La formule paulinienne de 2 Th 3,10, si quis non
vult operari nec manducet, semble toute simple, lumineuse,
sans équivoque, juste. Elle pourrait même prétendre résoudre toutes
nos difficultés. L'objet de l'ouvrage de Régis Burnet,
professeur d'exégèse du NT à l'Univ. cath. de Louvain, est de
proposer l'histoire de sa réception, non seulement dans l'Église,
mais surtout dans la société. Car « de saint Paul à Pol Pot »
(chap. 5), sa destinée est des plus étonnantes, de sorte qu'elle se
trouvait écrite sur les murs du Goulag (p. 163) ou encore
citée par M. Thatcher dans un discours de 1988, à un moment où
se mettaient en place de nouvelles politiques marquées par un
retrait sans précédent de l'État-providence (p. 8-11). Le parcours
se fait en 4 étapes dont l'A. ressaisit régulièrement les
acquis (cf. p. 184-185) : au temps de Paul d'abord, le
précepte vise ceux qui avaient pris un peu trop au sérieux le
discours apocalyptique de l'Apôtre ; au Moyen Âge, on la rencontre
en contexte monastique comme antidote à l'acédie ;
du XIIe au XVIIie s., elle a
un autre but : éduquer l'humanité et l'organiser en société ;
depuis lors enfin, son usage est pleinement séculier, elle exprime
un contrat social autour de la « valeur travail ». De ce parcours,
il faut souligner, avec l'A., que le mot « travail » a plusieurs
fois changé de sens, changeant du même coup la compréhension de la
formule, de même que ses destinataires. Ce voyage alerte et
largement illustré constitue une histoire de notre civilisation
occidentale dans son rapport au travail et aux pauvres. Il montre,
si besoin était, qu'un slogan (trop) bien frappé peut toujours être
manipulé ; il constitue du même coup un plaidoyer en faveur de
l'utilité des sciences humaines dans le débat public (p. 11).
- S. Dehorter