C’est maintenant le temps favorable. Cinq regards de femmes sur la crise
Geneviève Comeau Odile Hardy Nathalie Becquart Noëlie Djimadoumbaye Agata ZielinskiSpiritualité - Recenseur : Marie-Jeanne Coutagne
L’idée de confier à des religieuses xavières (la Xavière fête son centenaire en cette année 2021), donc de tradition ignatienne, le soin de mettre des mots sur ce qui nous arrive depuis la crise de la Covid-19 est vraiment inspirée et le résultat est inspirant comme le confie Jean-Pierre Denis, auteur d’une brève postface. Le rude temps de la pandémie est ici perçu comme un « temps favorable, un kaïros » (p. 52, 174, voir Marc 1,15…). Mais nos cinq religieuses – auxquelles il faut adjoindre Christine Danel, supérieure générale de la Xavière, qui a rédigé une préface et Anne-Laure Gomas, auteure d’une conclusion très ouverte – tracent un diagnostic précis, approfondi et rayonnant d’une lumineuse expérience humaine, véritable « oasis » dans ce désert déconcertant que nous traversons.
Les questions sont vives, théologiques (et Dieu dans tout ça ?) philosophiques (comment rester fidèle à une éthique du soin et de la sollicitude ?), environnementales, écologiques et sociales. Nos souffrances et nos tensions rejoignent le cri de tous les pauvres, car notre vulnérabilité n’est que cette pauvreté radicale que nous refusons trop souvent de regarder en face. Pastorales et ecclésiales enfin : comment ne pas constater que l’Église est profondément affectée par les rebondissements de cette crise. Les absences d’eucharistie, alors même que nous découvrions notre besoin d’être ensemble et finalement d’incarnation, ont fait surgir au grand jour deux modèles d’Église, l’un ancrée dans la tradition tridentine, l’autre résolument conciliaire, laissant une large place aux laïcs et dessinant ce chemin synodal que le pape François invite à suivre avec détermination. Nathalie Becquart, (nommée sous-secrétaire du synode des évêques le 6 fév. 2021, avec droit de vote, une première pour une femme), le rappelle avec force.
De grands théologiens sont évoqués au détour des pages : ainsi Dietrich Bonhoeffer ou Maurice Zundel ; leurs réflexions nous aident à mieux affronter ce défi pour la raison comme pour le cœur, car il y va de notre confiance en Dieu certes, mais aussi en l’homme ! Toutes ces femmes engagées et solidement ancrées dans leur foi, nous invitent à vire autrement, dans la relation renouvelée avec les autres. « Dieu ne sauve pas l’homme de sa vulnérabilité, mais dans sa vulnérabilité », disait Xavier Thévenot (p. 89). Au fond, au cœur d’une nouvelle intériorité « d’exil » (p. 67), il s’agit de refaire alliance au jour le jour, alors même que notre rapport au temps est perturbé, et que notre liberté nous paraît, parfois à tort, menacée. D’où l’appel à notre responsabilité et à notre créativité. Alors la crise, grâce à un discernement radical, pourra faire en sorte que nous ne nous laissions pas voler notre espérance ! — M.-J. Coutagne