Bible, sagesse et philosophie

Bernard Grasset
Philosophie - Recenseur : Jean Burton s.j.
Comme l'indique le titre de la coll., il s'agit d'un « chemin de pensée » qui constitue la suite d'un premier volume : Vers une pensée biblique (NRT 133, 2011, p. 671). La progression et la cohérence de ce triptyque sont rendues évidentes par les nouveaux titres eux-mêmes. S'il y a dans la Bible - qui en douterait ? - une pensée humaine, celle-ci va, selon sa nature langagière et sa grâce divine, rencontrer ce que l'on nomme, venue des cultures voisines, une Sagesse. Celle-ci, comme toute la Bible elle-même, sera reconnue par les Pères de l'Église (dont certains sont déjà philosophes) comme « la vraie philosophie ». L'Écriture ainsi « sage » - d'ailleurs déjà en langue grecque - va donc interagir avec laphilosophie (au singulier problématique). On sait déjà combien l'A., poète lui-même (et singulièrement attentif à la poésie hébraïque) convoque des écrivains sacrés ou « païens », autres que Pascal ou Péguy.
Tout le vol. 2 de la série exemplifie, avec beaucoup d'à-propos, ces multiples contacts à l'intérieur de la pensée et dans son parcours historique : le domaine biblique, la patristique, la pensée pascalienne, la philosophie de l'esprit et du mystère (on rencontrera Lavelle et Marcel)… Ici aussi, on prend date, inévitablement, du moment nietzschéen de « la mort de Dieu ». La « porosité » entre les genres de pensée (saluée par J. Radermakers dans son compte rendu du premier texte) risque de s'obstruer (p. ex. au moment des Lumières où les rapports entre « science et foi » deviennent problématiques). Il reste qu'aux « Sources d'un avenir » se dégagent des chemins : Sagesse et beauté, poésie, et mystère de l'infini. Il fallait donc dégager les « Chemins d'aurore » où Bible, Sagesse et Philosophie pouvaient interagir avec fruit. Ce ne sera pas sans critique de la position adverse trop encline à durcir les « frontières ».
Qu'apporte le vol. 3 ? Il s'agira de « chemins de philexégèse ». Une bonne partie des auteurs déjà rencontrés se retrouvent comme pour une enfance poétique hospitalière du Sens. Les mouvements du Coeur (qui n'est pas toujours celui de l'insensé) qui traversent les psaumes, les hymnes, les jubilations, les lamentations, les cris en quête de l'Être, la main sur la bouche de Job en silence mystique au seuil de l'au-delà de Dieu… offrent un espace d'écoute et de dialogue. Cette connivence intérieure « con-spire » à l'épreuve du Temps, dans l'émerveillement devant le Beau comme une « philexégèse » audacieuse de la condition humaine, de son être-là pour la mort… ou pour la vie. Connivence qui balbutie au seuil du Mystère. Peut-on penser une pensée du coeur qui, dit-on, pense ce que la raison ne pense pas ? Quelle « science » parle en nous ? Mais un regard unifié, sans confusion, est « aux antipodes de la sophistique et du nihilisme, cette pensée de l'écoute, autre, nouvelle, enracine l'homme, avec un autre langage, dans la lumière de l'être et de la vie » (4e de couverture).
L'oeuvre est ambitieuse et courageuse (la bibliographie abondante en fait foi) pour les temps où nous sommes. D'autres rencontres (phénoménologie, et même « déconstruction »…) avec notre « post-modernité » pourront-elles être attendues ? Ces ouvrages ont édifié les ponts de rencontres. Nous ne pouvons que remercier l'A., engagé « en poésie », pour ces réflexions suggestives, dans ce battement fécond de l'intériorité et de l'extériorité qui lui est familier. - J. Burton s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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