Cet ouvrage est une somme : 807 p., avec une bibliographie très fournie de 60 p. et une ample table des matières de 15 p. Cyril Pasquier publie la thèse qu’il a soutenue en 2018 à l’Université de Fribourg, dont il formule ainsi le projet : « entrer plus avant dans l’intelligence du mystère eschatologique [qu’est le millénarisme], selon une approche plus “spéculative” » (p. xiii). Le problème du millénarisme naît du crux interpretum qu’est Ap 20,6 : que peut bien signifier le règne des mille ans que les participants de la première résurrection partagent avec le Christ ? Certains ont compris ce règne comme renvoyant à un royaume qui adviendra à la parousie (Augustin émargerait à cette catégorie), tandis que les autres y ont lu la désignation du temps présent, celui de l’Église. L’ouvrage est distribué en quatre parties : 1. l’A. propose un état des lieux chez les Pères, 2. il explore ensuite l’amillénarisme d’Augustin d’Hippone, 3. puis il révèle la postérité de la position d’Irénée de Lyon (à l’étude de laquelle l’A. a consacré une monographie en 2008), 4. et termine en avançant une proposition personnelle – « le millénium intégral » – qui s’abreuve aux sources scolastiques (Thomas d’Aquin et Bonaventure sont principalement mobilisés). Cette proposition opère une synthèse, à la fois ecclésiale et christologique : elle articule le Christ-Corps et le Christ-Tête : « le millénium est, dans la vie du Corps du Christ, un intermédiaire entre la période qui précède l’Incarnation et celle qui commencera à l’entrée définitive dans l’éternité » (p. 695). Deux remarques : d’une part cette proposition poursuit le recentrage de l’eschatologie vers sa dimension collective, d’autre part on ressent clairement, à lire l’ouvrage, qu’Irénée unit le Christ-Corps au Christ-Tête. C’est fort à propos qu’il a été proclamé docteur de l’unité en 2022. — N.J.