À l’aube d’une vie. Faire face à la pathologie grave d’un enfant à naître

Nicolas Delafon
Morale et droit - Recenseur : Xavier Dijon s.j.

Nicolas Delafon, qui partage son temps entre l’enseignement au Collège des Bernardins et l’aumônerie d’un hôpital, conjoint ici excellemment ses deux missions pour présenter le sujet grave qui fait l’objet du sous-titre. L’ouvrage décrit brièvement (1re partie) l’annonce tragique, après échographie, d’une pathologie grave qui affecte le fœtus, puis les tourments du couple confronté à l’éventuelle décision d’avorter ; ensuite (2e partie) l’environnement tant médical que juridique d’une telle situation, avant de plonger (3e partie) dans la réflexion philosophique, pour remonter (4e partie) dans les pistes d’une aide concrète à donner aux parents. L’espérance chrétienne inspire manifestement l’A., mais c’est en sous-jacence, car le propos global prend plutôt ses références dans notre humanité commune. C’est, en effet, la profondeur de la personne humaine qu’il s’agit de rejoindre dans ces dialogues (difficiles) menés par le couple en son propre sein, ou avec ses proches ou encore avec le corps médical. Lorsque l’imagerie radiologique a remplacé par un écran la chair vive du fœtus que la mère ressent en elle ; que l’hôpital a oublié son rôle d’hospitalité qui permettrait au patient de se retrouver lui-même ; que la loi impose aux médecins l’obligation de donner une information qui anticipe sur les incertitudes de l’avenir ; que l’autonomie de décision est entamée par la proposition explicite de l’IVG, comment rentrer en soi, dans la personne que l’on est, pour ensuite sortir de soi afin de faire attention à l’autre, c.-à-d. à cette personne que le fœtus est aussi ? Trois philosophes viennent soutenir cette démarche de recentrement en vue du don. Gabriel Marcel plaide en faveur de l’esprit humain comme expression de la sagesse de Dieu par opposition à l’état d’esprit qui voudrait qu’on ne puisse pas laisser naître un fœtus malformé. Gare à l’abstraction technologique qui réduit l’enfant à son handicap ! C’est que, dans le temps qui lui est donné, chacun de nous advient à lui-même. La juive Simone Weil prend le relais de l’existentialiste chrétien : son analyse du malheur des travailleurs d’usine (dont l’auteure fit elle-même partie) montre comment une âme peut être broyée, n’exprimant plus alors que la part superficielle d’elle-même ; n’y a-t-il pas là quelque chose de semblable au vécu de la femme enceinte laissée seule dans un hôpital où on lui parle de mettre fin à la vie de l’enfant imparfait qu’elle porte ? Le troisième philosophe, Michel Henry, rappelle que le secret du vivant n’appartient qu’à la Vie, inobjectivable, et que l’éprouvé du Soi paternel ou maternel reste invisible. Il importe donc, par respect pour la personne – toutes les personnes – de laisser à la Vie le dernier mot. Après la 4e partie qui décrit le cadre, le temps, les personnes et les étapes du dialogue, trois annexes complètent l’ouvrage sur le début de la personne humaine, la place du jugement, et le projet d’aide hors de l’hôpital. Au total, un fort bel alliage du rendu de la pratique médico-juridique et de l’apport philosophique. — X. Dijon s.j.

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