective de s’amender26 ?

Un cinquième point problématique est le peu de place explicitement faite au statut des victimes et à la réparation des dommages les concernant. Pour le dire avec le langage d’aujourd’hui, le législateur de 2021 n’a pas vraiment pris en compte l’approche victimologique qui est une tendance lourde des droits criminels contemporains27 et, par surcroît, déjà mise en œuvre sur le plan de certaines Conférences épiscopales, notamment par des dispositifs collectifs et solidaires d’indemnisation équitable, en l’occurrence pour des dossiers touchés par les prescriptions légales, mais impliquant néanmoins la responsabilité morale (et non plus pénale, ni civile vu la prescription). Je cite l’exemple belge de la création d’un centre d’arbitrage commun à l’Église catholique et à l’État fédéral.

Conclusion

Le nouveau Livre vi a intégré bon nombre de dispositions prises par le Siège apostolique de Rome, en particulier la CDF, face à la crise des agressions sexuelles sur mineur(e)s et autres personnes vulnérables et simultanément face à l’incurie des Ordinaires et de leurs instances respectives. Cette intégration des lois extra-codicielles autant que la volonté de mettre les Pasteurs devant leurs responsabilités de gouvernement quant à l’exercice du droit de punir sont les deux facteurs principaux – des causes autant que des mobiles – de la révision du Code de 1983. À défaut de prise en compte de questions doctrinales sur le fondement du droit pénal et sur son aggiornamento pastoral et juridique, on ne pouvait s’attendre qu’à un toilettage du dispositif existant. Sous cet angle, nihil novi sub sole. À ce stade, on peut seulement espérer que la réception du nouveau Livre vi soit le gage d’un regain d’intérêt pour le droit pénal de l’Église dans sa singularité, pour le moins du côté des pasteurs, et la relance d’un approfondissement doctrinal, malheureusement trop longtemps resté en veilleuse.

Notes de bas de page

  • 1 On notera que le titre même de la Constitution apostolique Pascite Gregem Dei (PGD) parle de « réformer » le Livre vi. Le texte même ne recourt pas à ce concept ou à cette idée de réforme chère au pape François, mais utilise le verbe recognoscere à six reprises et le substantif recognitio à une reprise : il s’agit bel et bien d’une « révision » selon le langage adopté précédemment à propos du Code de 1917 pour aboutir après Vatican ii au Code de 1983, cf. <https://www.vatican.va/content/francesco/la/apost_constitutions/documents/papa-francesco_costituzione-ap_20210523_pascite-gregem-dei.html> (consulté le 2 août 2021).

  • 2 Cf. A. Borras, « Le discrédit du droit canonique. Enjeux et défis d’une crise », La Foi et le Temps 13 (1983), p. 387-410 ; « L’Église peut-elle encore punir ? », NRT 113 (1991), p. 205-218 ; L.-L. Christians, « Crises et mutations du droit de l’Église catholique dans les sociétés européennes sécularisées, vers une éthique de responsabilité sociale », RTL 43 (2012), p. 306-342. Et plus récemment E. Richer, La lumière montre les ombres. Crise d’efficience et fondements du droit pénal de l’Église. Essai d’analyse au regard du canon 1311 du CIC/1983 et de la loi suprême de la salus animarum, Toulouse, Les Presses Universitaires - Institut catholique de Toulouse, 2016.

  • 3 Je renvoie à l’étude de K. Demasure et B.M. Maisha, « Abus sexuel des enfants : péché ou pathologie ? Une réflexion interdisciplinaire sur la question », Studia canonica 49 (2015), p. 139-160, ici p. 140 : « la crise contemporaine de la pédophilie au sein de l’Église catholique romaine a débuté lors des années 1970 ».

  • 4 Congrégation pour la doctrine de la foi, « Lettre sur les délits les plus graves réservés à la Congrégation pour la doctrine de la foi », DC 99 (2002), 365 (AAS 93, 2001, p. 737-739). Pour un commentaire de ces deux documents, on consultera volontiers V. De Paolis, « Norme “De gravioribus delictis” riservati alla Congregazione per la Dottrina della fede », Periodica 91 (2002), p. 273-312.

  • 5 Congrégation pour la doctrine de la foi, « Normae de delictis Congregationi pro Doctrina Fidei reservatis seu Normae de delictis contra fidem necnon de gravioribus delictis », AAS 102 (2010), p. 419-434 ; en français <http://www.vatican.va/resources/resources_norme_fr.html> (consulté le 15 nov. 2020) ; « Brève relation sur les modifications introduites dans les Normae de gravioribus delictis réservés à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi », AAS 102 (2010), p. 432-434 ; <http://www.vatican.va/resources/resources_rel-modifiche_fr.html> (consulté le 15 nov. 2020) ; c’est dans ces normes que, dans les cas d’agressions sexuelles, la minorité est portée à 18 ans.

  • 6 Cf. Pontificium Consilium de Legum Textibus, Schema recognitionis Libri vi Codicis Iuris Canonici (reservatum), Typis vaticanis, 2011, p. 5. Dans les « quelques » raisons plaidant pour la révision du Livre vi, le CPTL notait que le droit évite l’arbitraire et l’abus d’autorité et empêche de laisser sans défense les personnes faibles et vulnérables.

  • 7 Le Motu proprio se compose de deux parties : des dispositions générales (art. 1-5) et des indications concernant les évêques et autres chefs d’Église quant à la façon de procéder (art. 6-19) et au respect des lois étatiques quant aux obligations de signalement. Cf. <http://www.vatican.va/content/francesco/fr/motu_proprio/documents/papa-francesco-motu-proprio-20190507_vos-estis-lux-mundi.html> (consulté le 2 août 2021).

  • 8 Cette insistance du pape François dans PGD fait d’ailleurs écho aux Lettres apostoliques données en forme de Motu proprio, Come una Madre amorosa du 4 juin 2016 et Vos estis lux mundi du 7 mai 2019.

  • 9 Pour ma part, j’aurais attendu que le fondement théologique du droit de punir soit pour le moins suggéré au seuil du Livre vi en 1983 et en 2021 ! Une brève allusion à la nature mystérique de la communion ecclésiale aurait mis d’emblée en exergue la sainteté de Dieu déjà communiquée à l’Église, immaculata ex maculatis, en raison de laquelle elle doit sans cesse se purifier pour être ce qu’elle doit être, sacrement de salut. Cf. A. Borras, Les sanctions dans l’Église. Commentaire des canons 1311-1399, coll. Nouveau Droit ecclésial, Paris, Tardy, 1990, p. 207-220.

  • 10 On trouve une traduction française dans la Préface du Code de 1983, que je cite d’après l’édition du Code de Droit canonique bilingue et annoté, coll. Gratianus, Montréal, Wilson & Lafleur, 2018, p. 23-25.

  • 11 En accord avec les 2e et 9e principes, le Livre vi de 1983 est parvenu à mieux coordonner for externe et for interne, en marquant sa préférence pour les peines ferendae sententiae – c’est-à-dire infligées par une procédure judiciaire (et exceptionnellement administrative) – à infliger et à remettre au for externe.

  • 12 Je signale le c. 1351 selon lequel le coupable est tenu partout à l’accomplissement de sa peine, même quand celui qui la lui a infligée n’est plus en charge : le législateur précise désormais que cela vaut pour une peine déclarée. Il y a toute une série de modifications d’énoncés, souvent en vue de plus de précision : c. 1318 (constituere au lieu de comminari), c. 1331 § 1,1°(celebrare au lieu de participationem ministerialem habere) ; c. 1332 § 3 (qui reprend dans un § distinct le c. 1332 in fine de 1983) ; c. 1336 (les peines expiatoires étant distinguées en quatre rubriques, respectivement les §§ 2-5) ; c. 1338 § 4 (= ex-c. 1336 § 2) ; c. 1341 (désormais formulé par une injonction positive, cf. debet) ; Titre vi de la 1re Partie (mentionnant la prescription) ; c. 1362 § 1 (intégrant les différents délais) ; Titre i de la 2e Partie (qui ajoute contra fidem) ; Titre ii de la 2e Partie (munerum excercitium) ; c. 1389 (non exclusa censura) ; Titre iv de la 2e Partie (contra bonam famam) ; c. 1393 § 2 (plus attentif à ces délits économiques que l’ancien c. 1392 de 1983) ; Titre vi de la 2e Partie (qui ajoute à bon escient dignitatem).

  • 13 L’abus d’autorité se distingue ici de l’abus de pouvoir envisagé par le c. 1376. L’abus d’autorité se traduit par la contrainte morale exercée sur quelqu’un par une personne qui se sert de son autorité pour l’obliger à accomplir un acte contraire à ses intérêts.

  • 14 Il s’agit en l’occurrence des personnes majeures vulnérables juridiquement protégées par une mise sous tutelle en raison de la survenance d’un handicap, d’une perte d’autonomie ou d’une baisse importante de leurs facultés mentales. Le c. 1398 § 1,1° n’a pas repris ici la catégorie de « personne vulnérable » du Motu proprio Vos estis lux mundi (art. 1 § 1, ii et iii) définie en ces termes : « toute personne se trouvant dans un état d’infirmité, de déficience physique ou psychique, ou de privation de liberté personnelle qui, de fait, limite, même occasionnellement, sa capacité de compréhension ou de volonté, ou en tout cas de résistance à l’offense » (art. 1 § 2, b).

  • 15 Le c. 1398 § 1,3° n’a pas repris l’expression « matériel pédopornographique » utilisée par le Motu proprio Vos estis lux mundi de 2019 (art. 1 § 1, a, iii) qui la définissait ainsi : « toute représentation, indépendamment du moyen utilisé, d’un mineur impliqué dans une activité sexuelle explicite, réelle ou simulée, et toute représentation d’organes sexuels de mineurs à des fins principalement sexuelles » (art. 1 § 2, c).

  • 16 « Chaque fois qu’il ne sera pas nécessaire d’observer strictement le droit à cause du bien public ou de la discipline ecclésiastique générale, on écartera les règles trop rigides et même plus, on recourra plutôt à l’exhortation et à la persuasion » (Préface du CIC 1983, p. 23).

  • 17 C’est le cas dans les canons suivants : c. 1365 (ex-c. 1371,1°), c. 1371 § 1 (ex-c. 1371,2°) ; c. 1372 (ex-c. 1375) ; c. 1377 § 1 (ex-c. 1386), c. 1378 § 1 (ex-c. 1377), c. 1379 § 5 (ex-c. 1379), c. 1383 (ex-c. 1385), c. 1390 § 2, c. 1391, c. 1392, c. 1393 (ex-c. 1392).

  • 18 Citons à ce propos les dispositions suivantes : c. 1326 § 1 (iudex debet), c. 1326 § 3 (poena facultativa fit obligatoria), c. 1345 (reus puniri debet), c. 1372 (puniantur), c. 1389 (puniatur), c. 1390 § 2 (puniatur), c. 1391 (puniatur), c. 1393 (puniatur), c. 1394 § 1 (puniri debet). À cela s’ajoute le c. 1344,1° et 3° où le juge ne peut différer la peine s’il faut réparer le scandale (1°) ou suspendre son application sauf si d’autres délits furent précédemment commis ou que le scandale doit être réparé (3°).

  • 19 Le législateur de 2021 a en effet ajouté plusieurs mentions du scandale, en général pour inscrire sa réparation dans la triple finalité des peines et attirer l’attention sur sa nécessité (cf. cc. 1311 § 2 in fine ; c. 1335 § 1 ; c. 1343 ; c. 1344,1° ; c. 1345). Ces six nouvelles mentions du scandale viennent s’ajouter aux mentions existant déjà dans le Livre vi de 1983, à savoir dans les canons suivants dont la numérotation est restée identique en 2021 : c. 1318, c. 1328 § 2, c. 1339 § 2, c. 1341, c. 1344,2° et 3°, c. 1347 § 2, c. 1352 § 2, c. 1357 § 2, c. 1361 § 3, c. 1364 § 2, c. 1394 § 1, c. 1395 § 1 et c. 1399.

  • 20 Outre les éventualités qui existent déjà (cc. 1364 § 2, 1370 § 1, 1382 §§ 1 et 2 [ex-c. 1367]), 1394 § 1, 1395 §§ 1 et 2), il s’agit des canons suivants : c. 1379 § 3, c. 1386 § 3, c. 1397 § 3 et c. 1398 § 1.

  • 21 Le Code de 1983 prévoyait déjà l’éventualité de peines supplémentaires dans les canons suivants, ici mentionnés selon leur numérotation actuelle : c. 1364 § 2 (ex-c. 1364 § 2) ; c. 1370 § 1 (ex-c. 1370 § 1) ; c. 1379 § 2 (ex-c. 1378 § 3) ; c. 1385 (ex-c. 1387) ; c. 1394 § 1 (ex.-c. 1394 § 1) ; c. 1395 §§ 1, 2 et 3 (cf. ex-c. 1395 §§ 1-2).

  • 22 C’est selon moi par réalisme – au vu des moyens limités de bon nombre de diocèses quant à sa mise en œuvre – que le législateur de 2021 concède que si des « justes causes » y font obstacle, l’Ordinaire entreprendra une procédure administrative en observant les dispositions du c. 1720, à savoir la notification de la prévention et des preuves à l’auteur présumé du délit, le respect des droits de la défense (1°), l’examen de son dossier avec l’assistance de deux assesseurs (2°) ainsi que l’indispensable certitude morale dans le chef de l’auteur du décret (cf. c. 1608).

  • 23 Selon l’adage ius sequitur vitam, il y a eu et il y aura toujours des dispositions extra-codicielles, cf. B. Gonçalves, « La survivance du droit pénal pio-bénédictin dans le CIC/1983 », L’Année canonique 58 (2017), p. 161-182. Dans une perspective plus critique sur le principe de codification et sa pertinence pour l’Église catholique latine, vu l’inefficience avérée de larges pans du Code dans la vie concrète des communautés ecclésiales, je renvoie à L.-L. Christians, « Crises et mutations du droit de l’Église catholique » (cité n. 2).

  • 24 Cela ne peut manquer de nous interpeller : alors que, comme dans nos sociétés contemporaines, la tendance dans l’Église latine est (enfin) à la rigueur procédurale dont le principe de légalité est un des fondements majeurs, comment se fait-il que le législateur latin de 2021 ne se soit pas laissé inspirer par le réalisme du droit oriental ? C’est d’autant plus frappant que ni à Rome, ni a fortiori dans les diocèses on n’oserait agir aujourd’hui à l’encontre du principe de légalité. Cette exception s’explique sans doute par la prévalence du principe théologique de la communion sur le principe juridique de légalité des législations séculières. Je renvoie ici aux réflexions de B. Gonçalves, « La survivance du droit pénal pio-bénédictin dans le CIC/1983 » (cité n. 23), p. 173.

  • 25 Le nouveau Livre vi ne prévoit qu’un cas supplémentaire de peine encourue latae sententiae (l.s.), à savoir à la suite de la tentative d’ordination d’une femme (excommunication l. s., c. 1379 § 3). Il maintient une peine latae sententiae dans les cas antérieurement prévus (c. 1364 § 1 ; c. 1370 §§ 1 et 2 ; c. 1379 § 1 ; c. 1382 § 1 ; c. 1384 ; c. 1386 § 1 ; c. 1387 ; c. 1390 ; c. 1394 §§ 1 et 2) ; c. 1397 § 3).

  • 26 Quant au délit d’avortement (cf. c. 1397 § 2) force est de constater le réalisme implacable d’un point de vue pastoral : par sa lettre apostolique Misericordia et misera du 21 nov. 2016, le pape François a donné à tous les prêtres la faculté de remettre au for interne sacramentel l’excommunication latae sententiae pour avortement alors qu’on savait déjà qu’elle pouvait être remise au for interne si le confesseur est évêque (c. 1355 § 1, y compris Cardinal) ou Ordinaire (c. 1356 § 1) ou chanoine pénitencier (c. 968 § 1) ou doté de la faculté ad hoc (c. 976), sans oublier tout confesseur s’il est trop dur au pénitent d’être en état de péché (c. 1357).

  • 27 Outre ces dispositifs, on pourrait évoquer l’apport de la restorative justice de certains systèmes pénaux séculiers qui mettent au cœur de l’intervention pénale la reconnaissance par le coupable de sa responsabilité envers la victime. Cf. notamment M. Riondino, Giustizia riparativa e mediazione nel diritto penale canonico, coll. Corona lateranensis, Rome, Lateran University Press, 2011, en particulier p. 155-156.

newsletter


la revue


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80