Ce livre témoigne à la fois d'une vaste culture théologique et d'un sens pastoral particulièrement averti des requêtes de la culture contemporaine. Selon l'A., prêtre anglican et Senior Lecturer in Theology à l'Université Flinders d'Adélaïde (Australie), certains refus contemporains de Dieu procèdent d'une image de Dieu héritée du théisme du Siècle des Lumières, qu'une évolution ultérieure, plus confiante encore dans les possibilités des sciences positives, a rendu inopérant parce que superflu. Le Dieu alors défini par les théologiens comme purement transcendant, lointain par rapport au monde, à l'expérience humaine, disparaissait dès lors de l'horizon culturel de l'époque, en l'absence d'une approche théologique plus accueillante aux sources d'une expérience religieuse vivante, de la foi trinitaire et doxologique, de la prière.
Ce qui subsistait n'était autre chose qu'un matérialisme officiel - le «Dieu-hypothèse inutile» du mathématicien Laplace - fermé sur lui-même, et, tout au plus, un sentiment religieux irrationnel confiné au domaine privé. En faisant écho à des théologiens contemporains (T.F. Tracy, E. Schillebeeckx, K. Surin, J. Moltmann, K. Rahner…), l'A. a entrepris de réfléchir plus loin et plus profond que le Dieu du théisme classique et de ce qu'il appelle «son ombre athée». Il convient d'ailleurs que la grande tradition théologique, celle notamment de Grégoire de Nazianze, Thomas d'Aquin, Luther, Calvin (et, ajouterions-nous, Irénée de Lyon) avaient accueilli depuis longtemps, en cohérence avec l'Écriture, la conception d'un Dieu en étroite relation avec le monde, se donnant à connaître à travers la création et, selon la saisissante formule d'Étienne Gilson, «sauvegardant les droits de Dieu en sauvegardant les droits des créatures».
L'«imagination judéo-chrétienne» nous présente en effet «Dieu au travail dans un univers qui est lui-même en travail»; un Dieu qui est le Seigneur de l'ensemble du cosmos, mais respecte aussi l'intégrité de la création et trouve ses délices en toute créature qui vit et agit selon sa nature particulière. Dans un de ses chapitres, l'A., qui a bénéficié d'une solide culture scientifique, estime, en se référant notamment à la théorie du «chaos», que l'univers est plus complexe et plus «ouvert» à une action divine (sans pour autant en apporter la preuve) que ne le postulaient les modèles mathématiques d'un scientisme rigide. Mais les pages les plus pénétrantes, et, pastoralement, les plus pertinentes aujourd'hui sont celles (p. 113-124) que l'A. consacre au problème - ou, pour mieux dire, au mystère - du mal et du «mal-être». Il rappelle que cette question cruciale résonne tout au long des Écritures judéo-chrétiennes, et que le livre de Job ne permet pas d'y échapper. Nous ne pouvons éviter de prendre en compte les réalités brutes de la vulnérabilité humaine, de la méchanceté et de l'intransigeance, des désastres naturels et des agonies muettes de tant de nos compagnons infra-humains, qu'une apologétique providentialiste a vainement tenté d'«expliquer». Si Dieu se mettait à modifier de l'extérieur certains éléments de notre univers, le réseau d'interrelations qui constitue celui-ci s'en trouverait profondément affecté, et il en résulterait un autre monde, inimaginable pour nous, qui en serions d'ailleurs nous-mêmes profondément différents de ce que nous sommes. Le Dieu qui émerge de la tradition chrétienne est un Dieu qui agit au coeur du monde en accord avec la nature profonde de celui-ci, dans le respect de ses conditionnements et des libertés qui s'y affirment. Il est aussi un Dieu qui s'emploie à tirer le bien du mal. Les chrétiens en font l'expérience dans leur propre vie et, au suprême degré, dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus, qui se révèle vivant pour nous dans les Écritures, la liturgie, le témoignage des personnes et des communautés qui oeuvrent fidèlement, dans l'espérance, à la libération des hommes et à la transfiguration de l'univers. Parce qu'il nous est donné de concevoir que telle est la manière dont Dieu agit dans le monde, et parce que Jésus vivant parmi nous vient confirmer cette foi, il nous est possible de découvrir que Dieu est à l'oeuvre en ce monde à la manière dont le Christ l'a été, en faisant surgir un nouvel élan de vie du sein de l'amertume, des ténèbres, de l'échec humain le plus radical. C'est à la lumière de cette divine solidarité que l'Église proclame 'la résurrection des morts, des victimes de la violence et des exterminations' (J. Moltmann), dont l'activité rédemptrice de Dieu dans le présent éveille en nous l'espérance». - P. Lebeau, S.J.

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